Il ne faut pas se fier aux couleurs criardes, au graphisme simplet de l'illustration de couverture et au bandeau racoleur. Sous un titre évocateur de pires fadaises, se cache un roman pas aussi stupide qu'on pourrait le craindre. Malgré tous les efforts de l'éditeur pour donner une mauvaise image de ce livre, la découverte n'est pas désagréable.
L'auteur y parle d'un père ( probablement lui même ) devenu incapable d'entrer en relation avec son fils adolescent. Autant il lui a été facile de l'aimer quand il était petit, maintenant il ne sait plus comment s'y prendre.
Comme à chaque nouvelle génération, les "vieux" et les "jeunes" se heurtent à la difficulté de dialoguer. Ici le père à l'impression que les nouveaux ados sont des mutants avec lesquels il faut se connecter pour avoir une petite chance d'établir un contact. Michele Serra livre dans ce court roman une réflexion pleine d'humour et de finesse sur le fossé qui existera toujours entre les générations.
Le résumé en 4é de couverture parle d'un " récit d'aventure ", ce qui n'est pas tout à fait exact: le père et le fils font juste une petite balade d'une journée qui n'a rien de particulièrement extraordinaire.
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Entre la simulation d'une autorité structurée mais factice et l'exercice d'un autre type d'autorité, hasardeuse mais authentique, qu'est-ce que tu préfères, dis-moi? Est-ce qu'il vaut mieux se confronter à quelqu'un qui parle une langue compréhensible même si elle n'est pas la sienne, ou à quelqu'un qui parle une langue qui lui est propre mais à laquelle on ne comprend rien?
Comme cela avait été facile de t'aimer enfant. Comme c'est difficile de continuer à t'aimer maintenant que nos tailles respectives sont quasiment identiques. (...)
C'est bien après, quand ton enfant (l'angelot inepte qui te donnait l'impression d'être dieu parce que tu le nourrissais et le protégeais: et ça te plaisait de te croire puissant et bon) se transforme en quelqu'un qui te ressemble, un homme, une femme, bref, quelqu'un comme toi, c'est alors qu'aimer requiert de précieuses vertus.
Le Kilim à l'entrée s'est transformé en une minuscule cordillère de plis et de vallons. Son honnête forme rectangulaire, dès que tu entres ou sors de la maison, est totalement ravagée par les semelles de tes énormes pompes ; chacun de tes passages correspond à une nouvelle déformation. Des siècles entiers de savoir-faire de dizaines de peuples différents – caucasiens maghrébins perses hindous – sont balayés par un seul de tes pas.
Bien sûr, cet éloignement vis-à-vis des adultes, je l'ai moi-même vécu lors de mes seize ou dix-huit ans? Mais pas à ce point. Franchement, pas à ce point. Je voyais le monde des adultes comme un royaume à conquérir. Les imiter pour les détrôner: le trône à gagner était celui-là même sur lequel ils étaient assis.
Si je n’exerce pas le pouvoir ce n’est pas uniquement à cause de ma paresse (qui est réelle, mais pas déterminante). C’est surtout parce que je n’arrive plus à croire au pouvoir, et ce, même avant notre relation à tous les deux. Et donc je ne peux pas, me trompant moi-même, te tromper aussi.