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Commissaire Maigret - Romans et ... tome 5 sur 103
EAN : 9782253142966
187 pages
Le Livre de Poche (19/02/2003)
3.75/5   127 notes
Résumé :
Le 7 juillet, à Saint-Cloud, une riche veuve américaine, Mme Henderson, et sa femme de chambre, Élise Chatrier, sont assassinées dans leur villa. Très rapidement, Joseph Heurtin, un livreur de vingt-sept ans dont la présence sur les lieux du crime est attestée, est arrêté puis condamné à la peine de mort. Mais Maigret ne croit pas à la culpabiblité de Heurtin, et il organise en secret son évasion, persuadé que celui-ci va le mener sur la piste du véritable assassin.
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Deux femmes sont retrouvées assassinées, à coups de couteau, dans leur maison de Saint-Cloud. L'assassin a laissé des traces et des empreintes de son passage partout. Maigret l'arrête. Il nie avoir tué mais n'explique rien et reste mutique. Jugé, il est condamné à mort.
Occupé ailleurs, Maigret, à son retour, après réflexion, n'est plus sûr de la culpabilité du condamné. Il monte une évasion. Evadé, l'assassin présumé échappe à la police. le lendemain, un journal publie un article incriminant la police dans l'évasion du condamné.
Livre, faisant partie de la liste des 100 polars incontournables, que je n'avais pas lu.
Polar époustouflant. Gide disait de Simenon : le meilleur d'entre nous. Quand on lit ce livre on ne peut lui donner que raison.
La trame, l'intrigue, le déroulement de l'enquête, la solution, le dénouement, tout est hors norme.
Maigret a dix jours pour prouver son intuition, son adversaire a tout le temps devant lui. Deux monstres, deux grands fauves s'affrontent, tournant autour l'un de l'autre, comme deux félins, cherchant la faille, le point faible, se rendant coup pour coup.
Insensible, indifférent, Maigret attend. il joue sa carrière. Sa démission est prête : dix jours, pas un de plus et ce sera fini pour lui.
L'autre est malin, intelligent. Son seul défaut, il le sait. Moriarty contre Sherlock.
Un coup part, l'un l'évite et contre attaque, l'autre pare et remet ça... Combien de temps les adversaires pourront-ils tenir, sans dormir, en gardant leurs facultés intactes ?
Si l'on doit ne lire qu'un seul Maigret, que ce soit celui-là.
Du grand Simenon, de l'immense Simenon.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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L'enquête avait été facile : une riche veuve américaine et sa gouvernante assassinées à leur domicile de Saint-Cloud et partout les empreintes du meurtrier. Trop facile peut-être pour le commissaire Maigret qui doute, pendant que, jugé coupable et condamné à mort, Joseph Heurtin attend son tour dans la cellule 11 de la prison de la Santé. Aussi, Maigret tente un coup de poker et aide le prisonnier à s'évader, persuadé que le pauvre bougre le mènera tout droit au véritable meurtrier. Ce faisant, il met sa carrière un danger, mais la tête d'un homme ne vaut-elle pas que l'on prenne des risques ?

Une enquête très psychologique pour Maigret qui fait face à un tueur particulièrement malin et d'une intelligence exceptionnelle. C'est une guerre des nerfs qui s'engage entre un commissaire placide et un coupable de plus en plus nerveux dont l'arrogance cède peu à peu la place au doute et finalement à la reddition.
On lit Simenon comme on regarde Bruno Crémer à la télé. C'est confortablement désuet, tranquille et presque monotone. Pourtant, les codes du polar sont là et l'auteur belge fut un formidable précurseur. Un moment formidable et nostalgique à la fois.
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La tête d'un homme est l'enjeu de cette enquête rythmée. Dans l'antichambre de la mort, Joseph Heurtin attend son heure à la Santé.

Tout indique qu'il a tué deux femmes chez elles, comme ça, sans raison.
Maigret veut le sauver parce qu'il a l'intuition qu'il est innocent. Alors il organise lui-même son évasion.

Cette initiative n'est évidemment pas du goût de sa hiérarchie: est-ce que cela vaut tant de peine et de risque pour sauver la vie d'un homme jugé coupable?

La carrière de Maigret est alors en jeu.

Une enquête parisienne aboutie qui a des références littéraires haut placées, l'étudiant tourmenté et pauvre n'est pas sans rappeler le Raskolnikov de Dostoïevski.
Simenon pousse la comparaison avec Crime et Châtiment dans le face à face tendu de cet étudiant avec le Maigret tranquille et joueur, quoiqu'un peu bougon.

