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Armand Robin (Traducteur)R. G. Cox (Éditeur scientifique)Bertram Noël (Préfacier, etc.)
EAN : 9782080708823
435 pages
Flammarion (04/01/1999)
4/5   846 notes
Résumé :
Honte et malédiction sur le royaume de Grande-Bretagne ! Folie, trahison, mensonge, cupidité, orgueil démesuré ! Tous les vices y grouillent comme autant de rats affamés. Tous les crimes s'y préparent... Lear a voulu savoir ! Ô ! Roi, ta sagesse n'a pas grandi au fil des années... Hélas ! Vanité stupide, insolence coupable, curiosité funeste : tu as voulu savoir et provoquer les dieux. La fille féroce enfonce ses crocs ; l'autre se prépare à la curée ; le fils, cont... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (71) Voir plus Ajouter une critique
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sur 846 notes
S'il est bien une tragédie de Shakespeare qui, parmi les fameuses, divise les commentateurs, c'est bien le Roi Lear. En effet, l'écrivaine Simone Weil juge que c'est sa meilleure ; Samuel Taylor Coleridge, John Keats ou encore Victor Hugo lui trouvent des qualités inégalées.

En revanche, André Gide écrivit à son propos : « peu s'en faut que je ne trouve cette pièce exécrable ; de toutes les grandes tragédies de Shakespeare, la moins bonne, et de beaucoup. » Léon Tolstoï — nous apprend la notice de l'édition de la Pléiade —, s'est acharné à dénoncer ses défauts. Etc., etc., etc.

Donc, en soi, quel que puisse être votre avis à son propos, vous trouverez toujours une grosse pointure pour aller dans votre sens et une autre pour dire exactement le contraire. Tenez-vous-le pour dit. En ce qui me concerne, il s'agissait de la treizième pièce de l'auteur que je découvrais et je ne peux pas dire que le nombre 13 m'ait particulièrement porté chance…

En effet, je ne suis pas loin de me placer du côté de Gide et de Tolstoï, quoique je puisse lui trouver également quelques élans intéressants, à de rares moments. Je suis cependant loin, très loin, à des années-lumières d'avoir éprouvé les délices de la Tempête, d'Othello, d'Hamlet, de Macbeth ou même de Jules César.

Le thème fort de la pièce — ou du moins l'un des thèmes forts — me semble être la dénonciation de l'hypocrisie et des faux-semblants qui fourmillaient à l'époque, principalement à la cour des rois (car les paysans ne s'embarrassaient pas trop de prendre des gants), et qui, de nos jours, fourmillent un peu partout. Dire clairement ce que l'on pense, sans sucre ajouté, est, de nos jours comme à l'époque, une activité très faiblement lucrative et pour laquelle on recueille fort peu de lauriers, quand bien même l'on énoncerait une vérité indéniable ou l'on formulerait un avis touchant de sincérité.

Certes, certes, mais j'ai trouvé ça gros dès le départ : un roi (un bon roi comme dans les contes de fées) ayant trois filles (même remarque). La première est flatteuse, la seconde est flatteuse mais pas la troisième, paf !, précisément, est toute différente et se fait chasser du royaume pour cette raison-là. Bigre ! Suis-je chez Shakespeare ou chez les frères Grimm ? (Sans blague, dans l'album jeunesse Un Amour bon comme le sel, c'est exactement cela.)

Et puis il y a aussi le gentil comte Gloucester, fidèle et brave et tout et tout. Lui aussi il a un gentil fils d'un côté et un méchant fils de l'autre. Pffff... bon là, je commence à m'ennuyer ferme…

Alors évidemment, le gentil fils, il ne voit rien venir et il se fait entourlouper par le méchant, méchant fils. Les deux filles flatteuses du roi, sitôt qu'elles ont l'héritage, elles deviennent méchantes, méchantes avec le bon gentil roi, qui s'est dépouillé pour elles (façon Père Goriot) et qui, du coup, en devient fou, car dans les tréfonds de son coeur, c'était la benjamine sa préférée et ça lui a un peu troué la rate qu'elle ne lui fasse pas les jolis compliments qu'il attendait avant de recevoir sa galette. Re-pfffff (idem)…

Et comme une tragédie de Shakespeare ne serait pas vraiment une tragédie de Shakespeare s'il n'y avait une grosse flagrante révoltante injustice, donc, le gentil pauvre vieux comte Gloucester se fait éclater les deux yeux à cause du méchant, méchant fils, ingrat, arriviste et félon. Il devra se traîner sur les routes en pleurant le sang, guidé par son gentil, gentil fils (façon Œdipe et Antigone, vous voyez le genre).

