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Jean Le Bitoux (Collaborateur)
EAN : 9782702122778
198 pages
Calmann-Lévy (01/04/1994)
4.21/5   29 notes
Résumé :

C'est une voix devenue blanche qu'on entendra ici. Pierre Seel se souvient : la déportation dans les camps nazis, la torture et l'humiliation, puis l'enrôlement forcé - comme Alsacien - dans l'armée allemande, le front de l'Est, l'évasion et la capture par les Russes.Mais il se souvient aussi de son retour de guerre : le mur de réprobation dressé devant lui, l'homosexualité inavouable, la décision de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Né à Haguenau en 1923, Pierre Seel se sait homosexuel et dès l'âge de dix-sept ans fréquente un parc et un café où les homosexuels se côtoient. Dans ce parc, en 1940, on lui vole sa montre. Il commet l'erreur de reporter ce vol au commissariat où, loin de se préoccuper du préjudice qu'il a subi, de victime il devient délinquant, et on le fiche comme homosexuel : « Entré au commissariat en tant que citoyen volé, j'en ressortais homosexuel honteux. » C'est ce qui permettra en 1941, à la Gestapo de l'arrêter, de le torturer, de le violer et de le déporter au camp de Schirmeck comme d'autres homosexuels. Dans ce camp, outre les violences qui lui sont faites, il assiste, désemparé, à la mise à mort atroce de son ami. ● Ce livre publié en 1994 nous donne un témoignage capital sur la déportation des homosexuels, qui a longtemps été niée, puis mise au second plan, comme si elle ne comptait pas. Non seulement les homosexuels étaient les plus méprisés des camps, y compris des autres détenus, mais en outre ils n'ont eu aucune reconnaissance de ce qu'ils y avaient subi. ● de plus, si les lois antisémites du régime de Vichy ont été abrogées à la Libération, ce ne fut pas le cas de la loi faisant de l'homosexualité un délit, qui au contraire fut alourdie. Il a fallu attendre François Mitterrand et Robert Badinter en 1982 pour l'abroger. ● A la Libération et dans les décennies qui ont suivi, Pierre Seel a dû cacher le motif de sa déportation, et même sa déportation elle-même pour éviter toute question qui aurait pu l'amener à avouer son homosexualité : « Je commençais déjà à censurer mes souvenirs et je réalisais qu'en dépit de mes attentes, en dépit de tout ce que j'avais imaginé, de l'émotion du retour tant espéré, la vraie Libération, c'était pour les autres. » ● Souhaitant vivre une vie paisible et « normale », il a pensé qu'il pouvait se marier. C'est ce qu'il a fait et il a eu trois enfants, mais son mariage ne pouvait pas fonctionner sur de telles bases : « Ainsi donc il n'avait servi à rien que j'endure ce que j'avais enduré et que je renonce à mon homosexualité. Il n'avait servi à rien que j'entreprenne de construire pendant presque trente ans un foyer, puisqu'il entreprenait de m'abandonner. » ● Il faut dire que s'ajoute à tout cela la culpabilité immense née d'un catholicisme fervent qui lui vient de sa famille. Jeune homme, voici ses réflexions : « Je tentai bien de m'en ouvrir à mon