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EAN : 9782916488592
352 pages
Editions La Louve (24/04/2013)
4.42/5   6 notes
Résumé :
En 1936, Gaston Revel entre à l’École Normale d’Alger, où l’on est censé lui apprendre à « éduquer l’indigène ». C’est aussi l’époque où il commence à s’intéresser à la politique : il est attiré par le Front Populaire, puis par l’anarchisme espagnol, qu’il cite en exemple de réussite sociale. Au cours de son service militaire, enfin, il approche pour la première fois le communisme. De 1940 à 1955, il enseigne en Algérie, dans le bled, puis à Bougie. Il rentrera en E... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pourquoi un petit gars de l'Aude s'est-il intéressé à ce point à l'Algérie ?

Né pendant la première guerre mondiale (1915) dans un département peu riche, il a cependant la chance d'appartenir à une famille de propriétaires. de ce fait, il pourra ainsi poursuivre des études et entrer, en 1933, à l'Ecole Normale afin de se préparer à devenir instituteur. Cependant, tout n'est pas idyllique... Cette période est troublée par une grosse crise économique induisant la montée du chômage et, presque inévitablement, de la violence.

Gaston Revel est profondément pacifiste. Pour autant, cela ne l'empêche en aucun cas d'être lucide sur l'imminence d'un conflit. Après avoir obtenu un bref sursis, il est déclaré bon pour le service armé. le Front Populaire l'attire et il en fera cas dans une correspondance avec celui qui restera un ami jusqu'à sa mort, Jean Mezei. Il croit au dialogue international, vecteur de paix et de fraternité, et il va même jusqu'à s'intéresser à l'Esperanto. Idéal, quand tu nous tiens...

le Brevet supérieur en poche, il part à Alger. Il rejoint une section spéciale de l'Ecole Normale afin de suivre une préparation à l'enseignement des indigènes. Était-ce par désir de voir du pays ou par imprégnation de l'idée coloniale ? Peu importe. le fait est que cela va bouleverser sa vie. Il continue à garder un oeil sur les différents événements politiques se déroulant en Europe et poursuit ses idéaux : l'école, pour lui, est un facteur d'assimilation et il entend bien éduquer les indigènes. Il en fait part à Jean Mezei. Ses lettres ressemblent légèrement à celles de Rica et Usbek dans les Lettres Persanes de Montesquieu. Non pas qu'il soit ironique ou critique, mais son regard est presque naïf. Gaston découvre une nouvelle culture et, surtout, se rend compte à ce moment-là que "le milieu indigène " ne s'ouvre pas à lui comme il le voudrait.

En 1937, il est à Paris pour son service militaire et ce, jusqu'à 1939. Ses idées politiques se renforcent et se précisent de plus en plus. Il se met à l'écart de la SFIO et approche le communisme. Lorsque la guerre est déclarée, son bataillon part en Moselle. à Bitche. Il redoutait cet instant. Cependant, lorsque Pétain demande la cessation des hostilités en 1940, il est démobilisé. Il retourne alors en Algérie faire sa première rentrée des classes. Locaux vétustes, grande misère, état sanitaire catastrophique, voilà ce qui va le marquer. On est loin de l'Ecole Normale et de ses beaux discours... C'est un véritable choc pour le jeune homme.

Je n'en raconte pas plus, il ne faudrait pas tout déflorer. Ceci dit, on peut dire que l'on a affaire ici à quelqu'un qui restera "droit dans ses bottes".

Très agréable à lire, ce livre associe les notes d'Alexis Sempé, ô combien précieuses pour la compréhension (et quel travail ! ), les lettres de Gaston Revel ainsi que ses photos. Véritable documentaire - j'irais presque jusqu'à dire reportage - il permet de s'immiscer dans une période, dans un pays et de voir qu'il existait tout de même des gens pour qui l'être humain comptait en ces temps troublés. Ce n'est pas pour rien si l'Algérie se souvient encore de Gaston Revel.
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Biographie d'Alexis Sempé, sur la base des carnets, de la correspondance, des discours et des photographies de Gaston Revel.