Et puis, c'est la guerre, et puis c'est la folie des vieux, et puis c'est la pluie, la tempête, tout sur la tête pendant des heures comme vache qui pisse, et puis c'est les fous qui disent des choses sensées et les raisonnables qui disent des folies, et puis c'est l'animosité, et puis c'est les trahisons à n'en plus finir, et puis c'est les vengeances, et puis c'est la mort, et vas-y que ça tombe comme des mouches, encore plus que la pluie. Et puis…

… c'est la fin et je suis bien contente d'en avoir fini parce que le Lear, le délire, le collyre, la lyre, le lire ou le pas lire, le relire et pâlir, moi, j'en avais plein la tirelire et je ne savais plus quoi penser de mon avis sur Lear : l'abolear ? l'ensevelear ? ou tout au contraire l'exprimer au risque de le salear ? de l'amolear ? de le démolear ? de l'avilear ?

Bref, le Lear, sans chercher à le reluire ni à le dépolir, j'ai très faiblement apprécié : trop caricatural, trop manichéen, trop deus ex-machinéen à mon goût, surtout quand je considère la force et la subtilité qu'il déploie ailleurs dans d'autres pièces, ça me chiffonne un peu, je dois dire. Mais, une fois encore, une fois pour toutes, ce n'est que mon avis, un malheureux petit avis, léger comme une plume d'oiseau (lear) et qui sera balayé au premier souffle de la tempête.
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Une fois encore , que dire de plus que ce qui n'a déjà été dit et redit ? Que cette pièce est tout simplement superbe mais bon, cela vous devez déjà le savoir. D'ailleurs, tout chez Shakespeare est superbe. Je vous mets au défi de me citer une seule de ses oeuvres qui soit passée complètement inaperçue et qui ne l'ait pas émue ou, au contraire, fait rire. Car autant William Shakespeare, mon maître, fut un excellent dramaturge, il excella également dans la rédaction de ses comédies mais aussi de ses sonnets. Poète, auteur, moralisateur très certainement puisqu'il continue d'influencer les écrivains de notre époque et que ces pièces, presque quatre siècles plus tard, restent toujours d'actualité et sont intemporelles car, pour notre plus grand malheur à tous, il y aura toujours des guerres, des complots pour obtenir le pouvoir et des hommes pour perpétuer ces actions qui représentent le côté obscur de l'humanité - si l'on peut encore se permettre d'utiliser un tel mot en pareilles circonstances. Oui, Shakespeare fut, est et restera un homme de lettres que le monde est loin d'oublier, tant qu'il y aura des lecteurs pour le lire, des acteurs pour le jouer sur scène ou encore des scénaristes pour adapter ses pièces pour le cinéma et la télévision, et ainsi, le rendre accessible à tous !

Bon passée cette petite éloge personnelle de l'auteur, venons-en maintenant à la pièce, "Le Roi Lear". Ici, il est encore une fois question de trahisons mais je dirais que cela est plus calculateur et plus vicieux que dans Hamlet. Dans cette pièce, ce sont les propres filles du Roi Lear, roi d'Angleterre qui vont, une fois qu'elles auront obtenu leur héritage, dénigrer complètement leur père en le rabaissant et en ne le considérant plus comme un homme de son rang, avec tous les égards qu'il aurait mérité. C'est vrai que cela est parti d'une injustice de la part du Roi qui, devant les flatteries de ses deux aînées Coneril et Régane, leur a concédé à chacune la moitié de son royaume alors qu'il a complètement délaissé la cadette, Cordélia, qui a simplement dit ce qu'elle ressentait pour son père mais de façon très réservée, sans chercher à surpasser ses soeurs dans sa déclaration d'amour filiale. Ne comprenant pas que cette dernière était en réalité celle qui avait le coeur le plus pur puisqu'elle ne cherchait pas l'amour de son père uniquement pour avoir quelque part de son royaume en retour, Lear l'a donc envoyée, sans dot, chez qui a bien voulu à la prendre telle qu'elle, à savoir le Roi de France. Ce coeur tendre qui ne battait que pour ce qu'il était, à savoir un père, et non pas un roi à la tête d'un immense royaume, Lear ne le comprendra malheureusement que bien trop tard...