Lire Simenon est une cure rafraichissante de polars, après en avoir lu des centaines d'autres auteurs récents emmêlés dans leurs lignes narratives multiples.
Et trop saignantes.

Ici c'est à point.
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ISBN : 978-2258073401


Parce que Maigret est apparu dans les années vingt, parce que Georges Simenon aussi a écrit de manière si prolifique que certains ont fini par douter de ses dons d'écrivain, on oublie trop souvent qu'il innova dans le domaine du policier à peu près autant qu'Agatha Christie à la même époque et de l'autre côté du Channel. "La Tête d'Un Homme" est là pour nous rappeler ce désir novateur puisque toute l'intrigue repose sur l'analyse d'un crime "gratuit", inspiré à un psychopathe en puissance par le seul désir de tuer "pour le plaisir."

L'homme est supérieurement intelligent, la chance le sert sans doute beaucoup et il ne voit aucun inconvénient à accabler de preuves un malheureux innocent - Joseph Heurtin - qu'il a lui-même placé sur les lieux de l'assassinat pour que la Police en tire les conclusions qui s'imposent mais qui sont hélas ! complètement erronées. le grain de sable, que notre psychopathe n'avait pas prévu, réside en lui-même : en définitive, il veut que son "oeuvre" soit reconnue et, partant, signe ainsi son propre arrêt de mort.

A l'époque en effet, rappelons-le, la Veuve travaille encore très régulièrement pour la Justice et Joseph Heurtin n'est pas loin de passer sous son couperet lorsqu'il reçoit un billet lui indiquant toutes les directives pour une évasion, le tant, à telle heure. Heurtin est un être simple, voire simplet - ceci même si deux experts-psychiatres ont formellement déclaré à la barre qu'il jouissait de toutes ses facultés mentales - et la vision d'un voisin de cellule, lui aussi condamné à mort, qu'on emmène un beau matin, les cris et les pleurs de l'homme surtout, le terrorisent à tel point qu'il décide de suivre les indications fournies par le billet mystérieux. Et tout fonctionne : il se retrouve bientôt hors de la Santé.

Pendant qu'il prend ses jambes à son cou, de l'autre côté des murs, l'élégant et mondain juge Coméliau, qui veillait au bon déroulement de l'affaire en compagnie de Maigret, n'a qu'une seule peur : que cet incorrigible commissaire, avec sa massivité et son entêtement d'armoire normande, se soit trompé, que Heurtin soit réellement coupable - après tout, la justice ne s'est-elle pas exprimée sur ce point ? - et que, après l'avoir aidé à s'évader sans qu'il s'en doute, les représentants de l'ordre ne le voient s'évanouir à tout jamais dans la nature. Après tout, ainsi que le rappelle aimablement Coméliau à Maigret plus bourru que jamais, si Heurtin risque sa tête, lui, Maigret, risque toute sa carrière sur une simple intuition.

En effet, pour l'homme du 36, Quai des Orfèvres, qui a tourné et retourné dans tous les sens une affaire dont la conclusion, trop facile, ne le satisfaisait pas, et bien qu'il ait, au vu des preuves matérielles, procédé lui-même à l'arrestation de Joseph Heurtin, de deux choses l'une : ou bien le condamné est fou (du coup, on devrait l'envoyer en psychiatrie et non pas à la rencontre de l'honorable Veuve), ou bien il est innocent et victime d'une machination. Têtu comme toujours, serrant de plus en plus fort les dents sur sa célèbre pipe, notre commissaire n'en démord pas et est même parvenu à ébranlé le Parquet. D'où cette "expérience" inattendue d'une évasion facilitée par les gardiens de celui qui se fait la belle, et qui va, c'est l'espoir avoué de Maigret, révéler dans l'intrigue des fils jusqu'ici demeurés trop ténus pour qu'on les voie.

La traque de Heurtin commence. Et comme l'avait soupçonné le commissaire, d'étranges réactions se font jour. Passe encore pour le neveu de la riche Américaine assassinée : après tout, l'affaire le touche de près puisqu'il hérite de Mrs Henderson. de là, maintenant, à se suicider, c'est tout de même intrigant ... Mais surgit très vite de l'ombre un personnage hors-norme, rouquin et sarcastique, qui, manifestement et même si cela n'était pas apparu à l'instruction, sait quelque chose sur l'assassinat.

