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EAN : 9782283025222
110 pages
Buchet-Chastel (18/08/2011)
3.89/5   66 notes
Résumé :
Un jeune homme reprend conscience. Autour de lui gisent ses camarades d'infortune. L'histoire se passe de nos jours, dans un pays qui n'est pas nommé.
A quelques mètres, une voiture, une Skoda - elle aussi victime du raid aérien. A l'intérieur, un bébé respire encore. Après quelques hésitations, l'homme prend l'enfant dans ses bras et part sur la route.
Notre monde et sa violence. Mais aussi, le lien qui se crée entre un jeune homme et un enfant. La be... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 66 notes
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Livre choc, comme on en lit rarement ! Pour ma part je n'avais pas été marquée par un livre de cette façon depuis La route de McCarthy. Âme sensible s'abstenir !

Rien de gore ou de véritablement cru pourtant mais une puissance évocatrice qui nous plonge dans une ambiance lourde (et c'est bien pire) qui reflète toute la stupidité d'une guerre et qui suinte le désespoir.

Enfin non, pas tant le désespoir que l'absence d'espoir. Un monde où l'absurdité de l'homme a tué l'espoir, remplacé par la résignation.
Une atmosphère assez étouffante quoique brève et entrecoupée de quelques rares moments clés, de petits répits.
En début de roman tout d'abord quand le militaire décide sur une impulsion de prendre le bébé sous son aile, un geste d'humanité comme un phare dans la nuit qui guide à la fois le lecteur et le personnage.
Le refuge à la ferme ensuite, où l'entraide et le partage laissent croire, oserai-je dire espérer, une rédemption, une paix inaccessible.

Mais Sillig est rude et la guerre cruelle, il ne nous épargne rien et nous impose sa réalité à la fois violente et absurde, tout comme cette fin après laquelle on peine à reprendre son souffle...

Un roman court mais puissant et marquant sur la guerre, ses dommages collatéraux bien souvent invisibles et sa profonde absurdité, son non-sens à l'égard de l'espoir et de l'humain qui lors d'un conflit pèsent bien peu dans la balance. Une réalité crue, posée là sans solution ni jugement. L'expression d'une souffrance anonyme et bien trop réaliste plus qu'un pessimisme...
À lire, le coeur bien accroché.
Lien : http://www.perdreuneplume.co..
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Dans une époque et un pays indéterminés, un homme est allongé sur le sol caillouteux, au bord d'une route. Il reprend conscience et découvre ses camarades, morts.

"Après le coucher du soleil, le bruit des cigales couvre tout. La chaleur, au lieu de descendre, écrasante, s'inverse rapidement et monte du sol, étouffante. Partout, à perte de vue, c'est la garrigue ; de la bruyère, rase mais dense, parsemée d'herbes aromatiques sauvages et vivaces ; quelques arbres, petits et trapus, essentiellement des arbousiers ou des chênes de différentes espèces. Il y a une route. C'est une piste de terre battue. Stjepan est juste au-dessus, étendu de tout son long sur le ventre. Dans un geste apparemment machinal, sa main se promène sur le sommet de son crâne. Ses cheveux et sa barbe sont courts, le barbier de la troupe les a récemment rasés. Ses doigts suivent un sillon assez long, large de presque un centimètre, mou, humide et chaud, mais parfaitement indolore. Ensuite ils descendent vers le visage et s'arrêtent sur le nez. Mais Stjepan ne sent rien, son odorat est encore tout envahi par le parfum du serpolet. Ce parfum domine les odeurs, comme un chant des cigales domine les sons. Stjepan ouvre les yeux. Il voit rouge écarlate, sur ses doigts. C'est du sang. Il se met mollement sur le dos. Il fixe le ciel, maintenant plus bleu. Après un instant de flottement, il s'assied et regarde autour de lui."

A quelques mètres, dans une voiture, une Skoda, d'autres cadavres. Et aussi un bébé, encore agrippé au sein de sa mère, bien vivant, lui.

Stjepan se défait de sa tenue militaire qu'il échange contre des vêtements civils trouvés dans le coffre du véhicule et s'éloigne. Mais sa conscience ne peut pas le laisser abandonner le bébé et il revient sur ses pas pour s'emparer de l'enfant, avant de poursuivre sa route, sous le soleil de ce pays en guerre.