Bon, je ne vous en dit pas plus en ce qui concerne l'intrigue sinon il me faudrait encore m'étendre sur ce qui pourrait s'avérer être des pages. Je conclurai donc, comme j'ai commencé, à savoir que cette pièce (tout comme tout le théâtre de Shakespeare d'ailleurs) vaut vraiment que l'on prenne le temps de le lire, de le relire (ce qui est mon cas puisqu'il s'agit d'une pièce que j'avais déjà lue étant à la fac mais dans laquelle j'ai eu envie de me replonger), l'idéal même serait de l'entendre !

Pour finir, je vais vous faire une petite confidence. L'un de mes remèdes miracles que j'utilisai fréquemment lorsque j'étais à la fac et que je n'avais vraiment pas le moral : Je me relisais l'une des tragédies de Shakespeare et étant donné que tous les personnages meurent à la fin (enfin pas tous mais presque) s'entre-tuent entre eux et se trahissent, je me disais qu'il y avait bien pire que moi dans le monde et, tout de suite, cela allait mieux. Je vous promets que cela est véridique et que cela fonctionnait !
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Autant vous le dire tout de suite, c'est une histoire de fous où la profondeur psychologique des personnages est absente. le roi Lear, se sentant vieillir, décide de partager son royaume entre ses trois filles. En échange, il leur demande de lui faire savoir laquelle l'aime le plus. Ses deux filles aînées s'exécutent en affirmant qu'elles aiment leur père plus que tout au monde, sympa pour leur époux ! Mais Cordélia, la plus jeune des filles, la préférée du roi, refuse et se borne à dire qu'elle aime le roi, mais que peut-être, le jour où elle se mariera… Elle est déshéritée et chassée. La voie est maintenant libre pour les ambitieux.
Une pièce de théâtre sur le pouvoir, sur l'amour, celui qui s'achète ou pas. Une pièce pleine de rebondissements et d'imprévus.
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Critiquer Shakespeare et le Roi Lear ? Impossible... je lis souvent des commentaires intimidés de telles oeuvres sur Babelio, concluant qu'on se sent tellement petits face au génie créateur de l'auteur, et face à des milliers de commentateurs érudits qui nous ont précédé, qu'on ne peut plus écrire une ligne valable. Je ressens un peu cela en feuilletant de bon matin cette pièce du début de XVIIème, emblématique, aux côté d'Hamlet, Othello ou MacBeth, de la langue anglaise.

Et pourtant, quel plus bel hommage peut-on rendre à Shakespeare que de témoigner... témoigner qu'un lecteur moyen du XXème siècle, aux humanités plus que médiocres, de surcroît quasi-étranger à la langue, et passant donc par la traduction de jean-Michel Déprats, peut encore ouvrir cette oeuvre et, immédiatement, s'y trouver transporté.

Témoigner que sans jamais avoir vu en représentation une de ses pièces, simplement en lisant avec tant de distance cette oeuvre de prose et de vers, le lecteur étonné peut imaginer dès les premiers mots de Shakespeare la mécanique implacable de ces destins qui se croisent au royaume de Bretagne.

Témoigner de l'intemporalité de ce théâtre, dont la force des mots et la mise en scène, pourtant tirés de traditions anciennes, et d'une laïcisation populaire des mystères post médiévaux, où Shakespeare a puisé, ne cesse de se renouveler. Rendre hommage à ce don merveilleux que fit cet inconnu célèbre, récalcitrant aux biographes et aussi mythique que l'auteur de la quête du Graal ou Homère... à tel point que certains, désabusés, finirent par penser qu'il n'avait pu être un seul homme... peut-être à raison... Qu'il fut un ou plusieurs, en tous cas, homme de scène avant tout, grand-père de notre Molière à ce titre, il met en scène la vie, ses questions, les turpitudes et la grandeur des hommes, et les met à la porté des humbles.