Né en 1915 dans l'Aude, Gaston Revel se destine très tôt à l'enseignement. Pacifiste et sensible aux idées du Front populaire, il développe rapidement une forte conscience politique qu'il exprime notamment dans sa longue correspondance avec Janos Mezei, un ami hongrois, et chaque lettre sonne comme un manifeste lancé d'une tribune anonyme. « Nous pendrons le dernier Croix de feu avec le dernier boyau du dernier des curés. » (p. 34)

L'instituteur fait sa drôle de guerre à Bitche, en Moselle, mais il est envoyé en Algérie en 1940 pour éduquer les « indigènes », comme on les appelle en France. À Aïn-Tabia, il est le témoin révolté de l'oppression coloniale. « Il découvre finalement une Algérie éloignée de celle représentée en 1930 lors du centenaire de la conquête, ou en 1931 dans le cadre de l'Exposition coloniale. » (p. 104) le fleuron colonial français est pauvre et manque de tout. Très peu d'enfants sont scolarisés et les programmes scolaires ne sont pas adaptés au pays : qu'a donc à faire un enfant de fellah des sous-préfectures françaises ? Ne vaudrait-il pas mieux lui enseigner davantage sur son propre pays. Mais attention, à cette époque, l'Algérie, c'est la France. « Persuadé du rôle émancipateur de l'École républicaine, Gaston Revel espère apporter beaucoup aux petits ‘indigènes'. » (p. 160) En quelque sorte, l'instituteur est une réminiscence des Hussards noirs de la troisième République : il est convaincu de la nécessité du savoir dans la constitution d'esprits éclairés et libres.

À la fin de la guerre, son engagement communiste est officiel. « La guerre terminée, Gaston Revel repart en Algérie avec des idées politiques affirmées. Il semble que sa maturation en ce domaine, après plusieurs expériences, arrive enfin à son terme. Sa difficile mais enrichissante expérience d'Aïn-Taiba l'a certainement poussé à une réflexion sur les méfaits du colonialisme. de plus, même sans preuve, on peut supposer que les deux ans et demi passés sous l'uniforme au contact de ses camarades africains ont pu aussi jouer un rôle non négligeable dans sa prise de conscience anticoloniale. Enfin, l'affrontement face aux puissances de l'Axe l'a persuadé de l'importance de la lutte contre le fascisme. Afin de lutter contre ces deux fléaux, mais aussi dans l'espoir de construire un monde meilleur, il entre au PCA. » (p. 172) Gaston Revel est maintenant instituteur à Bougie, une ville au nord de l'Algérie. Il s'y révèle un maître dévoué à ses élèves et un homme investi dans la vie civile.

Gaston Revel est très apprécié des Algériens et il entre dans leurs cercles. « Il est celui qui semble réaliser le mieux la jonction entre les Européens et les musulmans au sein du Parti communiste, mais aussi dans la population bougiote. Même s'il suscite le respect des musulmans, ce qui l'amène à être élu au conseil municipal en 1953, il veut être aussi le représentant des Européens qu'il n'oublie pas. » (p. 255) Ce natif de l'Aude semble être l'incarnation du parfait colon, si un tel être peut être envisagé sans paradoxe : il tente de concilier deux cultures et deux populations sans reconnaître aucune prééminence des unes sur les autres. Contraint de quitter définitivement l'Algérie en 1965, Gaston Revel ne cesse pas son activité au sein du Parti communiste et même s'il parle peu de son expérience algérienne, il l'évoque parfois dans des lettres parues dans L'Humanité.

Dans ses carnets, Gaston Revel se révèle très minutieux : ces écrits tiennent autant du journal intime et du recueil de pensées que de la chronique de l'histoire en marche. Mais Gaston Revel ne se contente pas d'être un observateur de son époque. Engagé au sein du Parti communiste algérien et de la CGT, il s'est farouchement opposé à la politique coloniale française tout en rejetant les dérives du nationalisme algérien. Dans un sens, il me rappelle Albert Camus qui, à force d'être d'ici et de là-bas, finit par n'être de nulle part, meurtri de n'avoir pas su concilier deux pays d'égale importance à ses yeux.

