AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Simon Leys (Éditeur scientifique)
EAN : 9782259205238
250 pages
Plon (12/01/2007)
4.22/5   27 notes
Résumé :
Le traité sur la peinture dû à Shitao (début du XVIIIe siècle) est apparu presque au terme de cette millénaire tradition de théorie picturale, dont il constitue tout à la fois une sorte de synthèse et un prodigieux sommet. Ce texte est dense et riche car il tire sa substance des sources les plus diverses - d'une part, la vaste littérature des peintres, et de l'autre, les classiques de la pensée taoïste, confucéenne et bouddhique - mais il use d'un langage extrêmemen... >Voir plus
Que lire après Les propos sur la peinture du moine Citrouille-AmèreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"L'encre que je pose
sur la soie ce matin
sent déjà le givre..."
(Shitao)

L'auteur de ces "Propos sur la peinture", moine, peintre et poète Shitao, est né en 1640 en Chine, comme l'un des nobles descendants de la dynastie Ming, alors encore au pouvoir.
Peu après la dynastie est tombée, ses membres en partie assassinés, en partie dispersés par les Mandchous aux quatre coins du pays ; le dernier empereur s'est pendu sur la colline derrière le palais de Pékin. le futur peintre a perdu sa famille, sa carrière, et enfin et surtout son nom, Zhu Ruoji.
Depuis, il en a pris plein d'autres...
Avec son grand frère, il s'est réfugié dans la sécurité relative d'un monastère bouddhiste, pour devenir moine de la secte zen. Mais c'était un garçon sociable qui aimait la vie, étranger à toutes sortes d'ascétisme.
Il disait de lui-même : "l'enseignement ne me parle guère, je ne fais point de quête, je peins et je vends des images".

C'était un drôle de moine.
Il rencontrait sa grande expérience intérieure et son satori dans des paysages à l'encre de Chine, pour les restituer plus tard dans ce traité sur la peinture. Ces textes datent de la période où il se faisait appeler "moine Citrouille-Amère" (il s'agit en fait d'un fruit nommé margose, une sorte de concombre d'un jaune lumineux qui éclate à la maturité pour s'ouvrir sur des graines rouge sang aux multiples vertus, mais très amères). On ne connaît pas leur date exacte (autour de 1670 ?), ils ont été peut-être complétés au fur et à mesure, jusqu'à l'âge avancé de Shitao.
Mais quoi qu'il en soit, ils montrent bien l'état d'esprit de l'art chinois sous l'occupation mandchoue, qui a marqué ledit art de façon considérable.
Etrangement, ces changements étaient très positifs, surtout en ce qui concerne la libre expression artistique et la calligraphie.
Chassés des larges boulevards menant directement à la carrière prévue, les intellectuels chinois étaient forcés de construire de nouveaux chemins là où il n'y en avait pas, ou réparer ceux qui étaient effacés par des années d'oubli. En quittant les codes de la tradition confucianiste, ils se tournent vers le "naturalisme" taoïste et vers l'expérience intérieure du zen. La peinture devient vivante. Ils peuvent délaisser les impératifs imposés de la beauté au profit de la recherche de l'ordre cosmique et de leur propre place dans cet ordre. L'un de ces éternels "retours aux sources", en somme.
Et parmi ces vagabonds cosmiques était aussi Shitao, dont les paysages sont aujourd'hui prisés dans les galeries du monde entier (et que je ne découvre que maintenant, ce qui ne fait que confirmer les dires de la Vénérable Citrouille que la vie est un apprentissage sans fin).

Ces "propos" sont à la fois spirituels et très techniques, même si de nos jours, nous sommes habitués à une toute autre sorte de "manuels" (de préférence illustrés, dont le précurseur est le célèbre Hokusai). La question de la méthode est presque aussi ancienne que l'art lui-même, et pourtant, elle n'a jamais perdu de son actualité. La recherche de la méthode sera toujours "moderne", car même le plus grand des dons ne dispense pas l'artiste du devoir de maîtriser sa technique et de chercher à l'améliorer en permanence. le peintre et moine Shitao aimait par-dessus tout la liberté d'expression et la suprématie des "naturellement doués", mais il n'oublie jamais de rappeler que "la Nature offre à l'homme seulement autant de talent qu'il est prêt à accepter, préparé à cela par son éducation et par sa culture". Il faut dire que sa propre expérience esthétique a grandi sur le terreau frais et particulièrement fertile d'une grande tradition poétique et picturale, sinon elle ne pourrait pas exister.

