AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782853999885
112 pages
Publications de l'Université de Provence (25/06/2015)
4/5   1 notes
Résumé :
Le 28 juillet 1814, alors qu’il est déjà marié et père d’un enfant, Percy Bysshe Shelley s’enfuit sur le Continent avec la toute jeune Mary Godwin. Dans un étonnant périple de six semaines, à pied, à dos d’âne, en voiture ou en canoë, ils vont traverser une France dévastée par les guerres révolutionnaires avant de gagner la Suisse puis de suivre le cours enchanté du Rhin en Allemagne et en Hollande. Deux ans plus tard, les voici repartis vers la Suisse, à Genève, où... >Voir plus
Que lire après Histoire d'un voyage de six semainesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce journal de voyage, qui inclut également quelques passages de la main de Claire Clairmont (la demi-soeur de Mary Shelley) est en réalité composé de trois parties : le récit du premier voyage en 1814 (lorsque Percy s'enfuit avec Mary et Claire), 4 lettres relatives au second voyage en 1816 (pour rejoindre Byron en Suisse) et le poème Mont Blanc de Percy Shelley.

La préface d'Anne Rouhette est très intéressante, car elle explique bien le contexte d'écriture de ce journal mais aussi son travail de traductrice et les différentes sources utilisées pour ce travail (avec notamment les différences qu'il peut exister entre les différentes versions anglaises de ce journal).
Le journal en lui-même est tout aussi passionnant : en 1814, la France sort difficilement des guerres napoléoniennes et les Shelley sont parmi les premiers voyageurs à s'y rendre et à en donner leurs impressions. On croise donc des villages dévastés par la guerre, très pauvres. C'est aussi intéressant de les voir comparer les habitants des différentes régions ou pays traversés, leurs coutumes, leurs personnalités...
Petit détail amusant : les passages de la main de Mary reflètent déjà ses talents de romancière (description des paysages, des habitants...), ceux écrits par Percy sont beaucoup plus poétiques et dans le registre de l'émotion.

Une excellente découverte et qui donne vraiment envie que le reste des journaux et lettres de Mary Shelley soit enfin un jour édités en français.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Mont Blanc
     
I
L’univers éternel des choses
Coule dans l’esprit et fait rouler ses flots rapides,
Tantôt sombres, tantôt scintillants, tantôt réfléchissant l’obscurité,
Tantôt ornant de splendeur, là où depuis des sources secrètes
L’origine de la pensée humaine apporte son tribut 
D’eau ; avec un bruit qui ne lui appartient qu’à moitié,
Comme celui qu’un faible ruisseau produit souvent
Dans les bois sauvages, seul parmi les montagnes,
Où les chutes d’eau s’élancent autour de lui pour toujours,
Où bois et vents s’affrontent, et une vaste rivière 
Sur ses rochers déferle et erre sans cesse.
     
II.
Ainsi toi, ravin de l’Arve – sombre, profond ravin –,
Toi vallée aux maintes couleurs, aux maintes voix,
Par-dessus les pins, et les rocs, et les cavernes de laquelle passent,
Rapides, des ombres nuageuses et des rayons de soleils : scène terrible,
Où le Pouvoir sous la forme de l’Arve descend
Des gouffres de glace qui ceignent son trône secret,
Déferlant brusquement à travers ces montagnes sombres comme la flamme
De l’éclair traverse la tempête ; tu es là,
Ta couvée géante de pins accrochée à toi,
Enfants de temps anciens, parmi lesquels, en amis fidèles,
Les vents sans entraves viennent toujours et depuis toujours
Boire leur parfum, et entendre leur puissant
Balancement –  vieille et solennelle harmonie ;
Tes arcs-en-ciel terrestres qui se déploient par-dessus 
La cascade éthérée, dont le voile
Revêt quelque image grossière; l’étrange sommeil
Qui, quand défaillent les voix du désert,
Enveloppe tout de sa propre éternité profonde ;
Tes cavernes, qui font écho au tumulte de l’Arve,
Un son unique, puissant, qu’aucun autre son ne peut dompter ;
Tu es traversé de ce mouvement incessant,
Tu es le chemin de ce son qui jamais ne s’arrête :
Vertigineux Ravin ! et quand je te contemple,
Il me semble, comme dans une transe sublime et étrange,
Méditer sur ma propre imagination comme distincte de moi-même,
La mienne, mon esprit humain, qui passivement
Maintenant donne et reçoit des influences rapides,
Dans un échange incessant
Avec le clair univers des choses alentour ;
Une légion de sauvages pensées, dont les ailes vagabondes
Tantôt flottent par-dessus ton obscurité, et tantôt reposent
Là où ni elle ni toi n’êtes indésirables,
Dans la caverne silencieuse de la sorcière Poésie,
Cherchant parmi les ombres qui passent,
Spectres de tout ce qui est, une ombre de toi,
Un fantôme, une pâle image ; jusqu’à ce que le sein
D’où elles sortirent les rappelle, tu es là !
     