... Mais quoi, exactement ? Et pourquoi aurait-il tué Mrs Henderson et sa dame de compagnie ? le mobile fait défaut. Mais Maigret s'acharne : une fois de plus, il veut comprendre.

A lire, non seulement pour l'intérêt du récit mais aussi parce que "La Tête d'Un Homme" constitue l'une des toutes premières études de "crime gratuit" de la littérature policière francophone du XXème siècle. ;o)
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On ne présente plus ni Georges Simenon, l'écrivain, ni le Commissaire Maigret, son personnage récurrent emblématique qui fit son succès.

Je me contenterais alors de rappeler que le premier écrivit presque 200 romans et plus de 150 nouvelles et que le second est le héros de 75 de ces récits longs et 28 des courts.

« La tête d'un homme » est la 5e enquête (dans l'ordre d'écriture, pas forcément dans l'ordre de l'édition liminaire) du fameux policier à la pipe et a été écrit en septembre 1931 (comme le temps passe).

Dans ce récit, le commissaire Maigret est déjà un policier aguerri à la longue carrière et se situe dans le milieu de la quarantaine.

Le commissaire est déjà un vieux de la vieille et un policier tenace et consciencieux. Et c'est cette conscience et son 6e sens qui le poussent à ne pas se contenter des évidences quand il s'agit d'arrêter le meurtrier d'une riche veuve et de sa femme de chambre.

Pourtant, Joseph Heurtin est le coupable idéal et le coupable que tout désigne. Les traces de ses chaussures ont été retrouvées sur les lieux du crime, ses empreintes sanglantes également et il a été vu à proximité de la villa de la victime et n'a aucun alibi.

De plus, d'une allure rustre et non avenante, d'une intelligence plutôt limitée, le suspect n'a pour seule défense de dire qu'il n'a pas tué.

Oui, mais voilà, l'homme n'a aucun mobile, car il ne connaissait pas la victime et qu'il n'y a pas eu de vol.

Alors, Maigret, persuadé de l'innocence de Heurtin, parvient à convaincre le juge chargé de l'affaire d'organiser l'évasion du suspect, juste avant qu'il ne soit exécuté, certain que celui-ci va le conduire vers le véritable coupable.

Rappelons que le roman a été écrit en 1931 et qu'il est alors beaucoup plus facile de faire évader un prisonnier qu'il ne pourrait l'être actuellement avec tous les moyens techniques, mais, surtout, avec l'essor médiatique que l'affaire prendrait.

D'autant que si, aujourd'hui, quelqu'un criait au complot sur les réseaux sociaux, indiquant que la police a organisé l'évasion, l'appel serait relayé ad nauseam un peu partout sur le Net et repris par les chaînes d'informations en continu.

Heureusement, à l'époque, seul un petit journal à scandales, ayant reçu un courrier anonyme, fait état de cette hypothèse qui risque de mettre à mal le plan du commissaire à la pipe.

Mais ce dernier parvient à mettre la main sur le message anonyme et, grâce au travail du policier scientifique Moers, obtient suffisamment d'indications sur la personnalité du corbeau et la provenance du papier et de l'encre pour enfin pouvoir se lancer sur une piste...

Maigret joue donc sa tête dans cette enquête, car, si le vrai coupable n'est pas trouvé et que le condamné parvient à échapper à la surveillance des policiers lancés à sa suite, il est certain de sauter.

Et, dans cette course contre la montre, rien ou presque ne va se dérouler comme prévu.

Le suspect assomme son poursuivant et s'enfuit, un personnage étrange et fantasque entre dans la danse, le riche héritier prisé de la Haute Société se trouve également sur le chemin de Maigret...

Certes, c'est à une course poursuite assez lente à laquelle nous convie Simenon, mais une lente course pourtant rythmée par le pas nonchalant de son personnage qui prend ici encore plus d'épaisseur par les traits de caractère qu'on lui connaît déjà avec les enquêtes précédentes, mais également par d'autres qu'on lui découvre à l'occasion de ce récit.

Car, si Maigret aime à participer aux enquêtes, il apprécie également déléguer les tâches subalternes et superviser les évènements du haut de sa tour d'ivoire (qui, ici, est soit son bureau, soit une chambre d'hôtel située en face de celle dans laquelle s'est réfugié Heurtin).

Il se positionne alors comme un joueur d'échecs positionnant ses pions et observant les réactions de son adversaire.

