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Léopold Sédar Senghor (Éditeur scientifique)
EAN : 9782130589440
272 pages
Presses Universitaires de France (11/05/2011)
3.8/5   15 notes
Résumé :

Cette anthologie fut publiée pour la première fois en 1948 à l'occasion du centenaire de la Révolution de 1848 et de la publication des décrets abolissant définitivement l'esclavage et instituant l'instruction gratuite et obligatoire dans les colonies. « C'est ainsi que les hommes de couleur, singulièrement les Nègres, ont pu accéder non seulement à la liberté du citoyen, mais encore et surtout &... >Voir plus
Que lire après Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française (précédée de) Orphée noirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Léopold Sédar Senghor, poète et Président du Sénégal durant vingt ans propose, à la fin des années quarante, une anthologie de la poésie francophone d'une quinzaine d'auteurs d'Afrique, des Antilles et de Madagascar.

« Ecoute dans le vent
le buisson des sanglots.
C'est le souffle des ancêtres. »
Bigaro Diop, Sénégal

Dans sa préface, Orphée Noire, Jean-Paul Sartre tente de définir le concept, forgé par Aimé Césaire, de « négritude » comme une certaine « attitude affective à l'égard du monde » ainsi elle est éminemment, faut-il le rappeler, culturelle.

« Trop vieille es-tu, trop vieille, Europe, pour renaître à ces choses-là » Jacques Rabémananjara, malgache. Prisonnière d'une langue occidentale, fruit d'une colonisation forcée, la poésie noire s'attache à défranciser le langage, il ne s'agit pas là d'une spécificité, nombre de poètes s'insurgent contre les associations coutumières du langage, les surréalistes en tête.
Pour défranciser le langage, Jean-Paul Sartre remarque que les poètes s'autorisent de nouvelles associations ou « accouplements » de mots. Ce n'est pas une poésie simple. On peut être dérouté par les agencements, par les allégories, par le traitement de la langue qui ne s'offre pas immédiatement à l'intelligible et au commun.

« Un jour je suis venu pour faire pousser de l'or
je ne me rappelle plus quand
et dès le pur matin sifflait le vol des fouets
et le soleil buvait la sueur de mon sang »
Guy Tirolien, Guadeloupe

« Nous ne leur pardonneront pas, car ils savent ce qu'ils font » Jacques Roumain, haïtien. Epoque oblige, le surréalisme, dandysme révolté et impertinent ainsi que le marxisme prolétarien se mêlent à la résistance au fascisme xénophobe du maître d'esclaves d'hier. Les luttes convergent.
L'art est au service d'un combat, une violence du déracinement, une volonté violente et sensuelle de reféconder la terre natale, d'offrir à nouveau une perspective à ce peuple qui jadis fut un meuble, sous le Code Noir.

« Pou si cyclonn levé pou-ï raché toutt pié-boi ? » Gilbert Gratiant, martiniquais. Si les auteurs rencontrés sont inégaux dans leur art poétique, de l'aveux même de Senghor qui n'hésite pas à donner son avis sur ses confrères, il y a derrière l'apparente linéarité du thème, une poésie ethnique, qui peut échapper aux néophytes, un malgache n'écrit pas comme un créole haïtien ou guadeloupéen (certains poèmes créoles sont en bilingue).

« rendez-les-moi mes poupées noires que je joue avec elles
les jeux naïfs de mon instinct
rester à l'ombre de ses lois
recouvrer mon courage
mon audace »
Léon-Gontran Damas, Guyane

Mes préférences ne sont finalement pas les deux grandes « têtes d'affiche » du recueil que sont Senghor et le martiniquais Aimé Césaire. Mais je pense qu'une seule lecture, linéaire, ne permet pas d'appréhender la profondeur de ces textes.
Néanmoins, j'ai réussi à apprécier d'emblée les rythmes saccadés et entêtants du guyanais Léon-G. Damas, sa « complainte du nègre » et ses « poupées noires », j'ai adoré la mythologie des contes poétiques « d'Amadou Koumba » du sénégalais Bigaro Diop.

