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EAN : 9782818048467
224 pages
P.O.L. (19/09/2019)
3.71/5   31 notes
Résumé :
Si le Japon est connu comme un pays de fine gastronomie, sa littérature porte elle aussi très haut l'acte de manger et de boire. Qu'est-ce qu'on mange dans les romans japonais ! Parfois merveilleusement, parfois terriblement, et ainsi font leurs auteurs, Tanizaki, Dazai, Kafû... Du XIIe siècle à nos jours, dix gourmets littéraires vous racontent leur histoire de cuisine.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Après avoir lu (ou plutôt savouré) plusieurs romans japonais traitant de thèmes culinaires - ce qui est fréquent dans la littérature de ce pays - j'ai décidé de continuer par ces nouvelles.
Comme je les ai trouvé d'un intérêt inégal, je n'ai mis que trois étoiles pour l'ensemble. Ou peut-être est-ce plutôt parce que je commence à me lasser de cette littérature ?
Cependant, j'ai particulièrement apprécié deux d'entre elles : "Ventre vide et tête en l'air" introduisant l'expression "manger la faim", bien choisie et une réflexion sur la faim qui permet à l'imagination de se déployer, tout comme dans la dernière nouvelle, qui a donné son nom au recueil.
Ma théorie concernant les mets servis dans ce club est spéciale mais l'auteur, très expérimenté, laisse libre cours à chacun d'avoir la sienne. C'est, à mon sens, le récit le plus abouti.
Une biographie de chaque écrivain termine chaque nouvelle, ainsi nous pénétrons plus avant dans la culture japonaise, parfois difficile à assimiler pour les occidentaux.
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Avec ces morceaux choisis de la littérature japonaise, la traductrice et poétesse Ryoko Sekiguchi nous emporte dans un nouveau voyage aux confins de l'art culinaire. Quel art permet de repousser les limites de l'expérience du goût, des textures, des parfums, des formes et de l'esthétique de la cuisine si ce n'est la littérature? C'est ce que pourraient illustrer les dix récits présentés dans cette anthologie, le club des gourmets, en particulier le texte éponyme inédit de Jun'Ichiro Tanizaki qui referme avec brio le recueil.

Une fois plongé dans la littérature japonaise, quelle que soit l'époque explorée, on est frappé par l'importance de la place réservée à la thématique culinaire. Écrire à propos de nourriture, de cuisine et de boisson fait en effet partie intégrante de la matière à écrire des romanciers et poètes japonais, tandis que dans d'autres cultures, ces thématiques sont reléguées dans des catégories littéraires à part, à priori exclues du domaine des arts et couvertes d'un voile de pudeur qui les renvoient à l'intime.

Dans les dix nouvelles de ce recueil, la nourriture et les breuvages tiennent lieu de quasi personnages, offrant au lecteur une clé supplémentaire pour saisir le monde dans lequel se déroule l'intrigue ou l'instant choisi. Ce que les protagonistes consomment et la manière dont il consomment sont autant de marqueurs de leurs appartenances sociales, des temporalités et des conflits qui les traversent. L'univers culinaire joue ainsi le rôle d'un puissant vecteur de transmission culturelle.

Ce recueil de textes donne un aperçu de la manière dont les écrivains japonais issus d'époques et de genres variés usent des scènes de table comme supports narratifs et symboliques particulièrement efficaces pour exprimer les émotions qui les travaillent, le rapport à soi ou à l'autre, pour évoquer la disparition, les épreuves, un retour à la vie ou encore la recherche obsédante d'une perfection sensuelle.

