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Commissaire Maigret - Romans et ... tome 62 sur 103
EAN : 9782253142126
188 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.73/5   66 notes
Résumé :

C'était en 1927 ou 1928. Je n'ai pas la mémoire des dates et je ne suis pas de ceux qui gardent soigneusement des traces écrites de leurs faits et gestes, chose fréquente dans notre métier, qui s'est avérée fort utile à quelques-uns et même parfois profitable. Et ce n'est que tout récemment que je me suis souvenu des cahiers où ma femme, longtemps à mon insu, voire en cachette, a collé les articles de journaux qui me concernaient.

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Mettez-vous à ma place, à moi, le vrai Maigret ! Juste cinq minutes ! Cela fait des années qu'un certain Sim s'emploie à me décrire et à me faire vivre des aventures sans que je n'aie mon mot à dire !
Il me fait porter un chapeau-melon que le vrai Maigret ne porte qu'en de très rares occasions : enterrements, cérémonies officielles, …
Et alors, au cinéma, vous avez vu qui m'interprète ? Parfois, c'est un petit type presque aussi large que haut, à d'autres moments un gars plus élancé…
Et puis, qu'a-t-il fait de mes inspecteurs ? Il ne m'en a laissé que trois ? Et les autres ? En plus, il me fait descendre en permanence sur le terrain et papoter avec les gens, comme si avec mes fonctions je n'avais que ça à faire ! Aller sur le terrain ! Je vous jure ! du grand n'importe quoi !
Non ! Non ! Il est temps que je remette les pendules de ce monsieur Sim, devenu Simenon, son vrai nom, depuis que la notoriété l'a rattrapé. Mes mémoires vont faire toute la lumière ! Un peu de vérité vraie ne saurait faire de tort…

Critique :

J'ai passé un excellent moment avec ce Maigret qui se sent dépossédé de sa personnalité par ce qu'en a fait cet écrivain avec la bénédiction des instances supérieures… Pour une fois qu'un auteur met en vedette des policiers et non des gredins, ses supérieurs ont autorisé un jeune homme qui signe ses romans populaires « Sim » à suivre le grand Maigret, à prendre racine dans son bureau. Il suit presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre Maigret pour s'inspirer au mieux du personnage. Quand enfin, il publie ses romans visant une littérature de qualité, monsieur Sim signe de son vrai nom : Simenon !
Simenon devient l'ami de Maigret et de son épouse prétendant, dans ses ouvrages rendre la vérité plus vraie car plus vivante que les faits réels qui, rapportés tels quels, sont le plus souvent, bien barbants. Les deux hommes discutent régulièrement faisant valoir leurs points de vue respectifs. La botte de Jarnac assénée à Maigret lui vient de sa propre épouse qui estime le Maigret de Simenon bien plus intéressant que celui que son mari cherche à réhabiliter dans ses mémoires.
J'ai pris beaucoup de plaisir à cette pseudo-confrontation inventée par Simenon, rendant son héros encore plus vrai.
J'apprécie le rythme des enquêtes de Maigret qui n'a pas besoin de centaines de pages pour installer toute une ambiance. Inutile de recourir aux experts en expertitude pour résoudre les énigmes. Il suffit à Maigret d'observer, d'écouter et de parler à ses protagonistes pour que la lumière se fasse.
Un ami me disait il y a quelques temps : « Tu ne trouves pas que les Maigret, c'est dépassé ? »
« Peut-être », ai-je répondu n'en ayant plus lu aucun depuis quatre décennies. M'ennuyant en lisant quelques grosses briques qui n'en finissent pas de me faire bâiller, j'ai fait des fouilles dans ma bibliothèque, me demandant si j'en avais gardé quelques-uns, et j'ai fini par ressusciter des livres de Simenon et, tant qu'à faire, d'Agatha Christie, dont, soit dit en passant, je déteste que « Dix petits nègres » soit devenu « Ils étaient dix », alors que les « Dix petits nègres » reposent sur une comptine. Marre d'un politiquement correct qui n'a rien de correct. Ce serait plus intelligent d'ajouter une petite note pour expliquer le contexte. Parti comme cela, il faudrait retirer tous les domestiques au service de ces lords car leurs conditions d'existence n'étaient guère enviables au regard de nos standards actuels ! Comment accepter que des domestiques restent sept jours sur sept au service de leurs « maîtres » et travaillent des seize ou dix-huit heures par jour ?
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Etrange livre... Jules Maigret se souvient... Comment le pauvre a dû finalement, en désespoir de cause, "entrer dans la police"... (alors qu'il aurait dû "faire docteur" !)... comment il a travaillé d'abord - comme stagiaire - "sur la voie publique"... puis dans les gares (Ambiance glaciaire à la Gare du Nord !)... puis aux "Garnis"... puis à la "Brigade Spéciale" (promotion à plus haut risque létal...)... Sa rencontre avec le jeune journaliste Simenon (une vraie tête-à-claques !)... Mia surtout comment il a rencontré la future Louise Maigret (qui n'a rien d'une Louise de Rênal, comme on sait !)... et comment sa belle-famille regrettait que Louise n'ait pas rencontré un ingénieur des Ponts & Chaussées... Aussi, ce qu'était ce Paris des voitures de police tirées par les chevaux, aux sabots résonnant très fort dans les rues pavées arpentées par l'alors si jeune (et fluet) Maigret...