" Stjepan s'examine un instant dans le rétroviseur extérieur, miraculeusement épargné, et part. Aussitôt, dans sa tête, une petite voix se met à parler : « Si le bébé s'était mis à pleurer, qu'est-ce que tu aurais fait ? » Il accélère un peu le pas mais la voix revient à la charge : « Et si le bébé s'était mis à pleurer ? - Mais il ne pleurait pas. - D'accord, mais si ? - Mais il souriait comme un bienheureux. - Combien de temps ça peut tenir un bébé si jeune ? - Quand les soldats arriveront, ils s'en chargeront. - C'est ça ! C'est leur job pendant que tu y es ! - Non, ce n'est pas leur job. Mais comme je suis moi-même militaire, ce n'est pas mon job non plus. » Stjepan regarde sa chemise blanche. Il n'en a jamais eu de si belle, faut dire qu'il ne s'habillait pas le dimanche, préférant flâner en training. Maintenant il est en chemise blanche, pas en uniforme il n'est plus un militaire, il est un civil. « Et les civils, est-ce que ça s'occupe de bébés ? » La voix est insolente, la réponse est simple. Stjepan sent que son élan est cassé, qu'il en va plus pouvoir avancer. Alors il retourne encore à la voiture. Il évite de regarder les jambes de la jeune mère, parce qu'elles sont belles, que c'est du gâchis parce qu'elle est morte. Il se penche sur l'enfant et le prend avec une délicatesse infinie, lui qui n'a jamais touché de bébé, ou alors juste pour s'amuser lors du baptême du fils d'une cousine. À côté, il y a un sac, heureusement avec une courroie, qui contient des affaires de bébé. Il a été épargné, même pas une giclée de sang. C'est des trucs qui lui seront nécessaires. C'est pas pour lui, c'est pour l'enfant. Il ne passe sur l'épaule, la veste coincée dessous. Il reprend l'enfant, toujours maladroitement mais très doucement. L'enfant ouvre un oeil. Stjepan lui dit : « Salut, toi. » Évidemment, l'enfant ne répond pas. Stjepan estime que le bébé a trois ou quatre semaines, mais il n'y connaît absolument rien. « Et tu t'appelles comment ? » Stjepan ne sait même pas si c'est un garçon ou une fille ce n'est pas le moment de regarder. Cette fois, il part. Mais il réfléchit à ce problème : garçon ou fille. La voiture qu'ils ont abandonnée, ça lui revient tout à coup, c'était dune Skoda. Stjepan n'est pas certain que Skoda soit un vrai prénom, mais ça sonne comme. Et ça peut aller aussi bien pour un garçon que pour une fille. « Salut Skoda ! »

Et comme dans tous les pays en guerre du monde, la violence rode et reprend ses droits, puisque nulle loi que celle du plus fort ne règne. Stjepan va croiser le chemin d'un policier qui se livrera à un chantage infâme. Puis celle d'une vieille femme qui le ramènera, lui et l'enfant, dans sa ferme au milieu de nulle part, au milieu des siens.

Mais chacun est seul dans le malheur et il repartira, ne gardant que cet enfant qu'il s'efforce de nourrir et de soigner, de protéger de la folie des hommes, de l'horreur et de l'absurdité. Il veut que le petit grandisse, et atteigne son âge, il veut en faire son fils, et c'est pourquoi il continue son chemin, espérant joindre la ville la plus proche, où peut-être la vie sera meilleure, où ils auront un espoir de sortir de la guerre.

" Skoda n'a pas peur, il dort tranquillement dans sa main. Il peut dormir. Stjepan le ramène contre son flanc. La chair de ma chair. Il se remet à tourner. Il dit : "Nous resterons ensemble." Ensemble. Stjepan ignore comment, mais ils resteront ensemble jusqu'à ce que Skoda ait l'âge de Stjepan - maintenant, là, il sent qu'il n'est plus un gamin, que pour lui tout ça est terminé. Jusqu'à ce que Skoda ait son âge. Dans un monde qui sera peut-être un peu moins fou. Tu verras, petite hirondelle."

En quelques pages, tout est dit. La violence et la mort, mais aussi l'amour, la confiance, la tendresse. Olivier Sillig, dans un style tout à la fois précis, simple, épuré, nous transmet des émotions qui bouleversent jusqu'au fond du coeur. Pas un mot de trop dans ce texte, les silences parlent d'eux-mêmes, de même que la chaleur ou le chant des grillons. Les hommes qu'on rencontre sont avares de paroles, les regards suffisent, qui en ont déjà trop vu. On se comprend face à la barbarie, alors on se tait. Que dire, de toute façon ?

