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EAN : 9782253148807
186 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
4.03/5   98 notes
Résumé :
On était le 3 décembre et il pleuvait toujours. Le chiffre 3 se détachait, énorme, très noir, avec une sorte de gros ventre, sur le blanc cru du calendrier fixé à la droite de la caisse, contre la cloison en chêne sombre séparant le magasin de l’étalage. Il y avait exactement vingt jours, puisque cela avait eu lieu le 13 novembre encore un 3 obèse sur le calendrier , que la première vieille femme avait été assassinée, près de l’église Saint-Sauveur, à quelques pas d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Le roman s'ouvre sur un décor typique de Simenon : une ville portuaire sous la pluie fine d'hiver.
Cette ville, c'est La Rochelle, et un tueur de femmes y sévit.

Ce tueur c'est Monsieur Labbé, chapelier, on le sait dès le début du récit.

"Les fantômes du chapelier", n'est pas un roman policier, l'intérêt n'est pas de découvrir qui est l'assassin, ni comment on va le confondre. Dans ce roman dur, Simenon s'attache encore une fois à dépeindre une atmosphère, des personnages, un personnage en particulier : Labbé le chapelier étrangleur.


Le chapelier a un voisin, le tailleur Kachoudas, un arménien timide et effacé, qui plus que tout veut la tranquillité. Or, Kachoudas, sait que son voisin est l'assassin, Labbé ne l'ignore pas et, joue au chat et à la souris avec le petit tailleur…

Si vous n'avez pas vu l'excellente adaptation de Claude Chabrol avec Serrault et Aznavour (film que je vous recommande chaudement) vous ne connaissez pas tous les tenants et aboutissants du roman, ni son dénouement, je n'en dévoilerai pas davantage.

Sachez que ce roman "américain" de Simenon (il fut écrit en Arizona en 1948) est une vraie réussite, avec des personnages, Labbé en tête, forts et très bien dépeints.

Une lecture hautement recommandable !
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« On était le 8 décembre et il pleuvait toujours …[ ] …On entendait l'eau couler dans les gouttières ». Une ambiance typée Simenon. le ton est donné. Sortez les parapluies.

Un tueur rode. On se croirait au XIXème siècle, dans le quartier de Whitechapel, quand Jack l'Eventreur, certains soirs, quelques mois durant … la nuit, le froid, le brouillard, les ruelles étroites, enténébrées et désertes, les rondes de police ou de bénévoles, la longue lame du couteau, un éclat de lumière sur son tranchant, le sang dans le caniveau ...

« _ « On n'a jamais pris Jack l'Étrangleur et il s'est arrêté de tueur ». Cela fit plaisir à M. Labbé, qui n'y avait jamais pensé. »

Sauf qu'il est question ici de la Rochelle, dans l'immédiat après-guerre, peu après la Libération. Pas de prostituées éventrées, mais des vieilles dames, 5, bientôt 6 … et ce depuis vingt jours, étranglées à la corde à violoncelle, retrouvées au petit matin sur le pavé mouillé …

« Cela ne fit pas plus de bruit que, par exemple, un faisan qui s'envole d'une futaie »

Le roman est, semble t'il, intemporel ; pas tant dans le sens où il a plu, plait et plaira aux générations successives appelées à le découvrir que dans celui d'un ouvrage dont l'intrigue est longtemps difficile (délibérément ?) à situer dans le temps (XIXème ou XXème siècle ?). Simenon imprègne tant l'atmosphère rochelaise de ce Londres d'antan si emblématique du tueur en série qu'il est difficile de s'en détacher. Les recoins d'ombre propices aux agressions brutales, la brume rampante si semblable au Fog poisseux d'outre-manche. Il faudra une bonne brassée de pages pour, qu'enfin, de très maigres indices recadrent très ponctuellement l'action dans le temps : une lampe de poche dont l'utilisation devient subitement anachronique, « Quelques rares voitures passaient en faisant éclater des flaques d'eau. », le téléphone sur le zinc ou en cabine sur les trottoirs, un Prisunic, des allusions à 14-18 et à un passé glorieux d'aviateur au-dessus des tranchées … Peu à peu se recrée cette France des 50's entre traditionalisme de moeurs et modernité en attente.

