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Marie-Pierre Bay (Traducteur)
EAN : 9782253126676
402 pages
Le Livre de Poche (14/10/2009)
4.34/5   89 notes
Résumé :
"Dans notre maison de Varsovie, au 10, rue Krochmalna, vivait un couple âgé. […] Mais les voisins racontaient que, malgré leur âge avancé, ces deux-là étaient toujours amoureux l’un de l’autre… Or soudain, une rumeur se mit à circuler qui scandalisa tout le monde : les deux vieillards allaient divorcer ! La rue Krochmalna était sens dessus dessous…"

Isaac Bashevis Singer nous raconte ici ses souvenirs d’enfance dans la Varsovie juive d’autrefois. Son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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De courts chapitres, des nouvelles, ou Bashevis Singer raconte son enfance, sa premiere adolescence, et la societe ou il se mouvait, avant et pendant la premiere guerre mondiale. C'est un petit hassid aux papillottes rousses, en caftan long, chaussettes blanches jusqu'aux genoux, calotte ou autre couvre-chef, qui va s'ouvrir peu a peu a des idees plus modernes que celles de ses parents (Le hassidisme est un courant mystique juif datant du 18e siecle, dirige par des dynasties de rabbins considerees saintes et miraculeuses).

Beaucoup de ces nouvelles decrivent des gens de son entourage, a Bilgoray ou habitent ses grands-parents et surtout a Varsovie. Leurs gagne-pains, leurs faits et gestes, leurs habitudes, les problemes pour lesquels ils viennent voir son pere, le rabbin du quartier. L'ensemble revele une societe juive hassidique fermee, qui s'isole volontairement de son entourage et est pratiquement deconnectee des changements qui surviennent autour d'elle. Une societe figee, gelee.


J'ai surtout apprecie les portraits qu'il fait de sa famille proche, telle qu'elle se revele le long des chapitres. le pere ne savait parler ni la langue du pays, le polonais, ni celle du pouvoir, le russe. Il n'a donc pu briguer un poste de rabbin “officiel", sa maison fait office de tribunal a l'ancienne, et il vit pauvrement de ce que veulent bien lui donner ceux qui viennent le consulter. C'etait un homme d'une grande droiture, qui savait ecouter, influencer et convaincre: “Je devais souvent constater à quel point mon père, avec des paroles simples, savait mettre en déroute la mesquinerie, les stupides ambitions, le ressentiment et l'orgueil”. Mais, ignorant de toute matiere “profane”, ferme a toute modernite, a toute nouvelle forme de pensee, aux nouvelles ideologies, bundisme, socialisme, communisme, sionisme, il ne pouvait opposer qu'injures aux nouveaux courants de la modernite juive. “En raison de ses idées émancipées, mon frère Israël Joshua trouvait difficile de discuter avec mon père dont la seule réponse était : « Incroyant ! Ennemi d'Israël ! ». Et quand le jeune Isaac se met lui aussi a lire autre chose que de l'exegese talmudique :” Je me rappelais que mon père disait toujours : « Que le nom de Spinoza soit effacé à jamais ! »”.