Qu'ils soient drôles, fantastiques ou poétiques, ces dix textes sont l'occasion d'explorer un nouveau pan de la littérature japonaise tout en (re)découvrant les mets et les saveurs de l'incroyable grammaire de l'art culinaire japonais. Ils offrent en outre un regard neuf et multiple sur l'esthétique, l'imaginaire et l'histoire du japon. J'y ai aussi entrevu, avec le regard forcément tronqué de mes yeux d'occidentale, la vigueure du sentiment de fierté, un tropisme assidu pour le défi et la quête effrénée de l'ultime raffinement qui font le sel d'un peuple, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire.
On apprend ainsi que dans les années quarante, la nostalgie a conduit un éminent gastronome japonais à l'effronterie dans le plus célèbre restaurant de Paris, que boire du saké froid avant la guerre relevait de la plus basse des vulgarités, que l'acte d'incorporation des aliments peut confiner à la menace ou s'associer à la plus voluptueuse des sensualités, mais aussi qu'il existait des best seller de cuisine au 17ème siècle et que la faim elle-même, tout comme la neige, peut se déguster...

J'ai été particulièrement touchée par le poème poignant de Kenji Miyazawa, Matin d'adieu, qui évoque avec une infinie délicatesse et beauté les moments qui précèdent la disparition de sa petite soeur. La création de son offrande ultime, représentée par deux bols ébréchés qui contiennent une crème glacée céleste, est d'une fraîcheur et inventivité incroyables.


“(...) la neige fondue tombe et mouille tout
pour te donner à goûter la neige-pluie
je suis sorti sous le noir grésil
comme un boulet gauchi
à la main nos deux bols ébréchés
aux motifs de brasenia bleus
depuis les sombres nuages couleur de bismuth (...)”


Et enfin, mention spéciale pour la dernière nouvelle - la plus longue du recueil - le Club des gourmet de Tanizaki, un texte extraordinaire qui nous plonge dans une sorte de science fiction sensorielle à l'imaginaire protéiforme, à la limite du délire éveillé. Ce texte emporte nos sens dans des associations aussi étranges, savoureuses - parfois répugnantes - qu'efficaces. Je suis entrée dans le texte comme on entre en sidération, captivée par son décours et ses sauts inattendus, comme on visiterait un paysage inédit qui serait constitué de textures, de plantes et de matières inconnues et au contact desquelles on perdrait tous nos repères. le texte ouvre ainsi un imaginaire foisonnant et foutraque qui nous plonge dans une délicieuse confusion des sens. L'auteur pousse l'exercice et l'imaginaire au plus loin qu'il semble possible de nous conduire, au risque de s'enfoncer sur le terrain de la folie.


“(...) Je vous ai dit tout à l'heure que le dîner de ce soir n'était pas un dîner de cuisine ordinaire mais un dîner de magie gastronomique. Mais je voudrais préciser que ce n'est pas pour le plaisir de me singulariser que j'ai fait appel à la magie. Ce n'est pas par incapacité à créer de véritables recettes que j'ai essayé de vous enfumer par la magie. Mais j'estime qu'il n'y a point de voie de la gastronomie véritable qui n'use de magie…”


Cette anthologie se déguste avec les yeux, la langue, la gorge, les papilles et le ventre. Tous nos sens sont sollicités, comme pris sous la coupe d'un chef d'orchestre endiablé, avec une vivacité telle qu'en tournant les pages, nous sommes près de véritablement percevoir des goûts et des saveurs.


En cette période de confinement qui nous prive de nombreux mets et saveurs, cette lecture a été un plaisir particulièrement intense. Ryoko Sekiguchi nous démontre à nouveau la puissance de la littérature et son incroyable pouvoir de transgression, la magie dont elle peut user pour nous donner à voir, sentir et vivre par le biais des mots et de l'imaginaire, avec humour, gravité et cette sorte de fatalisme esthétisé à l'extrême si caractéristique de la philosophie japonaise.

Esthètes et amateurs de culture japonaise, je vous conseille vivement de tester vos capacités d'évasions avec cette lecture. Plaisir et voyage garantis.