Comment Maigret a "épaissi" (physiologiquement et professionnellement), aussi !

Grâce à son narrateur ( ' ttention, c'est Jules Maigret qui raconte...), Simenon décrit son propre pesonnage comme un sacré c... horripilant, pas mal frimeur et imbu de lui-même (mais que Mme Maigret tolère et finalement aime bien...), sorte de gandin parasitant la vie du pauvre commissaire, et truffant volontiers ses "récits" d'inexactitudes ! C'est que Jules Maigret aime plutôt l'exactitude (L'a raison !!!). Savoureux jeu de miroirs. J'aime cette (rare) modestie simenonienne...

Pas mal de nostalgie.... Franchement, c'est attachant ! Plein de sève, de "petits détails vrais", d'humour...

Ecrit en 1 à 2 semaines en 1950 (mention finale : "Meung-sur-Loire, le 27 septembre 1950").

Point de méchant criminel (en général, toujours "plein aux as") à traquer, pour cette fois-ci... Juste de jolies tranches de vie d'un obscur fonctionnaire du 36 Quai des Orfèvres, à déguster, page après page...
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Maigret a bien raison : ses "Mémoires" n'en sont pas. Sorti pour les vingt ans de la création du personnage, le livre pose surtout, sous la forme d'un aimable règlement de comptes entre la créature et son créateur, l'éternelle question de la symbiose entre les deux. Qui est Simenon ? Qui est Maigret ? Maigret est-il Simenon et Simenon est-il Maigret ? Disons-le tout de suite, tous deux s'entendent comme larrons en foire pour faire croire au lecteur d'abord de bonne foi, puis de plus en plus suspicieux, que jamais leurs entités respectives ne se sont mêlées, mieux, qu'elles n'en ont jamais eu ni la pensée, ni la volonté. Rien n'est plus faux. Evidemment.

Le commissaire ouvre le récit en rappelant sa première rencontre, dans le bureau de Xavier Guichard, avec le jeune Georges Sim, lequel se définissait déjà non comme journaliste mais comme romancier et promettait, avec une candeur d'enfant de choeur liégeois, de ne jamais évoquer dans ses récits les affaires en cours. Promesse qu'il a tenue tout en la bafouant avec sérénité, ainsi que nous le fait clairement comprendre Maigret : désormais édité sous le nom de plume de Georges Simenon, le romancier entreprend de mélanger avec enthousiasme les dates, les affaires, les inspecteurs( avec leurs noms, leur âge et leur statut de célibataire ou d'homme marié), affuble distraitement du patronyme de "Torrence" un inspecteur qui trouve la mort dès le premier Maigret,"Pietr-le-Letton", tout ça pour s'apercevoir, plusieurs volumes plus tard, qu'il ne s'agissait en rien de Torrence (on admirera au passage l'habileté du rattrapage et le machiavélisme débonnaire de l'écrivain qui affirme à son commissaire, avec une innocence désarmante, que, de toutes façons, il ne se relit jamais), flanque Maigret à la retraite sans même lui demander son avis, simplement parce qu'il "aime bien l'ambiance de Meung-sur-Loire" et que "cela le changera - lui, Simenon - du Quai des Orfèvres", puis ressort son commissaire du placard pour le relancer dans la vie professionnelle sans autre forme de procès et, par la force des choses et avec le même naturel qu'il avait mis à en faire un retraité de l'Etat, en le rajeunissant au passage.