confesseur. Mais je souffris des conséquences de mes audacieuses confidences. L'aveu d'une simple masturbation faisait que le prêtre me refusait l'absolution. Cela me jetait des nuits entières dans la hantise de l'enfer et dans la honte du péché. Aiguisé par mes embarras d'adolescent, il poussait plus loin ses investigations, et la question du désir homosexuel surgissait tout naturellement. Il fouillait ainsi dans l'intimité de ma conscience avec le voyeurisme d'une caméra impudique. Provocantes, ses questions enflammaient mon imagination ou avivaient mes angoisses. As-tu fait ceci ? En avais-tu envie ? Avec qui ? Comment ? Où ? Quand ? Combien de fois ? As-tu eu de la honte ou du plaisir ? Quand le harcèlement cessait, j'avais la conviction que je n'étais qu'un monstre. » ● Et plus tard, marié : « J'avais décidé de rayer de ma vie mon homosexualité. Mais peut-on s'empêcher de penser ? Il m'arrivait de me confesser, et j'étais bien obligé d'avouer quelques plaisirs solitaires. le prêtre me demandait aussitôt : – En pensant à qui ? – À un garçon. – Alors, je ne peux vous donner l'absolution. – Mais enfin c'est une force face à laquelle je ne peux rien. – Je suis désolé. – Mais enfin, je suis un époux digne et un père responsable ! – Désolé. Vous êtes en état de péché grave. Pas d'absolution. » ● Enfin, il comprend l'hypocrisie crasse de cette religion où les prêtres, tout en pourfendant l'homosexualité, sont eux-mêmes bien souvent homosexuels (voir l'implacable enquête Sodoma de Frédéric Martel), quand ils ne sont pas pédocriminels. Il en prend acte et se détourne à jamais au moins de la confession : « Au terme de toutes ces déconvenues, je ne me suis plus jamais confessé. » ● Pierre Seel, dont on comprend le caractère introverti (il a d'abord témoigné de façon anonyme), a dû se faire violence pour mener sur le tard le combat de la reconnaissance de sa propre déportation et de ceux des autres homosexuels. Ce livre en est le récit capital.
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Une vie terriblement mutilée par la barbarie , l'hypocrisie humaine, le fatum.
Une vie de multiples fois ravagée :
- quand il est arrêté en 1941, en tant qu'homosexuel, torturé, violé bestialement, envoyé au camp de Natzweiler- Strahorf (seul camp de concentration nazi sur le territoire français. Plus de 20 000 personnes y ont disparu), qu'il assiste à la mise à mort de son ami
- quand, libéré, du moins ose-t-il le penser, il est incorporé dans le RAD, le Reichsarbeitsdienstn, qu'il doit tuer les alliés de sa Patrie,  quand il se retrouve sur le front russe,
- quand, à la Libération, il doit cacher qu'il est alsacien, qu'il doit changer de patronyme Selle en Celle,
- quand de retour dans sa famille, il doit vivre une réintégration honteuse
-quand, pour retrouver une certaine honorabilité sociale, il décide de se marier, de fonder une famille, malgré lui,
- quand les hommes d'Église, les politiques confortent l' opprobre,
-quand un divorce met fin à cette vie pseudo familiale,
-quand l'ivresse tient lieu de compagnie...