La mere, Bathsheba, etait fille de “mitnagdim", des orthodoxes plus rationalistes qui rejetaient le mysticisme et l'extase du hassidisme. Son mari dira d'elle: “« Ta mère tient de son père, le rabbin de Bilgoraj. C'est un véritable érudit, mais aussi un rationaliste, un homme de sang-froid. On m'avait mis en garde avant nos fiançailles… » Et mon père leva les bras au ciel, comme pour signifier : il est trop tard, maintenant, pour décommander le mariage…”. C'est que, tres instruite, elle peut presque rivaliser avec le pere: “Elle connaissait d'anciens sortilèges et utilisait des expressions héritées de générations de grands-mères et de mères dévouées. […] de temps à autre, elle nous faisait bénir pour nous préserver du mauvais oeil. Cela ne l'empêchait pas d'étudier Les Devoirs du Coeur, le Livre de l'Alliance et autres ouvrages philosophiques sérieux”. (Les Devoirs du Coeur est un livre d'ethique redige au 11e siecle par le philosophe espagnol Bahya Ibn Paquda. le Livre de l'Alliance, publie au tout debut du 19e siecle par Pinhas Eliyahu Horovitz, essaie de reconcilier la science et la foi). Et elle est tres critique envers les “Rebbe", les chefs hereditaires de dynasties hassidiques: ”Comme d'habitude, mon père prit la défense du Rabbi : « Il est possible qu'un saint soit incapable de faire certains miracles. » Sur quoi ma mère dit : « Comment quelqu'un de stupide pourrait-il être un saint ? — Continue ! Corromps les enfants ! dit mon père. — Je veux que mes enfants croient en Dieu, pas en un imbécile, répliqua ma mère. — D'abord, c'est le Rabbi de Radzymin, demain ce seront tous les Rabbis et après, Dieu nous en préserve, le Baal Shem lui-même ! » s'exclama mon père. Il avait raison. Mon frère continuait à s'habiller comme un hassid, mais cela ne l'empêchait pas de passer de plus en plus de temps à lire des livres profanes, peindre et discuter longuement avec ma mère, à qui il parlait de Copernic, Darwin et Newton, sur lesquels elle avait déjà lu des choses dans des livres en hébreu. Elle manifestait une prédilection pour la philosophie et ripostait aux arguments de mon frère par des raisonnements semblables à ceux dont les philosophes religieux se servent encore aujourd'hui”.

Et c'est justement son frere, Israel Yehoshua, le revolte, qui l'introduira a de nouvelles idees, a de nouvelles facons de vivre, a la litterature, ce frere qui deviendra son mentor. “Du côté des Juifs « éclairés », il parlait d'un ton acerbe, avec une grande clarté, en proférant quelques plaisanteries malgré son dilemme personnel. C'était difficile de savoir en réalité pour qui il était vraiment. Bien qu'opposé à une piété étroite, il connaissait parfaitement les défauts d'une vie profane. N'était-ce pas cela qui avait provoqué la guerre ? de tendance socialiste, il était en même temps trop sceptique pour avoir beaucoup de foi en l'humanité. Mon père disait de lui : « Ni pour ce monde ni pour celui à venir… » […] Malgré mon jeune âge, je comprenais bien son problème : il s'était éloigné de la tradition mais ne trouvait rien dans les temps nouveaux qu'il pût dire bien à lui. Tout en ayant « divorcé » des coutumes juives, il restait un Juif pour les chrétiens”.


Romancant ses souvenirs d'enfance, Bashevis Singer a un regard bienveillant envers tout ce petit monde qu'il croise a Varsovie, le petit monde de la proletaire rue Krochmalna. Ses pages nous concretisent des personnages, bons ou mauvais, mais jamais terribles au point de ne pas aspirer a une redemption. Il decrit une societe studieuse et en meme temps ignorante, travailleuse et en meme temps apathique, commercante et en meme temps endormie, ses joies et ses peines, sa peur du changement, un changement qui s'y engouffre subrepticement. Derriere un semblant d'ordre eternel fremissait l'incertitude, l'insecurite de l'existence juive. Les temps nouveaux recelaient de grands dangers et de grands espoirs. le debut du 20e siecle s'averait, pour les juifs aussi, un temps revolutionnaire.


Et Bashevis Singer nous raconte aussi son propre eveil, influence par son grand frere. L'eveil a la litterature, qui lui revelera un horizon insoupconne; qui le fera sortir du monde etrique, condamne, du “tribunal" de son pere, meme s'il en garde une certaine nostalgie: “À l'époque, j'avais commencé à découvrir les écrivains yiddish, Mendele Mocher–Sforim, Sholem Aleichem, Peretz, Asch, Bergelson, mais je n'avais pas encore lu tous leurs livres. Je découvrais avec enthousiasme la poésie de Bialik, Tchernichovski, Jacob Cohen et Schnéour – et mon désir d'en connaître davantage était insatiable. Et je n'avais jamais oublié les deux volumes de Crime et Châtiment qui m'avaient tant intrigué, même si je ne comprenais toujours pas bien du tout ce que je lisais. […] À l'époque, l'Amérique nous envoyait des sacs de farine et des traductions en yiddish d'écrivains européens – et ces livres me fascinaient. Je lisais Reisen, Strindberg, Don Kaplanovitch, Tourgueniev, Tolstoï, Maupassant et Tchékhov. Je dévorai en un seul jour le Bien et le Mal d'Hillel Zeitlin. Zeitlin y résume l'histoire du monde et l'histoire de la philosophie, y compris la philosophie des Juifs. Un peu plus tard, je découvris Spinoza. Je me rappelais que mon père disait toujours: « Que le nom de Spinoza soit effacé à jamais ! »”.