Le livre contient 18 courts textes divisés en cercles thématiques, et il est accompagné d'un commentaire fourni et formidablement instructif de Simon Leys, pour ceux qui veulent aller plus loin dans la compréhension de la philosophie et des procédés de l'art Made in China sous la dynastie Qing.
5/5, davantage pour cet ensemble réussi que pour le texte seul. Pour paraphraser ce cher moine, lui-même représente le Pinceau, tandis que le traducteur Leys est l'Encre... et grâce à la parfaite harmonie des deux, le livre peut apporter au lecteur le satori espéré.
Commenter  J’apprécie          7820
Incontestablement un ouvrage majeur sur l'art, décrit comme une quête spirituelle, l'artiste cherchant à transcrire au pinceau son ravissement du monde inspiré par la pensée philosophique taoïste, confucéenne et bouddhiste.
Ce traité, plus que des conseils, délivre au peintre (mais aussi au poète) de véritables préceptes pour libérer sa puissance créatrice et trouver les clefs de sa voie intérieure.
Shitao nous enseigne comme Da Vinci que "la simplicité est la sophistication suprême" et comme Picasso qu'il faut "savoir dessiner comme un enfant" en s'affranchissant des règles.
L'excellence de l'artiste, c'est ce qu'il théorise comme « L'Unique Trait de Pinceau » : un pinceau auquel l'esprit apprend à traduire la beauté des paysages, une propre perception libérée du carcan des normes qu'il faut bien maîtriser pour mieux s'en affranchir, un poignet souple et maîtrisé pour traduire la vision de l'artiste, une âme de la nature dont l'artiste doit s'imprégner pour la restituer dans son oeuvre.
"De la pointe de son pinceau habile, il ne lui reste plus qu'à faire parler le monde…".
Indispensable pour appréhender l'art pictural traditionnel chinois, le haiku ou son chemin intérieur vers l'inspiration créatrice !


Commenter  J’apprécie          100
Cité par Fabienne Verdier, dans Passagère du Silence, je voulais voir par moi-même quel était cet ouvrage, référence parmi les références, susceptible d'ouvrir l'esprit aux secrets de l'art pictural chinois. Derrière ce pseudonyme "citrouille amère" se cache le fameux Shitao, peintre chinois ayant vécu sous la dynastie Qing.
Une lecture ardue, mais très intéressante, qui nécessiterait dans le même temps une initiation aux techniques de la peinture chinoise afin de mieux en saisir les subtilités.
Commenter  J’apprécie          110
Véritable traité de l'art pictural chinois, cette synthèse historique écrite par Shitao, vers 1720, est d'une concision qui en fait, autant qu'un art de peindre, une voie spirituelle (tant, d'ailleurs, sont liés recherche spirituelle et art); principes qui peuvent tout aussi bien s'appliquer à l'écriture poétique... le travail de traduction et de présentation de Pierre Ryckmans, alias Simon Leys, sont admirables; les notes, indispensables et passionnantes, sont en elles-mêmes une véritable introduction à la philosophie chinoise, notamment taoïste. Bref, un livre de toute première importance.
Commenter  J’apprécie          80
Un classique de la littérature chinois sur la calligraphie et la peinture chinoise. Cette édition est très appréciable car le texte de base en soi est très court, mais il est suivi par de longues explications à la fin de chaque chapitre qui permettent de mieux appréhender l'esthétique de'cet art et de s'en imprégner.
Il n'a pas besoin d'être lu d'une traite, bien au contraire, on peut tout à fait lire un chapitre et le laisser de côté pendant quelque semaines.
C'est une sorte de livre de chevet ou de guide lorsqu'on se lance dans la calligraphie.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
L'encre, en imprégnant le pinceau, doit le doter d'aisance ; le pinceau, en utilisant l'encre, doit la douer d'esprit. L'aisance de l'encre est une question de formation technique ; l'esprit du pinceau est une question de vie.
"Avoir l'encre mais pas le pinceau" veut dire que l'on est investi d'aisance que donne la formation technique, mais que l'on est incapable de donner libre cours à l'esprit de la vie. "Avoir le pinceau mais pas l'encre veut dire que l'on est réceptif à l'esprit de la vie, mais sans cependant pouvoir introduire les métamorphoses que donne l'aisance de la formation technique.
Commenter  J’apprécie          378
Le monde ne s'en tient pas à une seule méthode, ni la Nature à un seul don. Ceci n'est pas seulement manifeste en peinture, mais aussi en calligraphie. Bien que la peinture et la calligraphie se présentent concrètement comme deux disciplines différentes, leur accomplissement n'en est pas moins de même essence.
L'Unique Trait du Pinceau est la racine et l'origine première de la calligraphie et de la peinture.
Commenter  J’apprécie          4413
Tout ce qui possède des règles constantes doit nécessairement avoir aussi des modalités variables. S'il y a règle, il faut qu'il y ait changement. Partant de la connaissance des constantes, on peut s'appliquer à modifier les variables; du moment que l'on sait la règle, il faut s'appliquer à transformer.
Commenter  J’apprécie          100
Par le moyen de l'unique trait de Pinceau, l'homme peut restituer en miniature une entité plus grande sans rien perdre : du moment que l'esprit s'en forme une vision claire (yiming), le pinceau ira jusqu'à la racine des choses
Commenter  J’apprécie          90
En fait, les dons qui nous viennent des sphères les plus plus inaccessibles ne se réalisent que dans le concret le plus proche, et il faut d'abord connaître l'immédiat pour pouvoir atteindre le lointain.
Commenter  J’apprécie          80

Videos de Shitao (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Shitao
Présentation du peintre chinois Shitao - 1ère partie
>La peinture et les peintures>Peinture : philosophie et théorie>éléments d'appréciation, critique (20)
autres livres classés : chineVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Shitao (1) Voir plus

Lecteurs (86) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1076 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..