Mais Pierre relève la tête quand il décide de témoigner en confiant ses douloureux souvenirs à Jean le Bitoux pour qu'il raconte son histoire, quand la Loi Forni, lui permet d'afficher, enfin, son homosexualité, sans encourir de sanction. (La loi Forni, rapportée par la députée Gisèle Halimi, soutenue par Robert Badinter, est promulguée le 4 août 1982 , elle abroge définitivement le « délit d'homosexualité ».)

Récit autobiographique émouvant.
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Lire pour la reconnaissance des deportes homosexuels.Livre qui decrit l'horreur,l'innomable qu'ils ont du subir.
Pierre Seel a essaye d'etre un homme comme les autres mais il est,a ete et sera toujours homosexuel,envers et contre tout.Il le reconnaît,il l'avoue,il l'affirme,il l'assume.
A travers son histoire,c'est l'histoire de milliers d'autres hommes qui n'ont pas pu le dire,le vivre au grand jour.
J'ai une philosophie de vie qui veut que"on ne vit qu'une fois sur terre;il faut vivre sa vie intensément et comme on l'entend";pourquoi faut-il avoir recours a des principes religieux désuets,a la haine de la difference,parce que l'on a peur de ce qui n'est pas dans la droite ligne des choses.
Je ne veux engager de debat ni discourir;mais juste dire que l'homosexualite n'est pas une tare ni une honte mais l'expression de sentiments.Vivez,vivez,aimez.
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Pierre Seel est un jeune homosexuel alsacien. Sa famille bourgeoise ignore tout de son orientation sexuelle. En mai 1941, son existence bascule : il est arrêté par la Gestapo en raison de son homosexualité. Il est torturé et violé. Puis, il est envoyé au camp de rééducation de Schirmeck, en Alsace. Il passe six mois dans ce camp. Il en ressort brisé physiquement et psychologiquement, ayant notamment assisté à la mort atroce de son ami. Ensuite, étant alsacien, il est incorporé à l'armée allemande et est envoyé sur le front oriental, il devient un "malgré nous". Il ne rentre en Alsace qu'en 1945. Il prend conscience que la déportation des homosexuels est tue par les autorités françaises. Par exemple, les déportés pour homosexualité ne touchent aucune pension d'indemnisation. de plus, une des lois de Vichy qui criminalisait l'homosexualité demeure en vigueur (et ne sera abolie qu'en 1982 sous la présidence de Mitterrand et grâce à l'impulsion de Robert Badinter, alors garde des Sceaux). Pierre Seel décide alors de renoncer à son homosexualité. Il se marie, devient père de trois enfants. Très vite, son mariage s'effrite. En 1981, après l'accession à la présidence de Mitterrand, il témoigne pour la première fois de la barbarie nazie à l'encontre des homosexuels mais de manière anonyme. Il s'agit du premier témoignage d'un déporté homosexuel français. En 1982, suite aux propos homophobes d'un évêque, il rompt l'anonymat. Depuis, il ne cesse de lutter pour faire reconnaître par l'Etat français la déportation des homosexuels. Et la dernière partie de l'ouvrage montre combien la lutte est difficile...

Un appareil de notes étaye l'ouvrage de manière très intéressante.

Un témoignage bouleversant, un livre nécessaire.
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La Seconde Guerre Mondiale est un sujet qui me passionne aussi bien en littérature, mais aussi et surtout à travers des témoignages.Le témoignage de Pierre Seel déporte homosexuel est un témoignage « coup de poing »Ce livre, comme tant d'autre sur le sujet ,nous permet,encore une fois, de nous rendre compte de l'ampleur de l' horreur nazie, de la monstruosité des crimes .Une fois refermé, cet ouvrage laisse une trace au fond de nous, une sensation de malaise.Un goût amer, indélébile,au fond de nous, C'est pourquoi, il faut continuer à dénoncer, sans relâche toutes ces atrocités, pour éviter le rétrécissement de la pensée, pour éviter de vivre dans la seule approbation de son univers culturel, mais aussi et surtout pour éviter que L Histoire ne se répète.

Je suis sûr par ailleurs que vous voulez savoir qui est Pierre Seel. Né le 16 août 1923 à Haguenau, Pierre Seel est un jeune alsacien homosexuel. Issu de la bourgeoisie, sa famille ne soupçonne pas son attirance pour les garçons. A dix-sept ans à peine, Pierre Seel se fait voler sa montre dans un parc de Mulhouse, connu comme lieu de rencontres d'homosexuels. Il va porter plainte au commissariat. À son insu, son nom a été inscrit dans le fichier des homosexuels du commissariat. Quelques mois après l'invasion allemande, il est convoqué à la Gestapo. le 3 mai 1941, il est arrêté, interrogé, torturé et violé pendant deux semaines puis il est envoyé au camp de sûreté et de redressement de Schirmeck-Vorbruck. de retour de la guerre, il renonce à son homosexualité et se marie, puisque ,après la libération, une loi contre l'honosexualité persiste jusqu'en 1981.C'est en 1982 qu'il « réveille » et qu'il révèle son homosexualité publiquement, pour que justice soit rendue.