Simenon, de son côté, quand Maigret lui laisse la parole, explique qu'il faut toujours simplifier et qu'aucun lecteur ne croirait la vérité "toute crue." S'il a pris le véritable nom du commissaire, c'est parce que celui-ci était déjà dans sa tête et qu'il y était entré avec ce nom, voilà. Or, quand ce genre de choses lui arrivent, un écrivain n'y peut plus rien : il doit obéir. "A qui ?" est tenté de grogner Maigret. Mais Simenon, si génial qu'il est, n'a pas la réponse : c'est ainsi, pour lui comme pour tant de ses confrères en écriture. S'il n'obéissait pas, il lui deviendrait impossible d'écrire.

"Les Mémoires de Maigret", que l'on peut considérer comme une oeuvre mineure dans la geste maigretienne, n'en reste pas moins tout à la fois un formidable hommage à la Police et aux policiers, depuis l'agent en pèlerine qui existait encore à l'époque jusqu'au "Patron" suprême, dans son bureau du 36, et une tentative de réflexion et d'explication sur l'écriture. L'hommage, lui, est pratiquement complet. A se demander si Simenon n'a pas rêvé un jour de se faire policier ! ... ;o) La tentative, elle, reste une tentative car, si approfondie que puisse être la réflexion d'un écrivain, quel que soit son talent, voire son génie, sur la force qui le pousse, elle ne saurait jamais prétendre à l'exhaustivité. Il y a un mystère dans l'écriture, pas seulement dans le "style" que l'on se crée ou dans l'univers qu'on imagine, mais aussi dans l'interpénétration qui s'effectue entre le créateur et ses créatures. Si Balzac est Rastignac, il est aussi Vautrin comme il est Mme de Mortsauf ou le Père Goriot. Et, avec tout ça, il est aussi et avant tout ... Balzac. de même pour Simenon, qui est Maigret mais aussi l'impossible Valentine Besson, la douce Mme Maigret, le charretier meurtrier de "La Providence" ou Pietr-le-Letton et même Maria, ce "fauve" à qui il fait placer des fleurs dans sa chambre d'accouchée bien qu'elle ait pris son plaisir à torturer et à tuer.

Ce mystère-là, Maigret lui-même ne saurait le résoudre. Simenon encore moins. C'est une force qui va, qui rêve, qui s'impose, qui vous tourmente, qui vous fait la tête alors que vous êtes innocent de tout crime envers elle, qui vous submerge et qui va jusqu'à faire semblant, parfois, comme ça, pour rire ou, qui sait ? par pur sadisme, de vous abandonner. Voilà : elle a disparu. Vous êtes soulagé, n'est-ce pas ? ... Non. Justement. Vous n'êtes plus vous-même. Vous êtes un écrivain : vous êtes cette force et cette force, c'est vous. Si elle disparaît, vous disparaissez.

"Les Mémoires de Maigret" sont donc, selon nous, à lire surtout sous cet angle double : la réflexion sur la vocation de policier - et sur celle d'écrivain. Dans les deux cas, pour les vrais, pour les enragés, deux sacerdoces. On entre dans la Police comme on entrerait dans les ordres ... ou comme on entre en écriture. Simenon en avait certainement conscience mais, auteur à succès, qui écrivait sans se relire et que La Pléiade attendit longtemps, peut-être trouvait-il un peu ridicule de l'exposer aussi nettement. Il se contente donc de nous le laisser entendre dans ce récit bourré d'anecdotes et plein d'humour. A lire tranquillement, mais n'oubliez pas : il n'y a ici aucune intrigue policière, rien que deux questions non résolues à ce jour : pourquoi l'écrivain écrit-il et pourquoi diable ses personnages finissent-ils, un jour ou l'autre, par lui réclamer de prendre la parole tout seuls, comme des grands ? (Si vous trouvez la solution, vous nous prévenez, hein ? on compte sur vous !) ;o)
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Le modèle du commissaire Maigret se livre : il n'est autre que Maigret lui-même, le vrai. Car l'auteur, un certain Sim, ne s'est pas contenté de l'épier, poursuivre, déformer, caricaturer : il lui a aussi volé son patronyme.

Donc Maigret, enfin retraité, prend la plume pour régler son compte à l'outrecuidant (devenu depuis un ami) : il a à coeur de rectifier les erreurs, corriger les inexactitudes, remettre en perspective.... Il y va de son identité même qu'un plagiaire lui a volée, un plagiaire de vie...