Un huis-clos angoissant s'amorce à l'échelle de la petite ville provinciale, dans son centre ancien où les meurtres ont tous été commis. Arcades commerçantes ; habitants de toujours, dans l'entre soi pratique, hiérachique et jaloux, l'un n'ignorant rien de l'autre (ou presque) ; des échoppes (chapelier, tailleur …) ; des petits commerces alimentaires ; des cafés, celui des « Colonnes » par exemple, temple du bridge et de la belote, où habitués, notables, commerçants et maraichers se rejoignent, verres-ballon ou à liqueurs en bouts de doigts. le lieu est, pour certains, l'épicentre où il faut se montrer pour compter socialement ; pour d'autres, celui convivial, où le plaisir de retrouver d'anciens camarades de classe prévaut.

L'un deux : Léon Labbé, le chapelier de la rue Minage, la soixantaine, natif de la cité. Une épouse malade qui ne sort plus de chez elle et dont il est seul à s'occuper ; un mari respecté, que l'on plaint de cette lourde charge. Un être de toujours rivé à ses habitudes immuables, à son quotidien inlassablement répété. Un tueur tout autant, le lecteur le sait d'emblée, pas de mystères. Simenon le suit dans la lente morbidité de ses actes et réflexions, presque en « Je narratif ». Labbé ne tue pas par hasard, il a un plan lentement mûri, des cibles préalablement choisies, une logique, un ordre, un timing à respecter, un but. Il a promis sept meurtres à la police qu'il nargue, à la presse qu'il mystifie. Il manquera une victime à sa réputation quand la dernière, depuis longtemps ciblée, ne lui sera plus d'aucune utilité, ne pourra être ainsi logiquement sacrifiée. Désormais un meurtre, quelque part, fera défaut à son contrat inabouti et à son orgueil de fou. Cette absence, ce renoncement, flottera dans l'air comme un fantôme évanescent, comme en attente … d'une innocente étranglée, tuée pour rien. Terrible équation qui pose Labbé en bascule de l'apex de sa folie inconsciente à la prise de conscience que lentement il en émerge … le pire, l'insoutenable pour lui commence. Il faudra attendre l'épilogue pour connaitre ses raisons.

L'autre, Kachoudas : le petit tailleur d'en face, venu la peur au ventre du Proche-Orient. Il est l'exilé, le persécuté chassé du bout du monde, celui d'un ailleurs où « l'on-ne-vit-pas-comme-ici », en attente patiente et prudente d'insertion ; celui que, tout bien réfléchi, on fera longtemps patienter jusqu'à lui dire non, en racisme ordinaire. Il a vu un petit bout de papier s'échapper d'un revers de pantalon : un caractère d'imprimerie, découpé dans un journal … C'est aussi le témoin direct d'un des meurtres, le dernier avant les suivants, qui ne dira rien du visage reconnu dans l'ombre, de la corde tendue d'un poing à l'autre, du râle qui lentement décroit dans la nuit. Découvert mais pas dénoncé, Labbé fera de la situation un jeu cruel … celui, contre-nature, vérolé et incertain du « à qui perd gagne ». de chassé, il devient chasseur. Kachoudas se retrouve soudain, au-delà des frontières, dans cette proie craintive, si pratique, commune et ancestrale, qu'il a été dans son pays d'origine. Tous deux : un marionnettiste, un pantin noué par une peur viscérale … tant pis pour les 20000 francs de récompense.

« {Labbé] avait l'impression agréable de le tenir au bout d'un fil … [ ] … Kachoudas viendrait. le chapelier était persuadé qu'il viendrait et il s'arrêta sur son seuil, regarda vers la fenêtre éclairée en faisant machinalement, à part lui, comme les fermières qui appellent les poules : — Petit, petit, petit, petit… »

Et les autres, tous les autres, en rôles secondaires, que Simenon taille de cette économie de mots qu'il manie si bien, un à un, au plus près des âmes : la bonne du chapelier, grasse et bête comme un veau, juge Labbé ; le docteur au foie miné par l'alcool ; la préposée à la chair adultérine tarifée … et toutes ces femmes que, chacune son tour, d'une phrase coup de fouet, décrit Labbé dans ses lettres anonymes après les avoir étranglées « Est-ce une perte pour la société ?»