Le travail de compilation et d'analyse d'Alexis Sempé est impressionnant. Sa biographie de Gaston Revel se déroule avec fluidité, plaisamment rythmée par les extraits de la correspondance de l'instituteur, mais aussi par des photos et de nombreux types de documents, comme des discours, des articles et autres archives. J'ai particulièrement apprécié les photos des gamins si fiers de poser pour Monsieur l'instituteur. Je suis fermement convaincue que l'éducation doit être un des fondements des sociétés – et quand je vois ce que devient cette institution en France, je pleure – : c'est donc avec un intérêt presque militant que j'ai lu cette biographie. À chacun ses opinions politiques et je ne partage pas toutes celles de Gaston Revel, mais son engagement auprès des enfants algériens et du pays dans son ensemble m'a profondément touchée.
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Ce livre est la biographie d'un humaniste,sincère, engagé et ayant des convictions. Gaston Revel nait en 1915 près de Carcassonne, dans une famille aisée de négociants ovins pratiquant l'usure, de sensibilité socialiste. Il choisit d'être instituteur et entre à l'école normale de Carcassonne. En 1936, il soutient avec enthousiasme les idées du Front Populaire avant de partir en Algérie à l'école normale de la Bouzaréah pour éduquer les jeunes indigènes. Il restera 20 ans en Algérie. Muté en Kabylie, à Aïn Tabia,il découvre la pauvreté de cette région comme Albert Camus l'a décrite dans "Misère de la Kabylie". Il est confronté quotidiennement à la misère et fait beaucoup pour la soulager, il prends conscience des réalités algériennes. En 1945, il est nommé à Bougie où il va militer au Parti Communiste Algérien en jouant un rôle de locomotive en se présentant aux élections municipales dans le second collège réservé aux Algériens. Par ses actions militantes, il devient un homme populaire, respecté et apprécié des musulmans de Bougie. Avec le début de la guerre d'Algérie, il est jugé indésirable à cause de ses prises de positions politiques et il doit quitter l'Algérie. Revenu dans l'Aude, il s'engage auprès du Secours Populaire pour aider les Algériens emprisonnés. Voyant approcher l'Indépendance et pensant avoir un rôle à jouer, il retourne en Algérie en juin 1962. Mais son engagement politique durant les premiers mois de l'Algérie indépendante ne plait pas à certains cadres du FLN, et il doit quitter définitivement ce pays. Revenu dans l'Aude, il reste au PCF mais ne milite plus. Ce livre est intéressant à lire grace aux notes d'Alexis Sempé, et à la correspondance de Gaston Revel avec ses amis. Gaston Revel était un bon photographe et le livre présente 250 photos qui nous permettent de mieux situer et comprendre son histoire et ses actions politiques.
Je remercie Masse Critique et La Louve éditions de m'avoir permis de connaître la vie et l'engagement de Gaston Revel.
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En un mot, ce livre est passionnant. Pour qui s'intéresse à L Histoire et en particulier celle de la France en Algérie, et des étapes qui ont mené petit à petit l'Algérie vers son indépendance, cet ouvrage est d'une richesse documentaire impressionnante. Nous sommes vraiment aux prémices d'une guerre de libération, et l'émergence et poids des partis, notamment le PCA sont très bien développés à travers ce livre documentaire. J'ai appris beaucoup, à travers l'histoire de Gaston Revel, cet instituteur soucieux de son prochain, qu'on sent attaché à l'Algérie, et qui a beaucoup fait pour améliorer les conditions de vie des algériens. Tout est décrit, décortiqué, et les nombreuses lettres et photos qui enrichissent le récit sont comme des preuves de cette investigation qu'a menée Alexis Sempé. La misère kabyle, que Camus avait déjà pointée à travers ses articles parus dans Alger Républicain en juin 1939, est celle que Gaston Revel découvre à son arrivée dans le petit village de Aïn Tabia en 1940. Révolté lui aussi, il prendra fait et cause pour aider cette population, en faisant valoir leurs droits auprès des « puissants », bravant les difficultés face à cet empire colonial qui n'aura de cesse de l'écarter, ainsi que tous ceux qui risquent de mettre en péril leurs intérêts. Elections truquées, agressions, intimidations, tout sera relayé dans les colonnes du journal Alger républicain, tenu par les communistes. J'ai complété la lecture par le visionnage du documentaire sur Gaston Revel, le travail d'enquête d'Alexis Sempé est à saluer, et j'espère un jour en voir l'adaptation au cinéma.
Je remercie les éditions La Louve et Babelio pour l'envoi de ce livre qui m'a permis d'enrichir mes connaissances sur cette période de l'Histoire qui m'intéresse tout particulièrement.