Ce témoignage apporte à ma connaissance, l'existence du programme Lebensborn et j'ai voulu en savoir davantage. Pour l'heure, j'ai tenté de vous en parler en quelques lignes. le programme Lebensborn fut un projet terrifiant, invraisemblable, inédit dans l'histoire de l'humanité. Entre 1935 et 1945, les nazis ont tenté de créer une "race supérieure de germains nordiques", Pour cela, la SS, dirigée par Himmler, avait ouvert des maternités très particulières. Après avoir subi une "sélection raciale", des femmes, enceintes d'un SS ou d'un soldat allemand, y donnaient le jour à des enfants "parfaits", blonds, aux yeux bleus. Les mères accouchaient dans un anonymat absolu, l'identité du père était occultée et le bébés étaient inscrits dans un registre d'Etat-civil secret. Ils pouvaient être abandonnés au Lebensborn, pour être ensuite adoptés par des familles dites "modèles".Environ 20 000 enfants sont nés dans ces maternités. Plusieurs dizaines de ces établissements en France et en Belgique En découvrant ce programme, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ce qui s'était passé ,entre 1976 et 1983, pendant la dictature argentine, des milliers de personnes considérées comme subversives ont été enlevées, torturées et tuées par le régime. Parmi elles, des femmes enceintes, maintenues en vie dans des geôles jusqu'à leur accouchement. Les nourrissons ont ensuite été élevés par des familles de militaires, parfois celles des bourreaux.




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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Des jours, des semaines, des mois passèrent. De mai à novembre 1941, je vécus six mois de la sorte dans cet espace où l’horreur et la sauvagerie étaient la loi. Mais je tarde à évoquer l’épreuve qui fut la pire pour moi, alors qu’elle se passa dans les premières semaines de mon incarcération dans le camp. Elle contribua plus que tout à faire de moi cette ombre obéissante et silencieuse parmi d’autres.

Un jour, les haut-parleurs nous convoquèrent séance tenante sur la place de l’appel. Hurlements et aboiements firent que, sans tarder, nous nous y rendîmes tous. On nous disposa au carré et au garde-à-vous, encadrés par les SS comme à l’appel du matin. Le commandant du camp était présent avec tout son état-major. J’imaginais qu’il allait encore nous asséner sa foi aveugle dans le Reich assortie d’une liste de consignes, d’insultes et de menaces à l’instar des vociférations célèbres de son grand maître, Adolf Hitler. Il s’agissait en fait d’une épreuve autrement plus pénible, d’une condamnation à mort.

Au centre du carré que nous formions, on amena, encadré par deux SS, un jeune homme. Horrifié, je reconnus Jo, mon tendre ami de dix-huit ans. Je ne l’avais pas aperçu auparavant dans le camp. Etait-il arrivé avant ou après moi ? Nous ne nous étions pas vus dans les quelques jours qui avaient précédé ma convocation à la Gestapo. Je me figeai de terreur. J’avais prié pour qu’il ait échappé à leurs rafles, à leurs listes, à leurs humiliations. Et il était là, sous mes yeux impuissants qui s’embuèrent de larmes. Il n’avait pas, comme moi, porté des plis dangereux, arraché des affiches ou signé des procès-verbaux. Et pourtant il avait été pris, et il allait mourir. Ainsi donc les listes étaient bien complètes. Que s’était-il passé ? Que lui reprochaient ces monstres ? Dans ma douleur, j’ai totalement oublié le contenu de l’acte de mise à mort.

Puis les haut-parleurs diffusèrent une bruyante musique classique tandis que les SS le mettaient à nu. Puis ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d’abord au bas-ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous nos yeux. Ses hurlements de douleur étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d’horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu’il perde très vite connaissance.

Depuis, il m’arrive encore souvent de me réveiller la nuit en hurlant. Depuis plus de cinquante ans, cette scène repasse inlassablement devant mes yeux. Je n’oublierai jamais cet assassinat barbare de mon amour. Sous mes yeux, sous nos yeux. Car nous fûmes des centaines à être témoins. Pourquoi donc se taisent-ils encore aujourd’hui ? Sont-ils donc tous morts ? Il est vrai que nous étions parmi les plus jeunes du camp, et que beaucoup de temps a passé. Mais je pense que certains préfèrent se taire pour toujours, redoutant de réveiller d’atroces souvenirs, comme celui-ci parmi d’autres.
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