La ville se recroqueville sur elle-même, mijote dans son jus d'angoisse depuis six semaines, suspecte à demi-mots qui déplait ou fait bande à part, écoute les rumeurs et les amplifie. le huis-clos fait étuve sociale, attend qu'une arrestation en libère la soupape de sécurité …

« Les fantômes du chapelier » s'apparente plus au thriller, au polar et surtout à la littérature blanche qu'au roman policier classique, quand patauge une police si peu active et inspirée, voire tout simplement présente. C'est le propre du « Roman dur » de Simenon que de s'agiter dans l'âme d'un homme au bout de lui-même, à deux doigts de l'irrévocable.

Tueurs en série : Simenon aborde la thématique d'une manière qui n'est pas encore dans l'outrance et la surenchère, taille à l'ancienne dans la peur et l'angoisse, dans la dinguerie morbide qu'il reste à un homme de son humanité perdue, dans une atmosphère doucement teintée de Fantastique.

Dans l'affaire rochelaise menée par Simenon, on semble trouver les prémices du « Psychose » signé Robert Bloch (au cinéma, de la patte d'Hitchcock). Roman et long métrage viendront, certes, plus tard dans l'Histoire du Polar et du film noir, au Grand Catalogue du genre. Mais quand même, le fait est notable : une similitude de poids apparait. Souvenez-vous, dans la pièce éclairée, de l'ombre portée sur le store baissé, de celle du fauteuil, des disputes entre mère et fils.

Remémorez-vous encore : ce « Silence des agneaux », tout autant postérieur, quand Hannibal Lecter joue au chat et à la souris avec qui enquête sur lui.
Souvenez-vous du « Corbeau » de Clouzot (1943). Dans « Les fantômes du chapelier », un jeune journaliste de « L'Echo des Charentes » taille, lettres anonymes du tueur peu à peu aidant à affiner le détail, un portrait-robot psychologique au rasoir du coupable recherché. Ses articles font la une, le tueur en joue sur le registre de la provocation.

Au menu de l'ambiance poisseuse en cours, baignée d'un humour noir en filigrane, règnent en maitre la manière de Simenon, son poids sur les mots, cette dissection jusqu'à l'os d'un « homme nu » typique de ses « Romans Durs », cette lente et irréversible autodestruction d'un être face à un destin qu'il s'est bricolé lui-même entre folie et drame conjugal, empêtré dans ses erreurs, ses carences affectives, sa haute considération de lui-même, sa logique orgueilleuse qui le pousse instinctivement à se faire arrêter pour qu'enfin sa souffrance cesse.

Vais-je un jour trouver un « Roman dur » signé Simenon en deçà de la moyenne ? Ce ne sera pas pour cette fois. Ô que non.. ! « Les fantômes du chapelier » est une perle qui se pose haut, très haut, à l'apex de tout ce que j'ai pu, jusqu'à présent, lire de l'auteur. Peut-être est-ce même celui par lequel commencer l'auteur, jusqu'à en devenir addict ...

Merci Monsieur Simenon.

Lien : https://laconvergenceparalle..
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Juste génial!
Il pleut depuis bientôt 3 semaines, il pleut et un tueur en série sévit dans la ville. Nous sommes à La Rochelle le 3 Décembre, depuis le 13 novembre il pleut et des femmes meurent..
Dès les premières pages, le doute puis la certitude s'installent. Mr Labbé , chapelier de son état, est l'assassin. Ses journées sont réglées comme du papier à musique et ses quelques va et vient à l'extérieur du magasin rue du Minage se font à heures fixes. En fin de journée quand il va aux Colonnes boire son picon bière et s'asseoir à la table des soixantenaires, son voisin Mr Kachoudas, le tailleur, s'installe juste derrière lui ... Il lui faut bientôt regagner son logis, Mathilde, son épouse , a besoin de sa présence....
Alors commence le récit. Simenon dresse le portrait d'un homme qui a tué parce qu'il le fallait. Il en est convaincu, puis le doute s'installe et Kachoudas qui le suit lui a compris , lui sait.
Une ambiance délétère, une atmosphère désespérée et désespérante., celle d'une petite ville de province où les notables semblent mourir d'ennui, englués dans leur routine, leurs mensonges, leur façade de respectabilité.Un roman noir dans toute l'acception du terme , un roman magistral , sans aucun doute l'un des meilleurs de George Simenon , adapté magistralement par Claude Chabrol avec Serrault et Aznavour.

