Ma première rencontre avec
Dan Simmons avait été un ratage complet. Il faut dire que j'avais découvert l'auteur en lisant "
Flashback", roman que l'auteur a oublié d'écrire pour déverser son fiel contre les démocrates, les écolos etc... Mais derrière le tract du tea party, il était facile de percevoir d'indéniables qualités : imagination fertile, idées géniales, sens du rythme parfaitement maîtrisé, ampleur des séquences d'action... Simmons et moi étions partis sur de mauvaises bases mais, pour preuve que je savais que cela était dû à un mauvais choix de roman, "l'échiquier du mal" et "Hyperion" étaient tout de même venus rejoindre ma PAL. A la faveur d'une lecture commune, c'est un autre titre qui est venu me réconcilier avec Simmons. Et de belle façon.
"
Ilium" est énorme. Dans tous les sens du terme.
Le roman est composé de trois histoires parallèles. dans l'une on est plongé au coeur de la guerre de Troie aux côtés d'un homme du 20ème siècle, spécialiste de l'Iliade. Dans une autre, on suit deux robots passionnés de littérature, échoués sur Mars. Enfin, dans la dernière on accompagne le périple d'un groupe d'humains du futur, oisifs et habitués à être assistés, qui vont découvrir la valeur de la vie.
Ces trois histoires vont plus ou moins se rejoindre, trouver des résonances les unes dans les autres.. Simmons mène ces trois récits avec brio. Pas une seconde d'ennui au cours de ces plus de 800 pages.
La partie grecque est épique, riche en combats jouissifs et on prend beaucoup de plaisir à voir l'Iliade ainsi revisitée. Les aspects futuristes, comme les nanotechnologies, s'intègrent étonnamment bien dans l'ambiance mythologique antique. L'auteur fait preuve d'une belle érudition, dépeignant la vie antique avec justesse et manifestement il connait son Iliade sur le bout des doigts.
En contant le périple de Mahnmut et Orphu, les deux robots (ou plutôt devrait-on dire biomécanismes), Simmons fait là aussi preuve d'une culture impressionnante, cette dois dans le domaine de la littérature. Loin d'être lourdes ou ennuyeuses, les réflexions des deux personnages sur
Proust et
Shakespeare sont passionnantes. Je ne pensais pas qu'un roman de SF pourrait me donner envie de lire "à la recherche du temps perdu". Simmons l'a fait ! L'aventure de Mahnmut et Orphu, plutôt contemplative, fait la part belle à leurs dialogues et à leurs pensées . Ces personnages biomécaniques se révèlent finalement plus humains, paraissent plus incarnés que les héros de l'Iliade, prisonniers des archétypes qu'ils représentent. Orphu et Mahnmut échangent des idées, se chamaillent, se déclarent leur amitié, parlent de leurs goûts, se vexent, s'entraident... Comme de vrais gens. Contrairement aux troyens et aux achéens qui ne se définissent que par la guerre.
La 3ème histoire est tout aussi palpitante. C'est une sorte de récit initiatique, à l'échelle de l'Humanité. L'humain est ici entièrement dépendant de ses serviteurs (être continuellement servi revient à être asservi) et devra réapprendre à vivre par lui-même. le voyage du petit groupe d'humains qui ouvre cette voie est riche en action et en rebondissement.
"
Ilium" est un récit très touffu, parsemé d'idées géniales, à la fois épique, poétique, érudit, parfois drôle, mené de main de maître jusqu'à un climax dingue. Brillant !
Challenge Multi-défis 2016 - 46 (un péplum)
Challenge Atout-prix 2016 - 8 (Locus 2004)
Challenge ABC 2016-2017 - 4/26
Challenge Pavés 2016-2017 - 1