Témoigner de la force dramatique des pièces telles que le Roi Lear. Il serait possible, des heures durant, d'en analyser les ressorts psychanalytiques, les passions et non-dits qui se nouent dans les relations filiales et familiales, et se dénouent brutalement lors des successions ; les rapports entre folie et vérité, entre fidélité et raison. Mais ce serait oublier le souffle court, les tripes serrées, les larmes versées... Shakespeare parle à notre âme. le Roi Lear en particulier, The Clash of Clans, est, dès les première scènes, un avis de tempête, où les lames de fond submergent hommes et femmes, où Dieu reste sourd aux prières, où l'ambition déchire l'amour, jusqu'à la mort ou jusqu'à la folie.

Témoigner enfin qu'on ne peut rester insensible, malgré les filtres du temps et des traductions, à cette langue inimitable, qui se déclame en pleines strophes, en un chant sépulcral, lyrique, mystérieux, et, à d'autres moments, se fait familière, intime, gargotière, pour mieux venir nous cueillir dans un quotidien dont il semble nous révéler un sens caché. Dans cet art, Shakespeare n'a point d'égal, et marche entre Homère et Hugo au pays des ombres qui ne meurent jamais.

Quant au roi lear, elle est probablement l'un de ses drames les plus puissamment émouvants, de par la construction de l'intrigue, double et au rythme soutenu, de par l'angoisse existentielle qui meut, dès la première scène, chaque personnage, et où seul le fou, puis l'aveugle, au terme de mainte souffrance, finit par voir... au coeur de l'obscurité... cette peur face au néant est sans doute ce qui marque le plus le lecteur d'aujourd'hui -miroir, miroir, est ce moi ce lecteur angoissé ?...- , marqué par Kafka, Dostoïevski, Ionesco, Nietzche, Camus , Sarte, Malraux... se dire que l'Etre ou ne pas Etre se posait déjà chez nos pères de 1605 présente un petit côté rassurant... cela ne les a pas empêché de naître, d'aimer, souffrir... et mourir.

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Proche de la mort, le roi Lear décide de partager son royaume. Il a trois fille, donc de le partager en trois, ce qui semble juste, quoique, chacun sait que plus il y a de fous, moins on rigole.
Le roi a une préférée, Cordélia, la cadette.
Le partage conclu, Lear demande à ses filles une déclaration d'amour, de lui dire merci, d'abord et puis combien elles l'aiment.
L'ainée et la puinée beurrent abondamment la tartine alors que la cadette dit ce qu'elle pense vraiment. Horreur! Maudit soit elle! Alors que, bien entendu, c'est elle qui a tenu les propos les plus justes et les plus raisonnables.
Elle est chassée qans autre forme de procès!
Mais ce n 'est pas fini car les deux flatteuses deviennent méchantes, vilaines et vont jusqu'à dépouiller leur pauvre père qui regrette sa Cordélia et devient fou.
Cela ressemble beaucoup au "Père Goriot", c'est vrai et je ne suis pas le seul à faire le rapprochement, d'aucuns y avaient déjà pensé.
Mais ce n'est pas fini.
Tout s'emballe tout d'un coup, les uns se jettent contre les autres, c'est le désamour, je t'aime, moi non plus, bagarres, sang, mort et...beaucoup de pluie symbole de désolation.
La part des fous au jugement sûr et exact est grande dans cette tragédie mais n'est-ce point le sort du monde que d'être fou?

Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute disait La Fontaine, Lear en aura fait la triste expérience.
Partager c'est parti d'un bon sentiment non partagé.
Ce n'est pas forcément la meilleure tragédie de Shakespeare, ce fut, cependant, pour moi, un bon moment de détente, de lecture et de voyage dans mon imaginaire.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Citations et extraits (157) Voir plus Ajouter une citation
LEAR : Un homme peut voir comment va le monde sans ses yeux : regarde avec tes oreilles. Vois comme ce juge là-bas réprimande ce pauvre bougre de voleur. Écoute, que je te dise à l'oreille : change-les de place et, passez muscade, qui est le juge, qui est le voleur ?
[…]
Toi, canaille d'huissier, retiens ta main sanglante !
Pourquoi fustiges-tu cette putain ? Dénude ton propre dos ;
Tu brûles du désir de faire avec elle
Ce pourquoi tu la fouettes. L'usurier fait pendre le gredin.
Sous les habits troués les vices paraissent grands ;
Robes et manteaux fourrés cachent tout. Cuirasse d'or le péché,
Et le glaive puissant de la justice s'y brise sans blesser ;
Harnache-le de haillons, le brin de paille d'un Pygmée le perce.