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Dans les rues étroites d'une ville portuaire française d'après-guerre - La Rochelle, pour ne pas la nommer - le petit tailleur Kachoudas rase les murs et glisse sur les pavés luisants de pluie, acharné à suivre, au soir tombé, son voisin, M. Labbé, le chapelier, en route pour sa sortie vespérale au "Café des Colonnes" où il joue au bridge avec ses amis, souvent des relations d'enfance, fils de notables comme lu,i qui ont partagé les bancs des mêmes collèges et fréquenté les mêmes amphithéâtres. Frêle, inquiet, timide et dénué de toute confiance en lui parce que trop pauvre, Kachoudas a deviné que son voisin n'est autre que le meurtrier qui, depuis le 13 novembre, s'en est pris à cinq femmes, toutes d'un âge certain mais que rien, a priori, ne paraît relier entre elles. Un soir, son intuition devient certitude absolue : dans les plis impeccables du pantalon du chapelier, son oeil de tailleur vient de repérer, accrochés au tissu, des caractères découpés dans un journal local et semblables à ceux dont l'assassin se sert dans les lettres, évidemment anonymes, qu'il envoie au journaliste Jeantet et à "L'Echo des Charentes", afin d'expliquer ses crimes, lesquels, assure-t-il, ont leur logique, n'en déplaise à l'opinion publique qui le prend à tort pour un fou.

Tel est le point de départ d'un roman singulier et noir, de cette noirceur propre au grand auteur belge, que Claude Chabrol a célébré dans l'un des ses meilleurs films, avec un Michel Serrault une fois de plus époustouflant face à un Charles Aznavour qui ne s'en laisse pas compter.

Simenon, c'est d'abord un style : simple, net, qu'on pourrait presque rapprocher de la fameuse "ligne claire" créée par Hergé, sans fioritures inutiles, au service d'une intrigue et de personnages qui, pour leur part, sont loin, mais alors là très loin de la simplicité. Toutes proportions gardées, Simenon nous évoque un Flaubert qui, enfin délivré de ses angoisses d'écrivain, aurait réussi à produire ou plutôt à multi-produire, en ne reniant pas l'aspect critique sociétale de l'oeuvre mais en l'étayant solidement au moyen du genre policier. Qu'on lise à l'aveugle le début du "Chien Jaune" ou celui des "Fantômes du Chapelier", on sait, dès le premier paragraphe, qu'il s'agit de Simenon - et pour ce faire, nul besoin d'avoir lu l'intégrale de ses titres. Cette méticulosité dans l'expression, cette phrase redoutablement plate qui s'en tient à l'essentiel - ou qui en donne l'impression - ce ne peut être que Simenon - le Simenon des romans, bien sûr car celui de ses "Mémoires" est beaucoup plus prolixe et parfois, à notre avis, imbuvable.

Simenon, c'est aussi un décor, le plus souvent urbain, qui s'impose tranquillement au lecteur avec une telle justesse dans le trait, dans le détail qu'il en arrive à percevoir la pluie qui n'arrête pas de tomber, les maisons qui se recroquevillent et se ferment dès sept heures du soir, devant la crainte inspirée par l'assassin, les vapeurs trop chaudes, la buée sur les glaces au "Café des Colonnes", le petit placard bricolé par le chapelier afin de faire croire que sa femme invalide continue à le "sonner", la salle-à-manger où Louise, la bonne, lui sert son repas solitaire, les craquements du vieil immeuble, les fenêtres plus humbles, plus pauvres, qui sont celles de la famille Kachoudas, juste en face de chez les Labbé et les pavés des rues qui se déroulent comme un serpent sans fin dans la nuit hantée par un criminel sans visage ...

Simenon, c'est tout ce qui est dit - le minimum - et tout ce qui n'est pas dit - c'est-à-dire l'essentiel. On comprend vite que Labbé a tué sa femme. de même qu'on saisit la logique des cinq premiers meurtres et de la tentative ratée du sixième. le chapelier n'est pas fou : c'est simplement un homme qui en a eu assez et qui, ensuite, tue pour sauver sa peau.