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Dix nouvelles consacrées à la gastronomie japonaises et écrites par des écrivains japonais.
Ma préférée : Matin d'adieu de Kenji Miyazawa dont j'ai cité un passage.
"Le club des Gourmets" est à déguster avec un thé quelques Yôkan pâtisseries traditionnelles.
Gastronomie, épicurisme, érotisme. C'est tout cela à la fois.
J'ai passé un agréable moment en lisant la nouvelle de Rosanjin Kitaôji qui relate avec un humour sarcastique la première fois qu'il a visité la Tour d'Argent. le plus vieux restaurant parisien cuisine avec dévotion le canard. J'y ai appris que chaque canard était gratifié d'un numéro.
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Le Japon est connu comme un pays de gastronome, cependant, ce que l'on sait moins c'est que les Japonais adorent parler de gastronomie en littérature. Il est même pratique courante que des écrivains écrivent des livres de cuisine, en sus de leurs romans ou de leurs essais. La gastronomie est un art de vivre, tel le club des Gourmets de la nouvelle éponyme de Jun'ichirô Tanizaki. le plat en titre est à la fois le personnage principal de la nouvelle, mais aussi un prétexte pour aborder d'autres thèmes : retrouver sa personnalité profonde, le désir de vivre, la reconstruction après guerre, etc.

Ryoko Sekiguchi a réalisé cette compilation lors d'une résidence d'écrivain du Conseil régional d'Île-de-France en 2011-2012. Chaque texte est accompagné d'un commentaire de Ryoko Sekiguchi qui explique les thèmes essentiels de l'extrait. Les illustrations ont été réalisées par les créatrices de la Cocotte.

Une anthologie pour découvrir la cuisine japonaise, ainsi que tous les thèmes sous-jacents qu'elle inspire : rang social, etc. En creux, nous découvrons aussi les traditions japonaises et leurs évolutions.

Contenu :
-Osamu Dazai, «Souvenirs de saké»
-Kanoko Okamoto, «Sushis»
-Anonyme, «Cent curiosités au Tôfu»
-Rosanjin Kitaôji, «Sukiyaki et canard»
-Shiki Masaoka, «En attendant le repas et autres essais»
-Anonyme, ««Deux histoires de champignons»
-Kôzaburô Arashiyama, «Ventre vide et tête en l'air»
-Kenji Miyazawa, «Matin d'adieu»
-Kafû Nagai, «Les yôkan»
-Jun'ichirô Tanizaki, «Le Club des Gourmets»
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Cette anthologie littéraire sur le thème de la nourriture est passionnante et elle met l'eau à la bouche.

Au gré de plusieurs textes, nous découvrons l'importance de la nourriture dans la culture japonaise et dans certaines nouvelles, poèmes et essais.

Dernier repas avant la mort, absorption de la nourriture liée à la chute d'une famille, philosophie culinaire, recherche de nouvelles saveurs et du goût parfait. Tous ces sujets sont présents dans ce recueil. Il est très plaisant de découvrir des auteurs encore jamais traduits.

J'ai adoré la nouvelle éponyme de Tanizaki, le club des gourmets. Tous nos sens sont éveils, on se régale visuellement. le poème est aussi magnifique, l'adieu à la soeur et l'évocation du dernier repas.

A chaque fin de texte, Ryoko Sekiguchi donne quelques informations sur l'auteur et quelques clefs de compréhension concernant le texte.

Un vrai délice !
Lien : https://www.labullederealita..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Quand tant de gens te veillent
faut-il que tu souffres encore ?
quand je marche dans ce monde crépusculaire
loin de la force que procure une grande foi
toute pureté est moindres vertus perdues
faut-il que tu empreintes seule
le chemin qui t'est destiné ?
quand moi, ton seul compagnon de foi
j'erre dans la plaine sombre aux plantes vénéneuses
et champignons phosphorescents
triste et las du chemin aveuglant et glacial de la purification
où vas-tu donc, seule ?