(LEAR : A man may see how this world goes with no eyes : look with thine ears. See how yond justice rails upon yond simple thief. Hark in thine ear : change places, and handy-dandy, which is the justice, which is the thief ?
[…]
Thou rascal beadle, hold thy bloody hand !
Why dost thou lash that whore ? Strip thy own back ;
Thou hostly lusts to use her in that kind
For which thou whipp'st her. The usurer hangs the cozener.
Through tatter'd clothes great vices do appear :
Robes and furr'd gowns hide all. Plate sin with gold,
And the strong lance of justice hurtless breaks ;
Arm it in rags, a Pigmy's straw does pierce it.)

Acte IV, Scène VI.
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LEAR : Pauvres miséreux nus, où que vous soyez,
À souffrir d'être lapidés par cet orage impitoyable,
Comment vos têtes sans abri, vos flancs sans nourriture,
Vos haillons criblés de trous et de fenêtres, vous défendront-ils
Contre un pareil temps ? Oh ! je me suis
Trop peu occupé de cela. Guéris-toi, faste,
Accepte d'éprouver ce qu'éprouvent les miséreux,
Afin de pouvoir répandre sur eux ton superflu,
Et de montrer les Cieux plus justes.

(LEAR : Poor naked wretches, whereso'er you are,
That bide the pelting of this pitiless storm,
How shall your houseless heads and unfed sides,
Your loop'd and window'd raggedness, defend you
From seasons such as these ? O, I have ta'en
Too little care of this ! Take physic, pomp ;
Expose thyself to feel what wretches feel,
That thou mayst shake the superflux to them,
And show the heavens more just.)

Acte III, Scène 4.
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Je vous ai sélectionné quelques extraits issus de différents actes qui je l’espère vous mettront l’eau à la bouche…. Bonne lecture :

Kent : Que Kent soit discourtois quand Lear est insensé ! Que prétends-tu vieillard ? Crois-tu donc que le devoir ait peur de parler, quand la puissance cède à la flatterie ? L’honneur est obligé à la franchise, quand la majesté succombe à la folie. Révoque ton arrêt, et, par une mûre réflexion, réprime cette hideuse vivacité. Que ma vie réponde de mon jugement ! La plus jeune de tes filles n’est pas celle qui t’aime le moins : elle n’annonce pas un cœur vide, la voix grave qui ne retentit pas en un creux accent.

Lear au duc de Bourgogne : Telle qu’elle est, messire, avec les infirmités qu’elle possède, orpheline nouvellement adoptée par notre haine, dotée de notre malédiction et reniée par notre serment, voulez-vous la prendre ou la laisser ?

Gloucester : Ces dernières éclipses de soleil et de lune ne nous présagent rien de bon. La sagesse naturelle a beau les expliquer d’une manière ou d’autre, la nature n’en est pas moins bouleversée par leurs effets inévitables : l’amour se refroidit, l’amitié se détend, les frères se divisent ; émeutes dans les cités ; discordes dans les campagnes ; dans les palais, trahisons ; rupture de tout lien entre le père et le fils. Ce misérable, né de moi, justifie la prédiction : voilà le fils contre le père ! Le roi se dérobe aux penchants de la nature : voilà le père contre l’enfant ! Nous avons vu les meilleurs de nos jours. Machinations, perfidies, guets-apens, tous les désordres les plus sinistres nous harcèlent jusqu’à nos tombes…

Le Fou : Quelle merveilleuse parenté peut-il y avoir entre toi et tes filles ? Elles veulent me faire fouetter si je dis vrai ; toi, tu veux me faire fouetter si je mens. Et parfois je suis fouetté si je garde le silence. J’aimerais mieux être n’importe quoi que fou, et pourtant je ne voudrais pas être toi, mon oncle : tu as épluché ton bon sens des deux côtés et tu n’as rien laissé au milieu. Voilà venir une des épluchures.