... Mais à partir du moment où Labbé s'en prend à des innocents (et Kachoudas, miné par la maladie qu'il a contractée en filant son voisin par tous les temps et surtout sous la pluie, fait partie du lot), cette tranquillité presque bon enfant, ce bon sens dans le crime qui en faisait un personnage relativement normal - et presque notre frère, à nous, lecteurs, qui, un jour, pouvons, nous aussi, sous le coup de la fatigue ou de la colère, en avoir assez - tout cela s'écroule et le chapelier nous apparaît - et s'apparaît à lui-même - comme ce qu'il était sans doute dès le début : un tueur animé par la seule jouissance de tuer. Ou alors, ses succès l'ont grisé, il y a pris goût - il se prend pour Dieu. Mais peu importe dans le fond : qu'il ait toujours été tueur dans l'âme ou qu'il le soit devenu sous la pression des événements, le chapelier a franchi les limites, il n'est plus des nôtres, il a sombré dans cette folie dont il se défendait pourtant dans ses lettres à Jeantet et à la ville.

Bref, c'est du Simenon. du bon, du grand Simenon. Lisez, vous verrez bien.

NB : Et n'oubliez pas non plus de visionner le film de Chabrol. Il vaut le détour. ;o)
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La Rochelle quelques années après la seconde guerre mondiale. Les notables se retrouvent pour jouer au bridge au Café des Colonnes. Et pour évoquer les meurtres de vieilles dames qui ont eu lieu dans les rues de leur ville ces derniers jours. C'est le meurtrier – le chapelier, un habitué des Colonnes – qui nous raconte l'histoire. Il ne tue pas par hasard, nous dit-il, mais nous ne saurons qu'à la fin de ce récit-confession ce qui le pousse à commettre ces meurtres.

Le roman sent la naphtaline, l'arsenic et les vieilles dentelles, l'humour de Frank Capra en moins. Ici le ton est plutôt au désespoir, à la sombre mélancolie. Ce ne fut pas pour moi une lecture bouleversante et j'ai trouvé que les personnages secondaires étaient (volontairement, je n'en doute pas) traités comme de vagues silhouettes. Mais le côté obsessionnel du chapelier et l'omniprésence de ce qui semble être pour lui une sorte d'ombre, le tailleur Kachoudas, m'ont finalement fait aimer ce drôle de polar.
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[...] ... - Je laisse ma porte ouverte jusqu'à ce que vous soyez chez vous [,Melle Mollard].

- Je vous le défends bien ! Pour refroidir toute la maison ! Puisque je vous dis que je n'ai pas peur.

A sa voix, Kachoudas l'imaginait petite et maigre, un peu cassée, un peu précieuse. Il l'entendit descendre les marches, s'engager sur le trottoir. La porte, restée un moment ouverte, se referma enfin. Il faillit crier. Il voulut crier. Mais il était déjà trop tard. D'ailleurs, il en aurait été physiquement incapable.

Cela ne fit pas plus de bruit que, par exemple, un faisan qui s'envole d'une futaie. C'était probablement le froissement des vêtements. Tout le monde, en ville, savait comment cela se passait et Kachoudas porta malgré lui la main à sa gorge, imagina la corde de violoncelle qui serrait le cou, fit un effort sincère pour s'arracher à son immobilité.

Il était sûr que c'était fini et il lui fallait s'éloigner en toute hâte, courir au poste de police. Il y en avait un rue Saint-Yvon, tout de suite après le marché.

Il crut qu'il avait parlé tout seul alors que ses lèvres remuaient à vide. Il marchait. C'était une victoire. Il ne parvenait pas encore à courir. Peut-être d'ailleurs valait-il mieux ne pas courir, ici, dans les rues vides où l'autre pourrait courir aussi, le rattraper, en finir avec lui comme il venait d'en finir avec la vieille demoiselle ?

Une vitrine. C'était, comme par ironie, celle d'un armurier. Il est vrai que le chapelier ne se servait jamais d'armes. Kachoudas ne se sentait plus aussi seul. Il pouvait reprendre haleine. Il aurait voulu se retourner. Encore vingt mètres, dix mètres, et il apercevrait la lumière rouge du poste de police.