Et finalement, l'image qui se dessine.... mais laissons parler madame Maigret : "En somme, je ne vois pas tellement de différence (...) entre ce que tu racontes de toi et ce que Simenon en a dit."

Tant il est vrai que les inexactitudes rendent la vie plus vraisemblable.
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Maigret coule une retraite bien méritée, au fin fond du Loiret.
Il décide de mettre à profit le temps dont il dispose désormais, pour aller occuper les rond-p...pour écrire ce qui ressemble à des mémoires.
Il revient ainsi sur le Maigret issu de l'imagination de Simenon qui selon lui, ne correspond pas à la réalité, bien plus prosaïque et ennuyeuse. Il reproche ainsi à l'auteur d'avoir enjolivé les enquêtes, tu les planques interminables, les visites de garnis, les dizaines de kilomètres parcourus...bref, le quotidien du flic.

Il nous décrit son parcours : départ de province, études, entrée par hasard dans la police, premières années à arpenter les trottoirs de la capitale...jusqu'au Graal, la nomination comme Inspecteur à la Brigade spéciale.
Maigret récuse le rôle de héros et le roman s'achève sur une ode au métier obscur mais noble, de fonctionnaire.

Les belle-mères ont parfois du bon.
Comme l'indique Simenon dans ses Mémoires intimes, c'est parce que belle-maman (il vient juste de divorcer de Régine puis de se remarier dans la foulée avec Denise) qui passe un peu de temps avec eux, est une bavarde impénitente, que l'auteur, incapable de se concentrer avec ce babillage incessant, décide d'écrire un sujet facile, sans intrigue.
C'est ainsi que naissent ces "Mémoires de Maigret" écrites entre le 19 et le 26 septembre 1950 (oui, vous avez bien lu : 8 jours !) à Lakeville, au Connecticut.

Simenon n'avait guère de considération pour les romans faisant intervenir ce Commissaire qui allait pourtant grandement contribuer à sa gloire (et infliger aux téléspectateurs, de longues séances d'ennui avec un Jean -je ne suis qu'une moue molle-Richard).
Ce roman présente pourtant de l'intérêt.

D'abord, il donne de l'épaisseur au personnage de Maigret en complétant les éléments de la vie du Commissaire, certains entièrement nouveaux, d'autres disséminés çà et là de l'oeuvre.
La rencontre de Maigret et de sa femme, la perte de leur enfant délicatement évoquée...autant de détails qui donnent du corps et humanisent ce personnage fictif.

Ensuite, Simenon utilise assez brillamment et avec beaucoup d'humour, une astuce littéraire consistant à brouiller la frontière entre l'auteur et sa créature. S'exprimant à la première personne, Maigret s'adresse au lecteur pour rétablir certains faits. C'est donc le "vrai" Maigret, qui corrige quelques excès de plume du jeune Sim (pseudonyme utilisé par l'auteur à ses débuts), si sûr de lui-même, si apparemment désinvolte (mais qui deviendra pas moins son ami).

Une oeuvre atypique, mais conduite avec brio. Simenon s'amuse, ce n'est pas si fréquent.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Il s'agit de connaître.

Connaître le milieu où un crime est commis, connaître le genre de vie, les habitudes, les moeurs, les réactions des gens qui y sont mêlés, victimes, coupables et simples témoins.

Entrer dans leur monde sans étonnement, de plain-pied, et en parler naturellement le langage.

C'est aussi vrai s'il s'agit d'un bistrot de La Villette ou de la Porte d'Italie, des Arabes de la Zone, des Polonais ou des Italiens, des entraîneuses de Pigalle ou des mauvais garçons des Ternes.

C'est encore vrai s'il s'agit du monde des courses ou de celui des cercles de jeu, des spécialistes des coffres-forts ou des vols de bijoux.

Voilà pourquoi nous ne perdons pas notre temps quand, pendant des années, nous arpentons les trottoirs, montons des étages ou guettons les voleuses des grands magasins.

Comme le cordonnier, comme le pâtissier, ce sont les années d'apprentissage, à la différence qu'elles durent à peu près toute notre vie, parce que le nombre des milieux est pratiquement infini.

Les filles, les voleurs à la tire, les joueurs de bonneteau, les spécialistes du vol à l'américaine ou du lavage de chèques se reconnaissent entre eux.