Lear (parlant de Gonéril) : Ecoute, nature, écoute ! Chère déesse, écoute ! Suspends ton dessein, si tu t’es proposé de rendre cette créature féconde ! Porte la stérilité dans sa matrice ! Dessèche en elle les organes de la génération, et que jamais de son corps dégradé il ne naisse un enfant qui l’honore ! S’il faut qu’elle conçoive, dorme de fiel son nourrisson, en sorte qu’il vive pour la tourmenter de sa perversité dénaturée ! Puisse-t-il imprimer les rides sur son jeune front, creuser à force de larmes des ravins sur ses joues, et payer toutes les peines, tous les bienfaits de sa mère en dérision et en mépris, afin qu’elle reconnaisse combien la morsure d’un reptile est moins déchirante que l’ingratitude d’un enfant…

Le Chevalier : En lutte avec les éléments courroucés : le roi somme le vent de lancer la Terre dans l’Océan, ou d’élever au-dessus du continent les vagues dentelées, en sorte que tout change ou périsse. Il arrache ses cheveux blancs, que les impétueuses rafales, avec une aveugle rage, emportent dans leur furie et mettent à néant. Dans son petit monde humain, il cherche à dépasser en violence le vent et la pluie entrechoqués. Dans cette nuit où l’ourse aux mamelles taries reste dans son antre, où le lion et le loup, mordus par la faim, tiennent leur fourrure à l’abri, il court la tête nue et invoque la destruction.

Edgar (seul, constatant la folie du roi) : Quand nous voyons nos supérieurs partager nos misères, à peine nos malheurs nous semblent-ils ennemis. Celui qui souffre seul, souffre surtout par imagination, en pensant aux destinées privilégiées, aux éclatants bonheurs qu’il laisse derrière lui ; mais l’âme dompte aisément la souffrance, quand sa douleur a des camarades d’épreuve. Comme ma peine me semble légère et tolérable, à présent que l’adversité qui me fait courber fait plier le roi !... Il est frappé comme père et moi comme fils !... Tom, éloigne-toi ; sois attentif aux grands bruits, et reparais dès que l’opinion qui te salissait de ses outrageantes pensées, ramenée à toi par l’évidence t’aura réhabilité. Advienne que pourra cette nuit, pourvu que le roi soit sauvé !

Kent a envoyé une lettre à Cordélia, il demande au Chevalier si elle a été émue.
Le Chevalier : Pas jusqu’à l’emportement : la patience et la douleur luttaient à qui lui donnerait la plus suave expression. Vous avez vu le soleil luire à travers la pluie : ses sourires et ses larmes apparaissaient comme au plus beau jour de mai. Ces heureux sourires, qui se jouaient sur sa lèvre mûre, semblaient ignorer les hôtes qui étaient dans ses yeux et qui s’en échappaient comme des perles tombant de dieux diamants… Bref, la douleur serait la plus adorable rareté, si tout pouvait l’embellir ainsi. […] Alors elle a secoué l’eau sainte de ses yeux célestes et en a mouillé ses sanglots ; puis brusquement elle s’est échappée pour être toute à sa douleur.