Le corps à corps entre ce nouveau-né et ce jeune homme est d'une intensité troublante. Skoda révèle Stjepan à lui-même, le fait grandir par sa présence. le jeune homme devient homme, mais aussi mère.

Voici une histoire intemporelle qui ne pourra pas ne pas vous toucher, tant l'émotion affleure au détour de chaque mot, de chaque phrase. Ce texte est de toute beauté, et même si vous refermerez l'ouvrage avec une grosse boule au fond de la gorge et du ventre, je vous le dis, lisez ce petit livre !

Lien : http://liliba.canalblog.com/..
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Ce court roman est pour le moins dérangeant! Il s'ouvre sur des odeurs de serpolet et de garrigue, tandis que se dessine peu à peu le tableau de corps inertes et ensanglantés. Stjepan, jeune militaire de 20 ans, sort d'un moment d'évanouissement et observe ce théâtre d'horreur avec une distance qui déstabilise. Les corps sont décrits dans leurs meurtrissures, sans le moindre affect dans le regard, comme un lointain spectacle. Cet homme va découvrir un nourrisson endormi, encore accroché au sein de sa mère morte. Et c'est une marche vers la survie qui commence. Drôle d'histoire, où les personnages sont à la fois des bons et des méchants, comme si l'humanité ne savait pas trancher entre les deux. On aime quand il faut aimer, et dans la foulée on tue parce qu'il faut tuer. le récit est court, il ne laisse donc pas de répit, nous emporte vers une fin tout aussi radicale, mue par une sorte de logique exigée par ce temps de guerre inexorable. C'est efficace, ça vous travaille au corps et à l'âme, ça laisse une trace longtemps après.
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Un homme, Stjepan est à terre avec quatre de ses confrères. On apprend au fil du texte qu'il est militaire et qu'une bombe a sans doute explosé à proximité puisqu'il est le seul rescapé d'un raid aérien. Lorsqu'il se relève, il trouve une voiture avoisinante dont les passagers sont également inertes, sans doute victimes de la même bombe. Un bébé, bien vivant, est toutefois en train de téter sur le siège arrière de cette Skoda accidentée. C'est ainsi qu'il est baptisé du nom de la marque automobile par notre protagoniste. C'est le début d'un itinéraire où les deux êtres vont trouver refuge d'abord chez un douanier puis dans une famille de femmes où la menace continue de planer. C'est complètement loufoque, un peu désespéré, mais qu'est-ce que c'est c'est bien écrit et "léger" dans la forme. On se croirait dans un remake de "La route" de Cormac McCarthy où les éléments semblent se déchainer sur les hommes mais où l'espoir d'un renouveau perdure. La comparaison est, je crois on ne peut plus flatteuse mais ô combien véridique car là aussi il s'agit de deux personnages : un tout jeune enfant et un adulte un peu cabossé par les blessures de guerre.

J'ai trouvé l'écriture fine et sans fioritures, c'est tout à fait ce à quoi je m'attendais en pareille circonstance. Elle est même parfois dotée d'un certain humour même si le sujet peut paraitre grave voire dénué de toute dérision. En effet, la guerre est une toile de fond ainsi que la mort, que le néant mais le dimension solidaire de cette nouvelle famille nous la rend touchante et atypique. le petit être qui vit, pleure et regarde rend les choses touchantes et bien réelles.

Un excellent roman qui se lit d'une traite !
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Dans un pays en guerre, « après le coucher du soleil », gît un jeune homme, un sillon de sang sur la tête. La vie semble s'être arrêtée dans cet espace-temps flou. Pourtant, Stjepan, c'est le prénom du jeune homme, se redresse et découvre, au milieu du chaos, une voiture sur une route de terre battue. Dans celle-ci, un bébé, miraculeusement vivant parmi des morts. Stjepan l'emporte avec lui sur la route. Vers quel horizon les mènera-t-elle ?