On pourrait en dire autant des policiers après un certain nombre d'années de métier. ... [...]
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Quand on parle du flair d'un policier, ou de ses méthodes, de son intuition, j'ai toujours envie de riposter :
-- Et le flair de votre cordonnier, votre pâtissier ?
L'un et l'autre ont passé par des années d'apprentissage. Chacun connaît son métier, tout ce qui touche à son métier.
Il n'en est pas autrement d'un homme du quai des Orfèvres. Et voilà pourquoi tous les récits que j'ai lus, y compris ceux de mon ami Simenon, sont plus ou moins inexacts.
Nous sommes dans notre bureau, à rédiger des rapports. Car ceci aussi, on l'oublie trop souvent, fait partie de la profession. Je dirais même que nous passons beaucoup plus de temps en paperasseries administratives qu'en enquêtes proprement dites.
On vient annoncer un monsieur d'un certain âge qui attend dans l'antichambre et qui paraît très nerveux, qui veut parler tout de suite au directeur. Inutile de dire que le directeur n'a pas le temps de recevoir tous les gens qui se présentent et qui, tous, tiennent à s'adresser à lui personnellement, car à leurs yeux leur petite affaire est la seule importante.
Il y a un mot qui revient si souvent que c'est une ritournelle, que le garçon récite comme une litanie : " C'est une question de vie ou de mort. "
-- Tu le reçois, Maigret ?

Georges SIMENON, "Les Mémoires de Maigret", Presses de la Cité (réédition Le Livre de Poche) 1950, chapitre 7.
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[...] ... Je fus désigné aux gares. Plus exactement je fus affecté à certain bâtiment sombre et sinistre qu'on appelle la gare du Nord.

Comme pour les grands magasins, il y avait l'avantage d'être à l'abri de la pluie. Pas du froid ni du vent, car il n'y a sans doute nulle part au monde autant de courants d'air que dans un hall de gare, que dans le hall de la gare du Nord, et, pendant des mois, j'ai fait, pour les rhumes, concurrence au vieux Lagrume.

Qu'on n'imagine surtout pas que je me plaigne et que je brosse avec une complaisance vengeresse l'envers du décor.

J'étais parfaitement heureux. J'étais heureux quand j'arpentais les rues et je ne l'étais pas moins quand je surveillais les soi-disant kleptomanes dans les grands magasins.

J'avais l'impression d'avancer chaque fois d'un cran, d'apprendre un métier dont la complexité m'apparaissait chaque jour davantage.

En voyant la gare de l'Est, par exemple, je ne peux jamais m'empêcher de m'assombrir, parce qu'elle évoque pour moi des mobilisations. La gare de Lyon, au contraire, tout comme la gare Montparnasse, me fait penser aux vacances.

La gare du Nord, elle, la plus froide, la plus affairée de toutes, évoque à mes yeux une lutte âpre et amer pour le pain quotidien. Est-ce parce qu'elle conduit vers les régions de mines et d'usines ?

Le matin, les premiers trains de nuit, qui s'en viennent de Belgique et d'Allemagne, contiennent généralement quelques fraudeurs, quelques trafiquants au visage dur comme le jour vu derrière les verrières.

Ce n'est pas toujours de la petite fraude. Il y a les professionnels des trafics internationaux, avec leurs agents, leurs hommes de paille, leurs hommes de main, des gens qui jouent gros jeu et sont prêts à se défendre par tous les moyens.

Cette foule-là s'est à peine écoulée que c'est le tour des trains de banlieue, qui ne viennent pas de villages riants comme dans l'Ouest ou dans le Sud, mais d'agglomérations noires et malsaines.

En sens inverse, c'est vers la Belgique, la plus proche frontière, qu'essaient de s'envoler tous ceux qui fuient pour les raisons les plus diverses. ... [...]
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Pour moi, un homme sans passé n’est pas tout à fait un homme. Au cours de certaines enquêtes, il m’est arrivé de consacrer plus de temps à la famille et à l’entourage d’un suspect qu’au suspect lui-même, et c’est souvent ainsi que j’ai découvert la clé de ce qui aurait pu rester un mystère.
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La vérité ne paraît jamais vraie. Je ne parle pas seulement en littérature ou en peinture. Je ne vous citerai pas non plus le cas des colonnes doriques dont les lignes nous semblent rigoureusement perpendiculaires et qui ne donnent cette impression que parce qu’elles sont légèrement courbes. C’est si elles étaient droites que notre œil les verrait renflées, comprenez-vous ?
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