Et vous, qu'en pensez-vous ?
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Si Malcom X avait connu Sartre, je pense qu'il se serai bien entendu. Sartre, en homme blanc qu'il est prend le temps de se mettre en observateur avisé de la situation coloniale, et toujours en tant que philosophe blanc, pousse la réflexion aussi loin que pourrai le faire tout les noirs opprimés de l'époque.

le raisonnement est limpide, clair, frappant et s'appuie sur les textes présents dans l'anthologie pour décrire la négritude.

voici quelques images qui m'ont le plus marqué.

La négritude, est une revendication d'un regard subjectif que porte l'homme blanc sur l'homme noir. "Vous dites que nous somme noir, esclaves, et sauvages? Oui nous le somme, nous l'assumons et nous avons décidé de faire de ce que vous nommez des faiblesses le fondement de notre identité et de notre force "
Contrairement au juif, qui sont qualifié de juif par les nazi par exemple, peu importe qu'il l'admettent ou non, les noirs se servent de se regard porté sur eux pour se définir, et se réinventer.

Un autre paradoxe de la situation de colonialisme, c'est que pour se définir en tant qu'africain, les poètes noirs doivent passer par la langue française, la langue du colonisateur. Même dans leur effort de ré invention, il se trouve quand même en présence de cette homme blanc, qui par les mots se trouve partout, jusqu'au conciliabule le plus secret.

Pour contourner cette obstacle les poètes noirs, comme Aimé Césaire, vont donner un nouveau sens, aux mots, une chaleur, des thèmes propres, qui vont donner une nouvelle couleurs à la langue de l'oppresseur, et qui sera comprise de la même manière dans tout ce public de fils d'esclave qui se retrouve à travers les mers et les empires. Des thèmes récurrent qui représente l'Afrique dans toute sa force, le sable, les arbres, les tam tam, le rythme, ou la fertilité .

Sartre fait aussi un glissement de sens très important pour renverser la situation de l'homme noir en parlant de ces thèmes . le Noir n'est pas l'homme de la technique, il n'est pas l'homme du savoir. Mais cette faiblesse est une force , car l'africain, n'a pas des tracteurs, des engrais, des semances, mais il est proche de la terre. Il est la semence de la terre lui même , qu'il ne cherche pas à contrôler, mais juste à protéger pour la laisser pousser. Son intelligence réside dans son intuition, il est conscient de son rôle qui est de laisser faire la nature, à son rythme. confiant et sur de son travail.

C'est un bel hommage à la civilisation noir qui lorgne alors sur son indépendance.
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Cette anthropologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de la langue française regroupe de nombreux poèmes marqués par le mouvement de la négritude.
Léopold Sédar Senghor y réunit des poètes tels que Aimé Césaire, Birago Diop ou encore Léon G. Damas pour que l'esprit de ces hommes fiers et de leurs ancêtres soient évoqués chacun à leur manière. Ainsi, si certains reprennent la forme et l'esprit traditionnel africain, d'autres par leur culture et leur vie occidentale composent avec des normes et règles poétiques plus classiques. L'oeuvre mélange alors une polyphonie de voix où certaines compositions vous portent telle une possession shamanique, tandis que quelques pages plus loin, on se retrouve face à des poèmes africains hantés par la présence de Rimbaud. le chant est tantôt rythmé, tantôt monotone. le passé vient à la rencontre du présent afin de faire un point historique. Et la joie et la complainte se mêlent dans une effervescence d'émotions pour rappeler la beauté non seulement de l'homme noir, mais surtout de la plus belle de toutes les races : l'Homme.
La négritude fait alors preuve d'un grand élan humaniste. Il n'est plus question d'individualité, mais d'universalité.
A noter que cette anthropologie est ouverte par le magnifique texte « Orphée noir » de Sartre, qui pointe non seulement la force idéologique du mouvement, mais surtout que nous avons là quelques perles de la littérature francophone (si ce n'est, française).
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Lune.

