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EAN : 9782359051421
200 pages
Ecriture (05/02/2014)
3.6/5   62 notes
Résumé :
Les habitants d'un village situé à l'orée d'une immense forêt mènent une vie simple, rythmée par les saisons. Un jour, l'un d'eux découvre dans un champ une corde qui s'enfonce dans les bois. Comment est-elle apparue ? Où mène-t-elle ?Délaissant leurs familles, les hommes décident de la suivre. D'abord accueillante, la forêt devient peu à peu menaçante, hostile. Les villageois s'obstinent pourtant, quitte à manque le début de la récolte et à courir au-devant du dang... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. De fait, celle qui ouvre le roman de Stefan aus dem Siepen est d'une simplicité déconcertante : dans un passé indéterminé, ni tout à fait médiéval ni tout à fait moderne, un village est établi à l'orée d'une immense forêt, petit monde bien ordonné et sans autre souci que celui des jours qui passent. Un jour, on découvre une corde serpentant dans l'herbe d'un pré et qui se perd parmi les ombres de la forêt. On tire vainement dessus : quelque chose la retient. C'en est dès lors fini de la quiétude de ces villageois : obsédés par cette corde, il leur faut découvrir l'origine de son mystère.
Le récit épouse délibérément la forme du conte, et on pense inévitablement aux frères Grimm pour ses influences. Le tableau de cette forêt profonde, les énigmes qui s'y dissimulent et les loups qui la hantent : tout renvoie le lecteur à de lointaines et délicieuses inquiétudes d'enfance. Quant au personnage de l'instituteur Rauk, qui mène la troupe des paysans au son aigrelet de sa flûte, il semble sorti de la célèbre ballade de Goethe, le Preneur de rats. Bref, il y a ici une évidente profusion de références, que l'auteur s'amuse à mettre en scène dans une langue claire et alerte mais sans envolées lyriques : la narration se veut d'abord efficace. Pour autant, elle ne se contente pas trop sagement de la ligne droite que suggère la corde : on s'intéresse à l'expédition mais aussi à ceux qui rebroussent chemin, et surtout à ceux qui sont restés au village, et qui désespèrent bientôt de jamais revoir les absents.
Très vite se pose la sempiternelle question, l'éternel point Godwin de la littérature allemande contemporaine : cette fable est-elle ou non une parabole sur le nazisme ? Les extraits de presse que reproduit la quatrième de couverture et ceux que j'ai pu trouver ici ou là n'en font pas mention. L'auteur lui-même l'a à moitié démenti. En ce qui me concerne, pourtant, j'ai été frappé de certains motifs qui courent en filigrane sous le récit. Il est inutile de chercher ici un tableau du nazisme en tant que système totalitaire. Ce qui intéresse manifestement l'auteur, c'est plutôt la racine de tous les fascismes, à savoir la perversion d'un groupe d'individus frustes par un chef charismatique : Rauk ne séduit en effet les paysans que pour mieux les entraîner. Il est d'abord le Verführer (le séducteur, au sens de corrupteur), avant de devenir explicitement le guide (le Führer) de l'expédition. Rauk, de plus, n'est qu'un nabot malingre, mais dont l'art oratoire recèle une puissance cachée. Il se défait de ceux qui contestent son pouvoir et subjugue les autres, au point de transformer ces braves paysans en pillards aventuriers qui n'ont plus ni feu ni lieu. Oubliés, les femmes, les enfants, les travaux de leurs champs, et toute morale : il n'est plus question que de poursuivre la quête, aveuglément, sous l'aiguillon de leur chef fanatique, et sans retour possible. Il leur faudra continuer coûte que coûte, marcher encore et encore, aller toujours plus loin dans l'inconnu et dans l'horreur, ainsi que le chantaient en leur temps les Jeunesses Hitlériennes : « Wir werden weiter marschieren ». Et quand leur monde tombe en ruines et que le mythe qui les avait enchaînés s'effondre, il ne reste plus de place que pour la violence et la cruauté de l'épilogue.
Une fable intelligente sur le cynisme des chefs, le caractère meurtrier de leurs illuminations, et sur la soumission consentante de l'individu. C'était là quelques-uns des ressorts originels du nazisme, les plus universels sans doute, et je crois qu'il est plus que jamais utile de lire ce genre de texte aujourd'hui.
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Qu'est-ce qui peut bien pousser des paysans d'un hameau isolé à abandonner la veille des moissons femmes, enfants, champs au risque de mettre en péril les récoltes ? Une guerre ? Une invasion ? Nabilla ? Rien de tout ça pour Stefan Aus Dem Siepen qui a plutôt imaginé une corde qui « s'étirait sur sept ou huit pas dans la prairie, jusqu'à la lisière de la forêt où elle disparaissait entre les troncs, dans les fourrées ».