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Témoignage d'une époque qui vit naitre de grands espoirs mais également de grandes tristesses "Un instituteur communiste en Algérie" est le journal de bord de Gaston Revel , instituteur en Algérie .
Profondément humanistes ses écrits sont le reflet de l'Algérie vu de l'ntérieur. Ils décrivent dans une écriture superbe , Revel n'était pas instituteur pour rien , ses combats d' adversaire résolu de la colonisation qui est horrifié par la misère et l'exploitation d'un pays et d'une population qu'il a appris à aimer profondément à un point tel qu'il sera élu et siègera aux côtés des musulmans en 1953 .
Illustré de des lettres et de nombreuses photos de Gaston Revel ce livre est un document précieux sur l'après -guerre et le parti communiste qui était alors à son apogée .
Livre lu dans le cadre de l'opération "masse critique" je remercie les Éditions La Louve qui non seulement m'ont permis de découvrir Gaston Revel mais on prit la peine de me signaler un problème d'expédition.
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critiques presse (1)
NonFiction
17 janvier 2022
Les notes et documents laissés par Gaston Revel constituent un instantané de la vie communiste en Algérie.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La misère de la population d'Aïn-Tabia dans ces années 40 est-elle aussi grande que nous la décrit Gaston Revel ? Ce douar est-il un cas à part ?
En juin 1939, Albert Camus, qui travaille pour le journal Alger républicain, entreprend un reportage en Kabylie. "De ce pays inconnu, Camus parlera au retour, encore bouleversé par ce qu'il a vu, comme s'il revenait d'une terre aussi lointaine et étrangère que l'Australie." Il écrit : "Je crois pouvoir affirmer que 50 % au moins de la population se nourrissent d'herbes et de racines et attendent pour le reste la charité administrative sous la forme de distribution de pain. [...] J'ai vu à Tizi-Ouzou des enfants en loques disputer à des chiens kabyles le contenu d'une poubelle." D'autres instituteurs envoyés dans des bleds de régions différentes et à d'autres époques, sont également confrontés à la misère : en 1932, Lisette Vincent est nommée à Misserghin à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest d'Oran. Il n'y a jamais eu d'enfants arabes à l'école mais elle décide d'en faire venir. Elle se rend donc dans la montagne à leur rencontre. "Au début, les familles refusèrent, le plus souvent par honte, car les enfants n'avaient ni souliers ni vêtement pour aller à l'école."
Confronté à la réalité algérienne, Gaston Revel doit chercher des explications pour comprendre la situation. Il semble évident que cette expérience est un déclencheur. Revel est profondément humaniste et il ne peut accepter une telle misère et de telles inégalités. Il écrira, 25 ans après : "Ce contact direct avec la réalité coloniale a sans doute accéléré ma prise de conscience, mon futur et proche engagement politique et syndical qui va intervenir à Bougie."
Il faut s'imaginer le choc de cette découverte pour un instituteur persuadé que la France amène la civilisation dans ce pays. Il est confronté quotidiennement à la misère et fait beaucoup pour la soulager.
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« Il est celui qui semble réaliser le mieux la jonction entre les Européens et les musulmans au sein du Parti communiste, mais aussi dans la population bougiote. Même s’il suscite le respect des musulmans, ce qui l’amène à être élu au conseil municipal en 1953, il veut être aussi le représentant des Européens qu’il n’oublie pas. » (p. 255)
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« La guerre terminée, Gaston Revel repart en Algérie avec des idées politiques affirmées. Il semble que sa maturation en ce domaine, après plusieurs expériences, arrive enfin à son terme. Sa difficile mais enrichissante expérience d’Aïn-Taiba l’a certainement poussé à une réflexion sur les méfaits du colonialisme. De plus, même sans preuve, on peut supposer que les deux ans et demi passés sous l’uniforme au contact de ses camarades africains ont pu aussi jouer un rôle non négligeable dans sa prise de conscience anticoloniale. Enfin, l’affrontement face aux puissances de l’Axe l’a persuadé de l’importance de la lutte contre le fascisme. Afin de lutter contre ces deux fléaux, mais aussi dans l’espoir de construire un monde meilleur, il entre au PCA. » (p. 172)
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« Nous pendrons le dernier Croix de feu avec le dernier boyau du dernier des curés. » (p. 34)
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« Il découvre finalement une Algérie éloignée de celle représentée en 1930 lors du centenaire de la conquête, ou en 1931 dans le cadre de l’Exposition coloniale. » (p. 104)
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