Sur la paume des papayers, à l'aisselle nue des bancouliers, pèse la fluence de la lune, et les grands arbres noirs ordonnancent l'ombre au flanc des routes de l'avenir. Un concile de moustiques hallucinés, irritant les buissons hantés de brume très lucide, émet incessamment ses ordres de recettes, et tremble le reflet d'argent au fond du ciel palustre, à cette indiscrète présence... Et mon cœur convulsif, trahi par tout ce mercure pâle coulant au centre de cette Afrique, dirai-je aujourd'hui même mes grandes souffrances d'ailleurs ? Le frémissement d'angoisse bleue qui fréquentait mon sein à cette transparence d'yeux où je couvrais l'absence ; l'intensité, la vanité de ma créance où tu lassas ta force espoir, et cette solitude par après, nul ne les a connus - nul - ni elle...
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Lyre à sept cordes
(Cantate)


Extrait 10

Là-bas, rien n’est stérile et le tombeau lui-même à l’angle de
  l’ Enceinte
engendre des bonheurs chaque jour inédits,
nouveaux comme l’aurore et, comme le désir, sans cesse renaissants
  et toujours agrandis !

Et puis quand on a bu l’eau du Manangarèze,
qu’était-ce du Lethé le sortilège vain ?
Montparnasse et Paris, L’Europe et ses tourments sans fin
nous hanterons parfois comme des souvenirs ou comme des
  malaises.
Aux derniers cris des Continents,
insensibles nos cœurs renés à la ferveur des hautes solitudes,
ivres de songes seuls, double offrande lyrique au vent des Altitudes
et gardiens de la source où rutile la paix des Astres éminents.

Et tu préfèreras la douceur d’une fraise, oh, d’une simple fraise
cueillie au petit jour au creux de nos falaises,
quand nous aurons rêvé sur le Manangarèze !...
Tu t’émerveillera de voir des oiseaux blancs,
plus blancs que neige et nacre , escorter, vigilants,
des berges de l’Alôtre aux rives de l’Ikoupe,
la génisse nomade aux yeux de pleine lune aussi beaux qu’une coupe.

Et, vois-tu, le long des buissons, les fiers taureaux aux lentes marches,
graves comme des rois, vénérés comme des patriarches!
Pour célébrer ton nom et consacrer l’éclat de tes hauts attributs,
Un sang riche, ma sœur, arrosera l’autel de nos douze tribus.



//Jacques Rabemananjara (1913 – 2005)
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" Qu’est-ce donc que vous espériez, quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ?Qu’elles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes que nos pères avaient courbées jusqu’à terre par la force, pensiez-vous, quand elles se relèveraient, lire l’adoration dans leurs yeux ? Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d’être vus. Car le blanc a joui trois mille ans du privilège de voir qu’on le voie ; il était regard pur, la lumière de ses yeux tirait toute chose de l’ombre natale, la blancheur de sa peau c’était un regard encore, de la lumière condensée. L’homme blanc, blanc parce qu’il était homme, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comma la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l’essence secrète et blanche des êtres. Aujourd’hui ces hommes noirs nous regardent et notre regard rentre dans nos yeux ; des torches noires, à leur tour, éclairent le monde et nos têtes blanches ne sont plus que de petits lampions balancés par le vent. " Orphée Noir - Sartre
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Pour sûr.

« Pour sûr j’en aurai
Marre
Sans même attendre qu’elles prennent
Les choses l’allure
D’un camembert bien fait

Alors je vous mettrai les pieds dans
Le plat
Ou bien tout simplement la main au collet
De tout ce qui m’emmerde
En gros caractères
Colonisation
Civilisation
Assimilation et la suite

En attendant vous m’entendrez
Souvent
Claquer la porte »

Pigments.
Léon-G. Damas
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En fait, la Négritude apparaît comme le temps faible d’une progression dialectique : l’affirmation théorique et pratique de la suprématie du blanc est la thèse ; la position de la négritude comme valeur antithétique est le moment de la négativité. Mais ce moment négatif n’a pas de suffisance par lui même et les noirs qui en usent le savent fort bien, ils savent qu’il vise à préparer la synthèse ou la réalisation de l’humain dans une société sans races. Ainsi la négritude est pour se détruire, elle est passage et non aboutissement, moyen et non fin dernière. (Préface de JP Sartre)
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