Un objet aussi anodin qu'une corde va bouleverser la quiétude d'un village jusque-là à l'abri des aléas, une communauté rurale séculaire appartenant à un temps où on chassait avec des flèches et observait le ciel pour décider du moment de la moisson.
Pourquoi ? Tout simplement parce que les villageois ont décidé de suivre cette corde qui se prolonge dans cette forêt noire bleutée dans laquelle ils n'ont osé que trop rarement s'y aventurer.
Cette expédition qui réunit tous les hommes de la communauté et prévue le temps d'une journée va s'éterniser, enchaîner les hommes pendant des jours jusqu'à un stade psychique et éthique qu'aucun n'aurait atteint dans ses occupations quotidiennes…


Quel roman étrange que cette fiction qui oscille entre conte, légende, roman à suspense mâtiné de psychologie sociale. C'est un récit sans grande envergure mais qui exerce un pouvoir captivant d'un effet comparable à cette corde sur les villageois. On ne peut pas lâcher le bouquin.
Avec une écriture qui utilise à merveille le pouvoir inquiétant de la forêt sombre et primitive, un style qui donne un corps et une âme à la nature, aux silhouettes noires des arbres, Stefan Aus Dem Siepen a su créer un roman d'ambiance propice à une impression d'inquiétude diffuse, un sentiment de menace vague. Avec des paysans sensibles aux manifestations de la nature, « à l'écoute des bruits qui [emplissent] l'obscurité », l'auteur articule un suspense convaincant.
Il aurait pu nous épargner quelques tics d'écriture privant le lecteur de son pouvoir d'imagination en interprétant un peu trop souvent les attitudes et les évènements. Malgré tout, il parvient à rendre l'absurde inquiétant, le prévisible dangereux.

Cette tension enveloppante serait sans intérêt si elle ne mettait pas l'humanité des hommes à rude épreuve. L'énigme de la corde, quelle que soit l'issue de cette aventure, a vraisemblablement pour ambition de mettre en lumière la "corruptibilité" des hommes. de simples paysans pondérés et méfiants, Stefan Aus Dem Siepen en fait des hommes pulsionnels, plus sensible au discours séduisant d'un instit habile avec une flûte de pan qu'à la raison…des hommes qui abandonnent tout pour obéir à un orgueil aveugle et satisfaire des instincts primaires, allant jusqu'à repousser la ligne d'horizon des scrupules et du mal.
Implacable progression qui laisse planer un sentiment de jusqu'au-boutisme, et imaginer le pire dans la violence et la sauvagerie. Implacable conclusion qui montre la puissance de l'effet de masse ou comment le comportement d'un individu est différent de celui qu'il aurait s'il était seul dans la même situation. le sentiment de responsabilité qui retient les individus disparaît et ouvre la porte à toutes folies …
Roman curieux, efficace, fascinant.


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J'enchaîne les contes, que se passe-t-il ? Jamais deux sans trois !
Mis en évidence à la médiathèque, la couleur automnale de la couverture a fait jouer la corde sensible, un bon moyen de resserrer les liens, la forêt en avril ne se découvre pas d'un fil, oui, je vous entends, la ficelle est un peu grosse.

Je n'avais pas été emballé par la série sur Arte, mais envie de découvrir l'original, pour savoir s'il tient la corde. Eh bien, j'ai été aspiré, non pas par le câble, le visionnement était en clair, mais par la qualité de l'écriture.
Comme pour le Parfum de Süsskind, j'aurais aimé le lire en allemand, mais la traduction de Jean-Marie Argelès est plus que suffisante, elle est même sublime.
Das Seil se lit très bien en français, se relit devrais-je écrire, car je fis plusieurs retours en arrière bien qu'il n'y eût point de flash-back, ou plutôt de Rückblende, pour rester dans la langue d'origine.