Kenji Miyazawa est pour ainsi dire l'incarnation exemplaire du chaos que fut la modernisation au Japon. Rétrospectivement, il semble avoir voulu embrasser toute pensée, quelle qu'elle fût,qui fût porteuse d'une vision. Or cette étrange façon de cohabiter avec des pensées aussi diverses était sans doute une caractéristique générale de l'époque Taishô (1912-1926), période de modernisation foisonnante, encore loin du mécanisme sclérosé qu'elle allait engendrer plus tard et qui conduirait le pays tout droit vers la Seconde Guerre mondiale.
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Le danseur de butô Tatsumi Hijakata disait que lorsqu'il avait soif, il descendait à l'intérieur de son corps et buvait l'eau du puits ancien qui s'y trouvait. C'est dans ce vieux puits que sa soeur aînée s'était jetée, paraît-il. La conscience de Hijikata n'était pas fictive, elle était tout à fait réelle au contraire. Il m'a aussi dit ceci (sauf erreur de mémoire): quand tu as mal quelque part, mange cette douleur. La douleur est insupportable tant que tu la considères comme une agression extérieure. Mais déguste-la comme un fromage parfaitement affiné et la douleur devient plaisir. Rien à voir avec le masochisme. Il s'agit d'un acte d'attaque radicale.
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A n'en pas douter, sur la table de ce manoir, la splendide œuvre d'art que le comte essayait à toute force d'imaginer sans y parvenir, saisissant chef-d’œuvre gastronomique, brillait de tous ses feux sous la forme d'une succession de plats. Avec son accompagnement d'erhu, il devait émouvoir l'âme de tous les convives par l'épaisseur de ses sonorités, avec la solennité d'un grand orchestre à cordes gustatif, luxueux et voluptueux...

("Le Club des gourmets", Jun'ichirō Tanizaki)
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La cuisine, c'est à la fois conceptuel et existenciel. Mettre des aliments dans sa bouche,mâcher, avaler, cette cuisine-là appartient incontestablement aux plats de l'existence, mais l'essence du goût, c'est comme la chaleur résiduelle qui demeure après la lecture d'un livre.
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Ventre vide et tête en l'air, faim et imaginaire.
Ces deux-là sont comme deux superpuissances qui s'affrontent dans le corps humain comme deux petits chefs de comités de quartier qui tantôt s'opposent, tantôt collaborent. L'acte de manger la faim est un acte d'imagination, et inversement, si vous voulez laisser vos pensées s'envoler, le meilleur moment sera celui où vous avez le ventre vide.

(“Ventre vide et tête en l'air“ - Kôzaburô Arashiyama)
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Videos de Ryoko Sekiguchi (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryoko Sekiguchi
Rencontre animée par Sophie Joubert, suivie d'une lecture olfactive imaginée par l'autrice & Alexandre Helwani (parfumeur et historien de parfum)
Pour Ryoko Sekiguchi, les odeurs ont la capacité de devenir des personnages, capables de provoquer un drame, délivrer un message, révéler des sentiments et raconter notre passé ou notre avenir. L'Appel des odeurs est un roman composé de plusieurs récits, un peu à la façon des Mille et Une Nuits. La narratrice tient un « carnet d'odeurs », au travers d'histoires ou de contes oniriques. On ignore si ces récits ont été inventés par la narratrice, ou si elle les a « vécus » en voyageant dans l'espace et le temps, à la manière de l'Orlando de Virginia Woolf. Récits ancrés dans des lieux différents et des époques variées : Grenade en Espagne, Spoleto en Italie, dans un opéra à Ferrare au XVIIIe siècle, au Palais-Royal à Paris sur trois siècles consécutifs, en Corse dans l'entre-deux-guerres, au Japon, à Taipei, dans une imprimerie de Téhéran au XIXe siècle, à New York et Los Angeles… Chaque odeur a un corps et un langage, une présence susceptible de bouleverser notre rapport au temps et à l'espace. Puanteurs, miasmes, ou parfums si délicats qu'il faut « prêter le nez » pour les remarquer. La narratrice découvre aussi l'expérience douloureuse de la perte de l'odorat, un exil du monde dont souffrent les personnes atteintes d'anosmie.
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