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LEAR. – Quoi ! es-tu fou ? Un homme peut voir sans yeux comment va le monde. Regarde avec tes oreilles. Vois-tu comment ce juge déblatère contre ce simple filou ? Écoute, un mot à l’oreille ! Change-les de place, et puis devine lequel est le juge, lequel est le filou… Tu as vu le chien d’un fermier aboyer après un mendiant ?
GLOUCESTER. – Oui, seigneur.
LEAR. – Et la pauvre créature se sauver du limier ? Eh bien ! tu as vu là la grande image de l’autorité : un chien au pouvoir qui se fait obéir ! Toi, misérable sergent, retiens ton bras sanglant : pourquoi fouettes-tu cette putain ? Flagelle donc tes propres épaules : tu désires ardemment commettre avec elle l’acte pour lequel tu la fouettes. L’usurier fait pendre l’escroc. Les moindres vices se voient à travers les haillons ; les manteaux et les simarres fourrées les cachent tous. Cuirasse d’or le péché, et la forte lance de la justice s’y brise impuissante ; harnache-le de guenilles, le fétu d’un pygmée le transperce. Il n’est pas un coupable, pas un, te dis-je, pas un ! Je les absous tous. Accepte ceci de moi, mon ami : j’ai les moyens de sceller les lèvres de l’accusateur. Procure-toi des besicles et, en homme d’État taré, affecte de voir les choses que tu ne vois pas… Allons, allons, allons, allons ! ôtez-moi mes bottes : ferme, ferme ! c’est ça.
EDGAR. – Oh ! mélange de bon sens et d’extravagance ! La raison dans la folie !
LEAR. – Si tu veux pleurer sur mon sort, prends mes yeux. Je te connais fort bien : ton nom est Gloucester. Il te faut prendre patience : nous sommes venus ici-bas en pleurant. Tu le sais ! la première fois que nous humons l’air, nous vagissons et nous crions… Je vais prêcher pour toi ; attention !
GLOUCESTER. – Hélas ! Hélas !
LEAR. – Dès que nous naissons, nous pleurons d’être venus sur ce grand théâtre de fous… Le bon couvre-chef ! Ce serait un délicat stratagème que de ferrer avec du feutre un escadron de chevaux ; j’en veux faire l’essai ; et puis je surprendrai ces gendres, et alors tue, tue, tue, tue, tue, tue !
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LEAR : (...) Ciel, accorde moi la patience : c'est de patience que j'ai besoin! Vous voyez ici, ô dieux, un pauvre vieillard accablé, double misère! par la douleur et par les années. Si c'est vous qui soulevez les coeurs de ces filles contre leur père, ne m'affolez pas au point que je l'endure placidement; animez-moi d'une noble colère. Oh! ne laissez pas les pleurs, ces armes de femme, souiller mes joues mâles! ... Non...!
Stryges dénaturées, je veux tirer de vous deux une telle vengeance que le monde entier... Je veux faire des choses... Ce qu'elles seront, je ne le sais pas encore; mais elles feront l'épouvante de la terre. Vous croyez que je vais pleurer. Non, je ne pleurerai pas. J'ai certes sujet de pleurer; mais ce coeur se brisera en cent mille éclats avant que je pleure... Ô bouffon, je deviendrai fou!
Sortent Lear, Gloucester, Kent et le fou.)

CORNOUAILLES : Retirons-nous, il va faire de l'orage (Bruit lointain d'un orage.)

REGANE : Ce manoir est petit; le vieillard et ses gens ne sauraient s'y loger à l'aise.

GONERIL : C'est sa faute : il s'est lui-même privé d'asile; il faut qu'il souffre de sa folie.

REGANE : Pour lui personnellement, je le reconnais volontiers, mais pas un seul de ses gens.

GONERIL : C'est aussi ma résolution. Où est milord de Gloucester?

CORNOUAILLES : Il a accompagné le vieillard... (Gloucester revient)
Mais le voici de retour.

GLOUCESTER : Le roi est dans une rage violente.

CORNOUAILLES : Où va-t-il?

GLOUCESTER : Il commande les chevaux, mais je ne sais où il va.

CORNOUAILLES : Le mieux est de le laisser faire... Qu'il se dirige!

GONERIL, à Gloucester : Milord, ne le pressez nullement de rester.

GLOUCESTER : Hélas! la nuit vient, et les vents glacés se déchaînent furieusement. A plusieurs milles à la ronde, il y a à peine un fourré.

REGANE : Ah! messire, aux hommes obstinés les injures qu'eux-mêmes s'attirent doivent servir de leçon... Fermez vos portes : il a pour escorte des forcenés, et les excès auxquels il peut être entraîné par eux, lui dont l'oreille est facilement abusée, doivent mettre en garde la prudence.

CORNOUAILLES : Fermez vos portes, milord; il fait une horrible nuit. Ma Régane vous donne un bon conseil. Dérobons-nous à l'orage. (Ils sortent.)

Acte II, scène IV
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Vidéo de William Shakespeare
SHAKESPEARE – Les femmes dans Henri VI & Richard III avec Patrice Chéreau (FR3, 1999) Un documentaire de Stéphane Metge réalisé en 1999. Présence : Patrice Chéreau, Elsa Bosc, Céline Carrère, Jeanne Casilas, Rebecca Convenant, Amélie Jalliet, Cylia Malki, Sarah Mesguich. Traduction utilisée : Armand Guibert, Pierre Leyris et Daniel Loayza (édition du Club Français du Livre).
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