Mieux vaut court et attractif que long et soporifique, ce petit conte m'a occupé plusieurs jours. Les descriptions de la nature ambiante m'ont régalé, (voir dans les citations), j'avais l'impression de faire partie de l'histoire et j'ai cheminé avec les personnages le long de la corde, car, comme eux, je voulais savoir ce qu'il y avait au bout.
Comme pour Jack et le haricot magique, c'est un voyage sans fin, une quête qui s'avérera absurde, hors de l'espace et du temps, car la corde s'étire à l'infini.
Un petit village isolé où les habitants mènent une vie tranquille et prévisible, rythmée par les saisons et les travaux des champs. Mais un soir, l'un d'entre eux fait une balade et trouve une corde qui sort de terre et mène dans la proche forêt.
Telle est l'idée de départ que Stefan aus dem Siepen a imaginée pour débuter son récit. Et me voilà moi aussi embarqué comme dans un conte de Grimm, une histoire extraordinaire avec une sombre forêt interminable peuplée de loups féroces où les personnages vont devoir résoudre une énigme.

L'auteur réussit à saisir certains traits du fonctionnement de la société.
Un village se transforme et abandonne sa routine pour essayer de comprendre un mystère, les gens quittent leur existence réglée de villageois pour un but furtif, pour un peu de gloire, la curiosité l'emporte sur la raison.
Persuadés qu'ils vivent une aventure exaltante dont ils devraient rapporter quelque chose d'exceptionnel, ils poursuivent jusqu'au b(o)ut pour ne pas revenir bredouilles et finalement sont sur la corde raide, la corde de la discorde.
« La corde est longue ! Croyez-moi ! J'ai fait un bon bout de chemin, mais je n'ai pas trouvé l'autre extrémité ! »

L'auteur alterne deux points de vue, celui de ceux qui sont restés à la maison, essentiellement les femmes et les enfants, et celui des participants à l'expédition, dont deux meneurs, un paysan et l'instituteur.
L'ambiance devient rapidement pesante, la désillusion des hommes devant cette corde qui n'en finit pas, les femmes en attente passive, la moisson qui devrait être faite, la fin d'un cycle agraire associé à la mort et à la résurrection, fauche, récolte, labour, semis.
Un silence s'est installé au village avec l'absence des hommes qui se prolonge.
Que faire ? Reprendre le cours de l'existence en attendant qu'ils reviennent ? On se surveille sans qu'il y ait de chef.
Les mères racontent à leurs enfants des histoires terrifiantes de loups et de chasseurs ramenés de la forêt morts ou mis à mal jusqu'à la fin de leurs jours. Une peur distillée au compte-gouttes s'installe peu à peu.
Les aventuriers traversent un village mort, amas d'habitations sans vie, une alerte pour les inciter à rebrousser chemin, à retrouver leurs familles et à rentrer à temps pour la moisson.
Trop tard ? Ils sont usés jusqu'à la corde, à force d'avoir trop tiré dessus.

Ce petit roman, dont je ne vous dévoilerai pas la fin, écrit à la manière d'un conte, invite à la réflexion sur l'être humain, ses motivations, ses obstinations.
Incapable d'apprendre de ses erreurs, la corde au cou, il est contraint à se répéter.
L'absurdité du cycle de la vie, je vous l'accorde.






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Je n'ai pas lu de littérature allemande depuis quelques temps. Aujourd'hui je vous propose un roman qui a connu un vrai succès en Allemagne.
Un roman qui m'a totalement envoûté et que j'ai lu d'une traite, il faut dire qu'il est court (150 pages).

Dans un village en bordure d'une forêt profonde, à la veille des moissons, la découverte par Bernhardt d'une corde dont il n'a jamais vu la pareille. le lendemain soumis à la curiosité du village il tente de voir d'où vient la corde mais sans succès .
« La corde est longue ! croyez-moi ! j'ai fait un bon bout de chemin, mais je n'ai pas trouvé l'autre extrémité ».

