L'âme de l'Iran

Un sourire calme aux lèvres, le maître se plongeait dans le mystère de la création : « La Beauté peut-elle rester cachée ? Car tout ce que l’on nomme beau est caractérisé par sa tendance à apparaître aux autres. Un beau visage voilé est impatient de pouvoir s’exposer aux regards. De même, une pensée fine ne se contente pas de traverser l’esprit, elle veut qu’on l’exprime, par la parole ou par l’art, afin que tout le monde puisse l’apprécier et la sentir. Telle est la loi de la beauté, la plus importante de toutes les lois, car c’est à ce désir incessant de la beauté de se manifester elle-même que l’Univers doit sa naissance. Allâh a dit : “J’ai été un trésor caché, c’est pourquoi je désirais me faire connaître : j’ai donc créé ce monde et ses créatures pour être connu d’elles.” Les hommes de Dieu nous apprennent comment se manifesta la Beauté absolue : personne ne peut imaginer la hauteur, si la profondeur n’existe pas ; on ne peut concevoir l’obscurité que par sa différence d’avec la lumière ; on ne pourrait goûter la douceur s’il n’y avait d’amertume, ni sentir la chaleur s’il n’y avait de froid ; et qui se féliciterait de sa bonne santé, s’il n’avait à craindre la maladie ? Une chose ne se manifeste pas par elle-même, mais par son contraire ou sa négation ; si ceux-là n’existent pas, elle doit rester cachée. Le néant est la négation de l’être, le non-beau ou le laid est la négation du beau, le non-bien ou mal est la négation du bien. Mais l’Être suprême est un. Puisque rien ne peut exister à part Lui, il en résulte que sa négation, c’est-à-dire le néant et, en même temps, la laideur et le mal, n’existent pas davantage. L’Être est éternel, le non-être temporaire. Même si l’Être était caché et inconcevable, et le non-être à portée de la main, il n’en resterait pas moins que le non-être n’est qu’un fantôme, une illusion qui finira comme elle a commencé. Les hommes de Dieu comprennent le mystère de la création et connaissent l’origine du mal. La création et le mal devinrent nécessaires à partir du moment où l’Éternelle Beauté voulut se manifester. Pourtant, elles ne sont pas la réalité, mais une chimère, une illusion, car elles proviennent du non-être. Allâh n’est qu’un et rien n’existe à part Lui. »

O brise, messager ailé des amoureux
vers la terre de Saba, je t’envoie.

Quelle infortune si un oiseau tel que toi
s’égarait dans le pays du chagrin,
regarde bien d’où tu prends ton vol
et vers quelles contrées tu vas.
Vers le nid de la fidélité, je t’envoie.

Le voyage n’est ni long, ni court
par la route de l’amour.
Je te suis des yeux,
et des prières, je t’envoie.

Au crépuscule, à l’aube,
par les zéphyrs du nord et de l’est,
de bons vœux, en caravane, je t’envoie.

Ô toi, compagne dévouée de mon cœur,
qui es si loin de mes regards,
je prie pour toi et mes respects, je t’envoie.

Pour que les musiciens te disent mon amour,
en dons, poèmes et chansons, je t’envoie.

Approche échanson, l’oracle invisible
m’a révélé d’heureux présages.
Prends en patience ta douleur,
des baumes, je t’envoie.

Hafiz de Chiraz

(Prière de Chams ol'orafâ) : "Mon Dieu, si je m'incline devant vous par crainte de l'enfer, précipitez-moi en enfer ; si je vous respecte par espérance du paradis, refusez-moi l'entrée du paradis ; mais si je vous vénère à cause de vous-même, ne m'éloignez pas de l'Eternelle Beauté."

p. 119

Le reflet de l’Être brilla dans le Néant comme dans un miroir. Mais ce fut juste un reflet dans un miroir et rien de plus. Ainsi prirent naissance l’univers, le monde et l’homme. Ils ne sont tous que l’image de Dieu reflétée dans le miroir du Néant et, par conséquent, n’ont aucune réalité objective. De même brille de mille feux une nappe d’eau où se baignent les rayons du soleil. Mais si l’astre vient à disparaître à l’horizon ou se couvrir d’un nuage, toute lueur s’éteint, car elle ne tient son existence que du soleil, tandis que celui-ci ne dépend en aucune façon de la nappe d’eau ni du reflet. La nappe d’eau est le miroir du soleil, de même que le néant est le miroir de l’Être absolu, et les images qui se forment à la surface de l’eau montrent l’univers de la création.