Mais, ce que le commissaire n'a pas prévu, c'est que la partie va changer d'intensité en même temps que d'adversaire quand il va faire la connaissance d'un émigré tchèque nommé Radek, personnage falot en apparences, aussi bien physiquement que socialement, mais doté d'une intelligence aussi élevée que perverse.

Un duel de cerveaux va alors avoir lieu entre les deux hommes...

Maigret prend donc de l'épaisseur mentalement, psychiquement, intellectuellement, alors qu'il en avait déjà physiquement, puisque l'auteur et les personnages rappellent que le policier pèse plus de 100 kilos.

On pourrait le croire taciturne à souhait si, en fait chaque trait de son caractère, de son visage, n'était pas autant calculé pour coller à la situation et à la réaction qu'il veut provoquer chez autrui.

C'est avec un réel plaisir qu'on le trouve alors bourru, bougon, joueur, brutal, réactif ou apathique en fonction des évènements et c'est ce comportement qui n'évolue pas dans un registre unique qui fait tout le charme du personnage.

Si l'on a un peu de mal, au départ, à adhérer au plan du policier (faire évader un condamné à mort), on entre pourtant très vite dans le récit et on le dévore jusqu'au final pour savoir si le policier va contrer son insupportable adversaire.

Car l'adversaire, bien qu'intelligent, est à la fois doué d'une perversité sans borne, mais également d'un certain fatalisme dû à la maladie qui, il le sait, ne tardera pas trop à l'emporter.

Aussi, n'ayant rien à perdre, il va jouer au chat et à la souris avec le commissaire, énervant à la fois le policier et le lecteur qui, du coup, n'a qu'une hâte, que Maigret lui mette définitivement le grappin dessus.

Même si l'intrigue n'est pas des plus chiadées et que l'on peut avoir du mal à croire au postulat de départ (mais rappelons-le, l'histoire se déroule en 1931), Simenon ne s'y trompe pas, l'atout principal de la série des « Commissaire Maigret » est le fameux policier à la pipe et l'auteur n'hésite pas à épaissir, à tous points de vue, son personnage, et à le complexifier afin de le rendre à la fois très intéressant et très attachant.

Si l'on ajoute à cela l'art de manier la plume de Simenon, on comprend alors très vite que, contrairement à ce que j'eus cru un peu hâtivement, la série « Commissaire Maigret » est très plaisante et intéressante à lire.

Au final, à partir d'une idée qui laisse dubitatif, Simenon brode une intrigue qui met en valeur le caractère complexe et pourtant si humain de son personnage principal pour le plus grand plaisir du lecteur.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Dans sa fuite de La Citanguette, sans doute, Joseph Heurtin avait perdu sa casquette, si bien qu'il était nu-tête. Ses cheveux, en prison, avaient été coupés presque ras et cela soulignait encore l'énormité de ses oreilles. Ses souliers n'avaient plus de couleur, ni de forme.

Et où avait-il dormi pour avoir son costume aussi fripé, aussi couvert de poussière et de boue ?

S'il eût tendu la main aux passants, on se fût expliqué sa présence, car il avait bien l'air de la plus pitoyable des épaves. Mais il ne mendiait pas. Il ne vendait ni lacets de soulier, ni crayons.

Il allait et venait selon les remous de la foule, s'éloignait parfois de quelques mètres, revenait avec l'air de remonter un dur courant.

Ses joues étaient couvertes de poils bruns. Il paraissait plus maigre.

Mais surtout ses yeux le rendaient inquiétant, ses yeux qui ne quittaient pas le bar et qui essayaient toujours de voir à travers les vitres embuées.

Une seconde fois il parvint jusqu'au seuil et Maigret put croire qu'il allait pousser la porte.

Le commissaire fumait nerveusement, les tempes moites, les nerfs tellement tendus qu'il lui semblait que sa sensibilité était décuplée.

Une minute exceptionnelle. Un peu plus tôt, il faisait figure de vaincu. Il avait perdu pied. Le drame s'était écarté de lui et rien ne lui permettait de croire qu'il en ressaisirait les éléments.

Il but son whisky, lentement, cependant que Crosby [= neveu de Mrs Henderson et son héritier, descendu avec sa femme dans ce grand hôtel parisien], par politesse, se tournait à demi vers lui tout en intervenant dans la conversation de sa femme et d'Edna.

Chose étrange, sans même le vouloir, sans même s'en rendre compte, Maigret ne perdait rien d'un spectacle aussi complexe.

Des tas de gens s'agitaient autour de lui. Les bruits étaient si multiples qu'ils devenaient une rumeur aussi confuse que celle de la mer. Il y avait des voix, des gestes, des attitudes ...