Toutes ces esquisses, ces souvenirs romances, au regard (faussement) candide, donnent en definitive un beau livre, bien que je l'aie ressenti des fois repetitif dans ses portraits, y ayant vu des longueurs. Mais l'ecriture, qui se veut simple et sobre, developpe une harmonie formelle, etheree. Un livre doux et naif, tout en tendresse, sans aucune aigreur, d'ou perce toute l'humanite de ce grand conteur qu'etait Bashevis Singer.
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Un des derniers grands écrivains de langue yiddish, Isaac Bashevis Singer a reçu le prix Nobel de littérature en 1978. Tout est autobiographique dans ce livre qui est pourtant un véritable roman : celui de son enfance en Pologne, que Singer – né à Leoncin en 1904, arrivé à Varsovie à l'âge de quatre ans après une étape à Radzymin – fait revivre ici, puisant aux sources de ses souvenirs ; roman surtout de la rue krochmalna et de la communauté juive hassidique de Varsovie, du début du XXe siècle jusqu'à la fin de la première guerre mondiale ; chronique d'une « justice de paix » (j'emprunte la formule, très juste, à Jeanparapluie) incroyablement vivante, souvent cocasse mais un brin corrosive également, restituée par la force candide d'un regard d'enfant voyant arbitrer son père, puis par celui plus averti d'un adolescent qui s'ouvre au monde et à la vie.

Comment ne pas s'attacher immédiatement à ce petit garçon timide en papillotes rousses et caftan rapiécé qui s'instruit autant en écoutant aux portes qu'en potassant la Mishnah et la Guemarah ? Que son édification religieuse destinait par tradition au rabbinat et que sa curiosité instinctive va conduire au-delà du Talmud vers d'autres lectures plus profanes et, peu à peu, à l'écriture. Tel est le fil conducteur tissé dans cette multitude de récits minuscules mais édifiants.

10, rue Krochmalna où la famille est installée, le rabbin, son père, homme d'études observateur scrupuleux de la Loi et arbitre d'une justice humaine au Beth Din, et la rebbetzin, sa mère, accueillent toutes les petites et grandes misères de leurs coreligionnaires et partagent tous leurs secrets. le rabbin traite conflits et querelles de la vie ordinaire comme les sujets plus graves et son fils est non seulement le témoin privilégié de tous les arrangements, de toutes les cérémonies, de tous les rituels religieux - de la naissance jusqu'à la mort - mais surtout le spectateur fasciné du théâtre de toutes les folies, extravagances, bontés ou mesquineries que l'humanité est capable d'inventer.

Mais où est Dieu s'inquiète l'enfant ? Il est omniprésent, jusque dans la moindre parcelle de poussière, lui répond son père... Dieu, patrie possible pour ceux que le sentiment d'exil habite depuis toujours ? Le rabbin s' oppose aux idées nouvelles (sionisme, socialisme) et s'irrite de la "corruption" qui ne cesse de gagner les esprits et les moeurs. Mais, acquis aux idées progressistes, son fils aîné, Israël Joshua, attiré d'abord par la peinture devient journaliste et va jouer un rôle important, voire décisif, dans l'évolution du jeune Isaac.

Pathos et nostalgie tenus à distance, l'humour et le talent de conteur de Singer, son style d'une belle et sobre simplicité, la qualité extraordinairement évocatrice du texte, suffisent à plonger le lecteur avec délectation dans cet univers rabbinique unique - une vraie découverte -, et celui, industrieux et modeste, des artisans et des boutiquiers d'une Varsovie entièrement disparue où se côtoient, en polonais, yiddish et russe, sans se fréquenter pour autant, les juifs et les chrétiens quand caracolent encore, à travers les rues, les cosaques du Tzar.