III.
Certains disent que des lueurs venues d’un monde plus lointain
Visitent l’âme endormie ; que la mort est sommeil,
Et que ses formes dépassent en nombre les pensées affairées
De ceux qui vivent et veillent. Je regarde vers les hauteurs :
Une toute-puissance inconnue a-t-elle déployé
Le voile de la vie et de la mort ? Ou bien suis-je en train
De rêver, et le monde plus puissant du sommeil 
Étend-il au loin, inaccessibles,
Ses cercles ? Car l’esprit même défaille,
Poussé comme un nuage errant d’un précipice à un autre,
Pour disparaître dans les vents invisibles !
Loin, loin là-haut, perçant le ciel infini
Le Mont Blanc apparaît – silencieux, enneigé et serein ;
Ses féales montagnes entassent autour de lui
Leurs formes surnaturelles de glace et de roc ; entre elles,
de larges vallées,
Aux flots gelés, aux profondeurs insondables,
Bleues comme le ciel qui les surmonte, qui s’étendent
Et serpentent parmi les amas escarpés ;
Désert peuplé par les seules tempêtes,
Sauf quand un aigle y emporte un os de chasseur,
Et que le loup le poursuit jusque-là – comme sont hideuses
Les formes qui s’entassent tout autour !
Grossières, nues et hautes,
Horribles, et balafrées et déchirées. Est-ce la scène
Où l’ancienne Furie qui ébranlait la terre apprit à ses petits
La Ruine ? Sont-ce là leurs jouets ?
Ou bien une mer De feu enveloppa-t-elle autrefois cette neige silencieuse ?
Nul ne peut répondre ; tout semble éternel à présent.
Ces régions sauvages ont une langue mystérieuse
Qui enseigne un doute effrayant, ou une foi si douce,
Si solennelle, si sereine, que l’homme pourrait,
Sans cette foi, se réconcilier avec la nature ;
Tu possèdes une voix, grande Montagne, qui abroge
Bien des lois de mensonge et de souffrance ; que tous
Ne comprennent pas, mais que les sages, les grands, et les bons
Interprètent, ou font sentir, ou ressentent profondément.
...
     
V.
Le Mont Blanc toujours brille dans les hauteurs ; là est le pouvoir,
Le pouvoir silencieux et solennel de bien des visions,
Et de bien des bruits, et d’une grande partie de la vie et de la mort.
Dans la calme obscurité des nuits sans lune,
Dans l’éclat aveuglant et solitaire du jour, les neiges descendent
Sur cette Montagne ; nul ne peut les y contempler,
Ni quand les flocons brûlent dans le soleil couchant,
Ni quand les rayons des étoiles les transpercent ; les vents luttent
En silence ici, et amassent la neige d’un souffle
Rapide et puissant, mais en silence !
La foudre inaudible dans ces lieux solitaires
Réside innocemment, et comme une vapeur, médite
Sur la neige. La force secrète des choses
Qui gouverne la pensée, et qui au dôme infini
Des cieux est comme une loi, t’habite !
Et que serais-tu, que serait la terre, les étoiles, la mer,
Si dans les pensées de l’esprit humain,
Le silence et la solitude représentaient le vide ?
     
Mary Shelley et Percy Bysshe Shelley,
Vers écrits dans la vallée de Chamouni (23 juin 1816)
     
(Traduction d’Anne Rouhette, pp. 138-142)
Commenter  J’apprécie          100

Videos de Mary Shelley (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mary Shelley
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Saviez-vous que le plus célèbre de tous les romans d'épouvante, « Frankenstein », avait été écrit par une femme. Une jeune femme, à vrai dire, puisqu'elle n'avait que 18 ans et relevait un défi.
« Frankenstein » de Mary Shelley, un classique à lire chez Pocket
autres livres classés : lettresVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (7) Voir plus




{* *}