L'envie de savoir gagne peu à peu le village, oubliant les moissons les hommes décident de pénétrer dans la forêt pour en avoir le coeur net.
« Plus d'une douzaine d'hommes, sac plein de provisions sur l'épaule, couteau de chasse et outre d'eau en cuir à la taille,étaient rassemblés, impatients, prêts au départ, étreignant leurs femmes d'un geste distrait. »
La durée de cette incursion dans la forêt prévue pour la journée, passe à deux puis trois journées.
Les femmes inquiètent guettent le retour des hommes à l'orée de la forêt
« Une lune gris pâle se leva au-dessus des arbres, indifférente. Sachant pourtant que leurs maris ne reviendraient plus ce soir-là, les femmes trouvèrent réconfortant de patienter encore un petit moment ».

Une communauté villageoise en proie à l'obsession, à une curiosité irrépressible qui lui fait tout oublier. Un groupe sensible à une parole habile, séductrice, véhiculée par l'instituteur Rauk qui a trouvé là le plaisir de prendre une revanche sur des paysans plus ou moins incultes. C'est un peu le joueur de flûte du conte.
Le groupe doit trouver assez vite de quoi se nourrir et est en proie aux tentations communes à tous les hommes : rancune, colère, envie. La violence n'est pas loin. Certains vont choisir de faire demi-tour.

Un roman très habile qui porte sur les obsessions humaines, sur « l'avidité et la folie des hommes »
Impossible de fermer le livre, on est comme le groupe obsédé par cette corde, curieux nous aussi de la suite et inquiet que le retour à la normalité soit impossible.
Interroger sur un parallèle avec la montée du nazisme l'auteur dit non ce n'est pas ce qu'il a voulu même si certains mécanismes à l'oeuvre dans le roman aient pu être ceux utilisés par les nazis.
La traduction est parfaite et fait ressortir une belle langue, riche, fine, expressive, recherchée.

Une belle parabole que je vous invite à découvrir.


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Un roman qui ressemble à un conte ce qui m'a beaucoup plu. Un jour, un villageois trouve une corde qui s'enfonce dans la forêt. Hier, elle n'était pas là. Elle semble si longue qu'un groupe d'habitants de ce village isolé décide de la suivre. Ils devaient revenir pour midi et se retrouvent toujours en forêt après plusieurs jours. Nul n'arrive à se résoudre à rebrousser chemin, le groupe pèse lourd et cette corde rend fou.
Ils en oublient femmes, enfants et la moisson. Ou plutôt, ils se cherchent des excuses pour continuer leur périple.... que diraient les autres s'ils revenaient sans réponse?
La corde est un conte sur l'envie d'obtenir toujours plus et jusqu'où la quête de toujours vouloir mieux peut mener.

Un roman singulier à tenter pour changer de style de lecture. Il ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire jusqu'à aujourd'hui.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
C'est seulement lorsque la flûte se taisait qu'ils redevenaient attentifs, constatant avec un étonnement rétrospectif qu'à l'instant même ils se sentaient bien et que la cause de cet état avait disparu; dès que la mélodie reprenait, un infime sourire éclairait brièvement leur visage et ils étaient heureux de se laisser à nouveau enfermer dans un cocon sonore.
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Le hurlement des loups se fit de nouveau entendre, s'étirant dans le soir, sinistre et incessant, parfois moins fort, s'abaissant jusqu'à n'être plus qu'un son ténu, presque geignard, un simple gémissement bientôt, avant d'enfler subitement, plainte modulée à pleine voix, qui, portant loin et perçant l'obscurité, parvenait par moments à recouvrir totalement les craquements du feu et le bruit du vent dans les arbres.
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Sur l'étendue de terre parcourue de stries blanchâtres, les épis, tordus en tous sens, étaient couchés sur le sol; on aurait dit un lac fouetté par le vent, couvert d'une infinité de vagues et de remous, qui se serait figé au plus fort de la tempête.
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Les blés sont comme le bonheur […]. Quand le bonheur devient trop grand, le malheur n’est jamais loin.
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Le soleil qui déclinait entre les troncs nimbait de rose sa silhouette, lui conférant une aura de dignité et de respectabilité dont elle était totalement dépourvue sous un éclairage normal.
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