Après avoir visionné très récemment "le petit blond de la Casbah" d'Alexandre Arcadi, un film plein d'émotions et de tendresse, cette lecture en est , dans un certain sens, une prolongation et un complément.
Les photographies annexées à l'ouvrage agrémentent la lecture.
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Des enfances sabotées par cette guerre plus ou moins fratricide que fut la guerre d'Algérie, une mémoire toujours vivante de la guerre qui illustre et complète la « grande » histoire, souvenirs atroces gravés dans les jeunes mémoires d‘enfants «confrontés à une violence dont ils ne comprenaient pas la cause »(Monique Canto Sperber) . Souvenirs d'enfants des deux bords et pour tous, la présence de la terreur et de la mort « Les morts saignent encore sur les trottoirs, les tueurs dans les rues, au grand jour, les tueurs distribuent des tracts, les maisons sont ouvertes à tous vents, les vitrines brisées, les magasins abandonnés, la saleté partout, ça ne peut pas durer, ça attend la fin, pour l'instant, le temps se retient, les enfants voient ce qu'ils ne devraient pas voir. » dit Jean-Jacques Gonzales, « Sur le chemin de l'école, une odeur putride a remplacé celle des roses. » ajoute Jacqueline Brenot. Pour Jacqueline Canto Sperber, c'est « la carriole de légume renversée et le corps d'une femme, une vieille femme arabe, sur le trottoir, dans une flaque de sang » »Tout cela dessinait un monde d'horreur et de haine auquel l'enfant ne comprenait rien »(Jean-Pierre Castellani), « j'ai du mal à oublier les cadavres que j'ai vus, » (Mehdi Chareb). Sans parler des morts de l'épuration d'après l'indépendance, qu'évoque Mohamed Kacimi. Presque tous ces enfants ont perdu un parent, même ceux qui ne le racontent pas tant le souvenir leur est encore douloureux, certains les ont même vus morts, pendus ou suppliciés. La liberté n'a pas de prix, mais, dans le coeur de chacun de ces enfants, le tribut payé à la liberté reste gravé à jamais. C'est cela que restitue ce livre grave, dérangeant, presque insoutenable. A lire absolument, car ce travail original n'a jamais été fait, qui unit, dans l'ordre alphabétique, les souvenirs d'enfants des deux bords, enfants algériens, enfants européens, dans un souffrance partagée. Un livres que les jeunes élèves et étudiants français et algériens devraient lire, pour comprendre l'apprentissage douloureux que ces « années de braise » furent pour leurs aînés..
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Un très bon livre : à travers les yeux de 44 auteurs, issus de tous les milieux (pieds-noirs pro-Algérie française, pieds-noirs pour l'indépendance, Juifs, Algériens, des campagnes, des villes), c'est une peinture de la guerre d'Algérie, vécue et ressentie par ces enfants : cela va des milieux de pieds-noirs des villes dont les enfants ont passé presque toute la guerre assez protégés, rattrapés par la violence de l'OAS à la fin, aux enfants arabes dont les familles étaient parqués dans des camps sous surveillance militaire des soldats français. On sent la mobilisation de la population algérienne arabe, notamment la grève de 1957 pour soutenir l'indépendance, on voit également les jeunes hommes des familles qui partent pour le maquis, l'engagement de certains milieux d'origine française pour l'indépendance, mais on voit aussi la violence du FLN (assassinat de "traîtres" qui travaillent dans l'administration française, nez coupés pour ceux qui fument, massacres contre le MNA). Côté pied-noir, on voit les attentats aveugles de l'OAS, comment ils font régner la terreur, et comment la plupart des pieds-noirs vont être contraints par cette spirale de violence de quitter l'Algérie. Les méthodes abjectes de l'armée française, la torture, les assassinats de civils dans les villages, sont aussi montrés.
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Les morts saignent encore sur les trottoirs, les tueurs dans les rues, au grand jour, les tueurs distribuent des tracts, les maisons sont ouvertes à tous vents, les vitrines brisées, les magasins abandonnés, la saleté partout, ça ne peut pas durer, ça attend la fin, pour l'instant, le temps se retient, les enfants voient ce qu'ils ne devraient pas voir. (texte de Jean-Jacques Gonzales)
Elle se souvient avoir vécu avec les djinns, tissés dans la lumière d'un feu sans fumée, dans l'insouciance d'une naissance d'argile, dans l'émerveillement des jardins, des odeurs et dans le bruit des habitants mélangés.
(Texte de Marie Malaspina)
La détresse de réfugiés d'aujourd'hui réactualise celle que j'ai alors vue de près. Il y a un fonds commun à toutes les guerres (Martine Mathieu-Job, Blida. Boghari, Ma drôle de guerre)
Mon père les a gardées comme il a gardé les lettres de ma mère.L'enveloppe qui m'a été confiée est là, dans la chambre où j'écris.
Après la mort de ma mère,
mon frère Alain ne les a pas lues,
ma soeur Lysel ne les a pas lues,
ma soeur Danièle ne les a pas lues,
je ne les ai pas lues.
J'ai pensé, en écrivant ce texte, que je les lirais, que je peut-être je citerais des extraits de l'une ou de l'autre.
Je ne les lis pas.
Mes père et mère sont morts, mais ils ne sont pas morts. Ils sont vivants
(fin du texte de Leila Sebbar)
Dans les soubassements de sa terre, l'enfant sent la masse des troturés, des égorgés mélangeant leur sang qui gonfle comme un oued au printemps.
(texte de Marie Malaspina)
La Bibliothèque francophone de Paris 8 vous propose une rencontre avec Leïla Sebbar, rencontre littéraire organisée par Ferroudja Allouache et Kamila Bouchemal ainsi que les étudiant.e.s de Master Création critique/Écritures du monde.
Retrouvez cette ressource et sa documentation sur Octaviana (la bibliothèque numérique de l'université Paris 8) : https://octaviana.fr/document/VUN0036_19