Il avait pataugé dans les flaques d'eau et ses pieds étaient mouillés, ses traits durcis par le froid. Il marchait à nouveau comme une personne normale, dépassait la rue du Minage, sa rue.

Il touchait presque au but. Il n'entendait aucun bruit de pas, mais il savait néanmoins qu'on marchait derrière lui, qu'on le rejoignait, il n'osait toujours pas courir, ni s'arrêter, et une silhouette plus grande et plus large que lui se profilait à sa gauche, un pas s'accordait au sien, une voix étrangement calme prononçait :

- Vous auriez tort, Kachoudas.

Il ne regarda pas du côté de son compagnon. Il ne répondit rien. Il ne fit pas tout de suite demi-tour.

Il était seul, il voyait la lanterne rouge, un agent cycliste qui sortait du poste et qui montait sur sa machine.

Il se retourna. Sans plus se préoccuper de lui, M. Labbé qui avait fait volte-face, se dirigeait, les mains dans les poches, le col de son pardessus relevé, vers la rue du Minage, vers leur rue à tous les deux. ... [...]
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[...] ... On était le 3 décembre et il pleuvait toujours. Le chiffre 3 se détachait, énorme, très noir, avec une sorte de gros ventre, sur le blanc cru du calendrier fixé à la droite de la caisse, contre la cloison de chêne séparant le magasin de l'étalage. Il y avait exactement vingt jours, puisque cela avait eu lieu le 13 novembre - encore un 3 obèse sur le calendrier - que la première vieille femme avait été assassinée, près de l'église Saint-Sauveur, à quelques pas du canal.

Or, il pleuvait depuis le 13 novembre. On pouvait dire que, depuis vingt jours, il pleuvait sans interruption.

C'était le plus souvent une longue pluie crépitante et, quand on courait la ville en rasant les maisons, on entendait l'eau couler dans les gouttières ; on choisissait les rues à arcades, pour être un moment à l'abri ; on changeait de souliers en rentrant chez soi ; dans tous les foyers, des pardessus, des chapeaux séchaient près du poêle et ceux qui manquaient de vêtements de rechange vivaient dans une perpétuelle humidité froide.

Il faisait noir bien avant quatre heures et certaines fenêtres étaient éclairées du matin au soir.

Il était quatre heures quand, comme chaque après-midi, M. Labbé avait quitté l'arrière-magasin où des têtes de bois de toutes tailles étaient rangées sur les étagères. Il avait gravi l'escalier en colimaçon, dans le fond de la chapellerie. Sur le palier, il avait marqué un temps d'arrêt, tiré une clef de sa poche, ouvert la porte de la chambre pour faire de la lumière.

Est-ce qu'avant de tourner le commutateur il avait marché jusqu'à la fenêtre, dont les rideaux en guipure, très épais, poussiéreux, étaient toujours clos ? Probablement, car il baissait habituellement le store avant d'allumer.

A ce moment, il avait pu voir en face, à quelques mètres de lui à peine, Kachoudas, le tailleur, dans son atelier. C'était tellement près, la tranchée de la rue était si étroite qu'on avait l'impression de vivre dans la même maison. ... [...]
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Il était petit, malingre. Il serait mauvais et il le savait ; il le savait si bien qu’il évitait de se tenir près des autres. C’était une odeur qui n’appartenait qu’à lui et aux siens, qu’on aurait appeler l’odeur Kachoudas, mélange d’ail de leur cuisine et du suint des étoffes. Ici, on ne disait rien, on feignait poliment de ne pas le remarquer mais, à l’école, des filles, moins discrètes, protestaient lorsqu’elles étaient placées à côté des gamines Kachoudas.
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On était le 3 décembre et il pleuvait toujours. Le chiffe 3 se détachait, énorme, très noir, avec une sorte de gros ventre, sur le blanc écru du calendrier fixé à la droite de la caisse, contre la cloison en chêne sombre séparant le magasin de l'étalage.
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C'était à elles qu'il en voulait d'avoir succombé à la tentation, et ce sentiment-là était si fort qu'il lui en donnait des velléités criminelles.
Avec ce veau de Louise aussi, il avait faillit succomber à la tentation, à une autre tentation, et c'était encore plus grave.

Page 108.
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