« Skoda » est un titre intriguant, qui interpelle le lecteur. Dans un pays en guerre, où Stjepan se réveille suite à un traumatisme qui a blessé son corps, sans doute aussi son âme, ce jeune homme de 20 ans a besoin de nommer ce qui l'entoure, peut-être pour se bâtir des repères dans ce pays en proie au chaos, à la violence, à l'absurdité. Créer de l'humain là où règne la mort, baptiser l'autre pour matérialiser la vie : dès qu'il voit le bébé, vivant parmi les morts, il le nomme. Recréer de l'humain également, là où l'humanité s'est perdue : au moment de quitter le « vilain douanier » qui l'a violenté, mais aussi, étrangement, secouru, Stjepan lui demande « comment vous vous appelez ? » (p. 41). Il obtiendra son prénom, comme une parcelle d'identité glanée dans la rencontre avec un autre qui lui rappelle « le petit père des peuples » : un clin d'oeil à Staline ?

Même si l'espace-temps n'est guère cadré dans ce roman, les thèmes abordés sont universels et rejoignent une humanité commune : l'auteur dépeint l'absurdité d'un pays en guerre dans lequel chacun cherche à survivre, à sa manière. le chaos et la violence sont rendus par des scènes parfois très réalistes et très crues, dans le choix des mots. Mais la forme même essaie de donner corps à cette violence : ainsi au moment de certains épisodes d'une rare violence, les paragraphes deviennent plus courts, l'espace entre chacun s'agrandit, donnant du souffle à la lecture : Stjepan peut ainsi se ressaisir, le lecteur également par contre coup, en témoigne le court paragraphe suivant :
« Mais oui, ça ira, Stjepan est dur à la tâche. La vieille lui apporte du vin. Il creuse trois trous distincts ; ici la terre est meuble » (p. 80.)
L'écriture d'Olivier Sillig est tout en retenue, en pudeur : malgré des rencontres qui le font souffrir, Stjepan avance, poursuit la route et le lecteur se demande constamment vers quel horizon elle le mènera, en compagnie du bébé, même si déjà, il pressent la conclusion qui avance.

Avec la guerre, l'auteur explore la question du sexe comme pulsion dont Stjepan est la cible au gré de ses rencontres. le lecteur s'attache à ce jeune homme qui chemine au long d'une route dont le début lui a offert un bébé. L'auteur montre, dans le choix de ses expressions, toute la tendresse que manifeste Stjepan pour le bébé. Une belle expression poétique montre ainsi la précaution que lui témoigne le jeune homme : « Quand il prend l'enfant dans ses bras, il le fait comme si c'était une clochette que, par jeu, il ne fallait pas laisser sonner » (p. 22-23). Mais en même temps, et c'est ce qui à mon sens rend Stjepan encore plus attachant parce qu'humain, il reste ambivalent à l'égard du bébé : à son contact, il ressent toute la fragilité de ce petit être, si vulnérable dans ses mains : « Il pourrait aussi l'attraper par le cou et l'envoyer s'écraser contre les rochers, comme on le fait avec les chatons des portées trop nombreuses » (p. 92). Il ressent ce pouvoir qu'il détient sur ce petit bout d'homme.