Or il voyait tout : l'homme attablé devant son pot de yoghourt, le vagabond qui revenait irrésistiblement vers la porte, le sourire de Crosby, la moue de sa femme qui se mettait du rouge aux lèvres, l'agitation du barman préparant un flip à grands coups de shaker ... ... [...]
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[...] ... Le groupe était à moins de cinquante mètres du prisonnier invisible, dans un renfoncement, près d'une porte où il était écrit Economat.

Le commissaire Maigret dédaignait de s'adosser au mur de brique sombre. Les mains dans les poches de son pardessus, il était si bien planté sur ses fortes jambes, si rigoureusement immobile qu'il donnait l'impression d'une masse inanimée.

Mais on entendait à intervalles réguliers le grésillement de sa pipe. On devinait son regard, dont il ne parvenait pas à éteindre l'anxiété.

Dix fois, il avait dû toucher du doigt l'épaule du juge d'instruction Coméliau, qui ne tenait pas en place.

Le magistrat était arrivé à une heure, d'une soirée mondaine, en habit, sa fine moustache redressée avec soin, le teint plus animé que d'habitude.

Près d'eux, la mine renfrognée, le col du veston relevé, se tenait M. Gassier, le directeur de la Santé, qui feignait de se désintéresser de ce qui se passait.

Il faisait plus que frais. Le gardien, près de la poterne, frappait le sol du pied et les respirations mettaient dans l'air de fines colonnes de vapeur.

On ne pouvait distinguer le prisonnier, qui évitait les endroits éclairés. Mais, quelque soin qu'il prît de ne pas faire de bruit, on l'entendait aller et venir, on le suivait en quelque sorte dans ses moindres démarches.

Après dix minutes, le juge se rapprocha de Maigret, ouvrit la bouche pour parler. Mais le commissaire lui serra l'épaule avec une telle force que le magistrat se tut, soupira, tira machinalement de sa poche une cigarette qui lui fut prise des mains.

Tous trois avaient compris. Le 11 ne trouvait pas sa route, risquait d'un moment à l'autre de tomber sur une ronde.

Et il n'y avait rien à faire ! On ne pouvait pas le conduire jusqu'à l'endroit où, au pied du mur, l'attendait un paquet de vêtements et où pendait une corde à noeuds. ... [...]
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Les yeux du Tchèque riaient, tandis que le reste du visage restait grave. — Vous voilà bien embarrassé, pas vrai ? J’ai l’air de me jeter dans le filet. Vous ne me demandez rien et je viens vous parler d’une affaire dans laquelle vous brûlez de m’inculper… Mais comment, pourquoi ?… Je n’ai rien à voir avec Heurtin !… Rien à voir avec Crosby !… Rien à voir non plus avec Mme Henderson, ni avec sa femme de chambre… Tout ce que vous pourriez relever contre moi, c’est qu’hier ce Joseph Heurtin est venu rôder par ici et qu’il semblait me guetter… Peut-être est-ce exact, peut-être pas… Toujours est-il que j’ai quitté l’établissement sous la protection de deux agents… Mais qu’est-ce que ça prouve ? Je vous dis que vous n’y comprenez rien, que vous n’y comprendrez jamais rien… Ce que je fais dans cette histoire-là ? Rien du tout ! Ou tout !… Supposez un homme intelligent, plus qu’intelligent, qui n’a rien à faire, qui passe ses journées à penser et qui a l’occasion d’étudier un problème qui touche à sa spécialité. Car la criminologie et la médecine se touchent…
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Paris avait son aspect morne des vilains jours d'octobre : une lumière crue tombait du ciel pareil à un plafond sale. Sur les trottoirs subsistaient des traces des pluies de la nuit. Et les passants eux-mêmes avaient l'air renfrogné des gens qui ne se sont pas encore adaptés à l'hiver.
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Maigret ne broncha pas une seule fois, n'esquissa pas le moindre geste de protestation ni d'impatience.
Le visage grave, les traits tirés, il écouta jusqu'au bout, avec déférence et humilité. Peut-être seulement arriva-t-il à sa pomme d'Adam de tressaillir soudain, aux instants où M. Corméliau se montrait le plus dur, le plus véhément.
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Quel grand écrivain est l'auteur de près de 200 romans, l'inventeur de 8 000 personnages, et surtout, par quel livre pénétrer dans ce palais colossal ?
« La neige était sale », de Georges Simenon, c'est à lire au Livre de poche.
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