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Critique de OverTheMoonWithBooks


Othello, le Maure de Venise. Dès le titre, Shakespeare introduit le thème de la différence - et de sa perception - qui régit une grande partie de la pièce.
Mais qui est Othello exactement ? Ou plutôt, quelle image nous donne-t-on d'Othello ?
Othello est un général - venu d'Afrique du Nord, donc - crédule et aveuglé par le cocon, son second "chez lui" qu'il s'est créé avec son amour pour Desdémone au retour de batailles contre l'empire ottoman. A la différence de l'homme idéal de l'époque élisabéthaine - qui est bien sûr Anglais et protestant - Othello est un homme faible, car il se laisse guider par ses passions - faute qui chez le Barde mène toujours à une fin tragique.
D'un point de vue plus personnel, j'ajouterai qu'Othello n'est pas un personnage sympathique, non pas à cause de sa "faiblesse" mais car c'est un personnage sans grand relief qui se cache derrière la question de l'honneur et de ses exploits militaires pour ne pas montrer qu'il s'aime lui plus que tout autre chose - ou personne.
C'est grâce à cette faille narcissique que Iago, vexé de ne pas avoir eu le poste qu'il convoitait, réussi peu à peu à manipuler le Maure.
Dans cette pièce qui a de fortes ressemblances avec Roméo et Juliette (dont je ne suis pas une grande fanatique..), c'est bel et bien Iago qui donne toute sa saveur à l'intrigue. Il met en avant tout ce qui "gêne" dans l'homme (la fourberie, l'envie, la rancoeur, l'orgueil) mais qu'on préfère taire. Shakespeare lui donne, en quelque sorte, le rôle qu'ont les fous dans ses autres pièces : celui de révélateur, de miroir du genre humain.
Tout l'intérêt de la pièce se trouve dans les stratagèmes dont Iago use (et abuse!) pour installer le doute de façon permanente dans l'esprit d'Othello. Pour cela il passe par des arguments et scénarios parfois invraisemblables, mais qui répétés deviennent vérité ; il en vient même à se lamenter du fait que les bonnes intentions ne sont jamais récompensées. Au final, cette séduction par le discours rend Iago indispensable pour Othello car il se met en position d'être le seul qui puisse le comprendre. En cela on peut aussi voir la modernité de l'oeuvre de Shakespeare, car depuis quelques années c'est bel et bien ce que décrivent les psychologues lorsqu'ils parlent des pervers narcissiques.

Comme le Tartuffe de Molière, Iago se pare des masques de l'honnêteté et de la loyauté et nous montre à nous lecteurs/spectateurs que les mots, comme les apparences, peuvent être trompeurs et des armes bien affutées pour tromper.
En dehors de la vision simpliste de l'Autre pendant la Renaissance anglaise avec le noir contre le blanc (Othello contre Desdémone) et toutes les associations encore plus simplistes qui y sont associées ; Shakespeare a tout de même su montrer la difficulté de rencontrer l'Autre avec ses différences et la méfiance qu'elle engendre. Paradoxalement, il nous montre Othello croyant dur comme fer aux pouvoirs mystiques du mouchoir mais demande d'abord des preuves "visibles" de la trahison de Desdémone. Une fois de plus, cette faiblesse se retournera contre lui...

Même si je n'ai pas trouvé cette pièce génialissime, on y trouve quand même tout le talent de Shakespeare qui sait définir ce qui fait l'être humain quelle que soit l'époque - et dit avec une langue superbe, bien que la traduction d'Yves Bonnefoy, beaucoup plus ampoulée que celle du Barde de Stratford ne rende pas cette dimension.
Et surtout, ce contre quoi Shakespeare nous met en garde une fois de plus : les "coups de sang" et l'impatience qui peuvent amener l'être humain à perdre en une fraction de seconde ce qu'il avait mis beaucoup de temps à construire.
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