Dans ce court roman, le lait est présent, à la manière d'une parenthèse, au début et à la fin de la route, à l'image d'un élément nourricier, porteur de vie et d'espoir. le terme du chemin se dessine, peut-être de manière trop prévisible à mon goût. Un court roman, empli du souffle que laisse l'espace, entre brise paisible et ouragan dévastateur.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Stjepan s'examine un instant dans le rétroviseur extérieur, miraculeusement épargné, et part. Aussitôt, dans sa tête, une petite voix se met à parler : « Si le bébé s'était mis à pleurer, qu'est-ce que tu aurais fait ? » Il accélère un peu le pas mais la voix revient à la charge : « Et si le bébé s'était mis à pleurer ? - Mais il ne pleurait pas. - D'accord, mais si ? - Mais il souriait comme un bienheureux. - Combien de temps ça peut tenir un bébé si jeune ? - Quand les soldats arriveront, ils s'en chargeront. - C'est ça ! C'est leur job pendant que tu y es ! - Non, ce n'est pas leur job. Mais comme je suis moi-même militaire, ce n'est pas mon job non plus. » Stjepan regarde sa chemise blanche. Il n'en a jamais eu de si belle, faut dire qu'il ne s'habillait pas le dimanche, préférant flâner en training. Maintenant il est en chemise blanche, pas en uniforme il n'est plus un militaire, il est un civil. « Et les civils, est-ce que ça s'occupe de bébés ? » La voix est insolente, la réponse est simple. Stjepan sent que son élan est cassé, qu'il en va plus pouvoir avancer. Alors il retourne encore à la voiture. Il évite de regarder les jambes de la jeune mère, parce qu'elles sont belles, que c'est du gâchis parce qu'elle est morte. Il se penche sur l'enfant et le prend avec une délicatesse infinie, lui qui n'a jamais touché de bébé, ou alors juste pour s'amuser lors du baptême du fils d'une cousine. À côté, il y a un sac, heureusement avec une courroie, qui contient des affaires de bébé. Il a été épargné, même pas une giclée de sang. C'est des trucs qui lui seront nécessaires. C'est pas pour lui, c'est pour l'enfant. Il ne passe sur l'épaule, la veste coincée dessous. Il reprend l'enfant, toujours maladroitement mais très doucement. L'enfant ouvre un œil. Stjepan lui dit : « Salut, toi. » Évidemment, l'enfant ne répond pas. Stjepan estime que le bébé a trois ou quatre semaines, mais il n'y connaît absolument rien. « Et tu t'appelles comment ? » Stjepan ne sait même pas si c'est un garçon ou une fille ce n'est pas le moment de regarder. Cette fois, il part. Mais il réfléchit à ce problème : garçon ou fille. La voiture qu'ils ont abandonnée, ça lui revient tout à coup, c'était dune Skoda. Stjepan n'est pas certain que Skoda soit un vrai prénom, mais ça sonne comme. Et ça peut aller aussi bien pour un garçon que pour une fille. « Salut Skoda !
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Après le coucher du soleil, le bruit des cigales couvre tout. La chaleur, au lieu de descendre, écrasante, s'inverse rapidement et monte du sol, étouffante. Partout, à perte de vue, c'est la garrigue ; de la bruyère, rase mais dense, parsemée d'herbes aromatiques sauvages et vivaces ; quelques arbres, petits et trapus, essentiellement des arbousiers ou des chênes de différentes espèces. Il y a une route. C'est une piste de terre battue. Stjepan est juste au-dessus, étendu de tout son long sur le ventre. Dans un geste apparemment machinal, sa main se promène sur le sommet de son crâne. Ses cheveux et sa barbe sont courts, le barbier de la troupe les a récemment rasés. Ses doigts suivent un sillon assez long, large de presque un centimètre, mou, humide et chaud, mais parfaitement indolore. Ensuite ils descendent vers le visage et s’arrêtent sur le nez. Mais Stjepan ne sent rien, son odorat est encore tout envahi par le parfum du serpolet. Ce parfum domine les odeurs, comme un chant des cigales domine les sons. Stjepan ouvre les yeux. Il voit rouge écarlate, sur ses doigts. C’est du sang. Il se met mollement sur le dos. Il fixe le ciel, maintenant plus bleu. Après un instant de flottement, il s’assied et regarde autour de lui.
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Stjepan ne veut pas rester ici. Un instant, il songe qu'il devrait les enterrer.Les éléments lui dictent la réponse, le paysage, le sol dur. On ne croise pas la terre avec une kalachnikov. Des gens, ou l'armée, ou les milices passeront et s'en occuperont. Sinon ce sera les oiseaux. Pas les cigales, les cigales ne mangent pas de chair humaine. Stjepan ignore ce qu'elles mangent. Les cigales, on les entend tout le temps mais c'est rare qu'on les croise. On les côtoie sans les connaître, comme beaucoup de gens ou de groupes de gens même proches.
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Skoda n'a pas peur, il dort tranquillement dans sa main. Il peut dormir. Stjepan le ramène contre son flanc. La chair de ma chair. Il se remet à tourner. Il dit : "Nous resterons ensemble." Ensemble. Stjepan ignore comment, mais ils resteront ensemble jusqu'à ce que Skoda ait l'âge de Stjepan - maintenant, là, il sent qu'il n'est plus un gamin, que pour lui tout ça est terminé. Jusqu'à ce que Skoda ait son âge. Dans un monde qui sera peut-être un peu moins fou. Tu verras, petite hirondelle."
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"Ensemble. Stjepan ignore comment, mais ils resteront ensemble jusqu'à ce que Skoda ait l'âge de Stjepan - maintenant, là, il sent qu'il n'est plus un gamin, que pour lui tout çà c'est terminé. Jusqu'à ce que Skoda ait son âge. Dans un monde qui sera peut-être un peu moins fou.
Tu verras, petite hirondelle".

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Avec Estelle Faye, Charlotte Bousquet, Olivier Sillig, Agnès Marot Écoutez l'intégralité de la conférence sur : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2017-Vive-la-vie-Recits.html
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