Il y a plus : l'empathie qui s'établit spontanément avec l'enfant, met presque le lecteur dans la position de complice, l'oreille collée derrière la porte en sa compagnie pour surprendre ou tenter de deviner, avec lui, les secrets des adultes. Un art de l'auteur à faire resurgir des réminiscences lointaines appartenant sans doute au fonds commun de l'enfance. Devenu porteur d'échos au fil des pages, Isaac Singer se fait ainsi le messager plus universel des quêtes de tous ceux qui, pour prendre leur envol, doivent s'affranchir un jour d'une forte tradition. Le vent de l'histoire rend ce livre encore plus bouleversant dans son dernier quart, lorsque le coup de feu anarchiste tiré à sarajevo, le 28 juin 1914, annonce manifestement la fin d'une époque pour toute une communauté alors que débute dans la vie un jeune écrivain exceptionnel. Magnifique.

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Un petit chef-d'oeuvre d'observation, de finesse, d'humanisme et d'écriture? Chaque phrase est un joyau. Non seulement nous pénétrons dans l'univers d'abord du petit village de Pologne, puis de la petite rue du quartier juif de Varsovie, où le père exerce le métier de rabbin, c'est-à-dire de confident et de juge de paix, non seulement, donc, nous découvrons l'univers et la culture des juifs polonais pauvres de l'avant-guerre, mais aussi les coins et les recoins de l'âme humaine, les trésors des petites gens, grandeurs et mesquineries comprises, et l'étrange rapport que les Juifs entretiennent, grâce à l'humour, avec un Dieu qui en est totalement dépourvu.
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Au tribunal de mon père, par Isaac Bashevis Singer. Souvenirs d'enfance de l'écrivain juif polonais qui a écrit la plupart de ses livres en yiddish, pourtant une langue essentiellement orale. le jeune narrateur habite au 10, rue Krochmalna à Varsovie, au début du XXe siècle. Troisième d'une fratrie de quatre enfants, il a huit ou dix ans au début, quand il témoigne de l'activité de son père, douze ans quand la Première Guerre éclate et quatorze-quinze ans quand la famille quitte Varsovie occupée par les Allemands et où l'on a faim, pour Bilgoray en zone occupée par les Autrichiens et où reside sa nombreuse famille maternelle.
Ses parents et une bonne part de la Varsovie juive sont des Juifs orthodoxes, des hassidim, extrêmement pieux et traditionnels dans leur coutumes, le caftan de laine ou de soie jusqu'au bas des jambes, les bas blancs qui remontent haut, le chapeau à larges bords, la barbe non taillée, pour les hommes, la perruque et la maison pour les femmes. Ceux qui raccourcissent le caftan ou taillent leur barbe sont des Juifs modernisés, gagnés par des idées socialistes ou des idéaux sionistes. Des étrangers pour le hassid ! Pour lui, seule compte la maison d'études talmudiques.
Le père du narrateur est un rabbin, responsible d'un tribunal rabbinique (un Beth Din) : ce n'est pas là qu'est rendue la justice civile, mais c'est là que l'on vient s'assurer de la confirmité de ses actes, manger, épouser, divorcer, hériter, ou de ses pensées avec la religion, moyennant quelques pièces qui font vivre la famille. le père est un érudit, il connaît les Textes, les étudie et les commente en permanence.
Un exemple parmi des dizaines d'autres, un fiancé convoque sa fiancé devant le rabbin. Elle vient avec son père. le jeune homme, à qui il est reproché d'être un coureur et un flambeur, veut rompre les fiançailles car sa fiancée n'en veut qu'à son argent, et son père encore plus. Pére et fille acceptent la rupture mais ne veulent pas rendre les cadeaux offerts à la fiancée. le rabbin doit trouver une solution à cette situation inédite : les fiançailles seront rompues, les bijoux ne seront pas rendus, les deux parties s'engageront par écrit à demander pardon. La jeune fille semble pourtant encore amoureuse.
Mais plus souvent, il s'agit d'histoires centrées sur le rituel, l'observance : peut-on manger une viande tombée par mégarde dans une casserole où bout du lait (selon la Loi, on ne doit pas faire cuire l'agneau dans le lait de sa mere, soit ne pas mélanger viande et laitage dans le même repas) ? Comment une mere peut-elle accepter que son fils qui s'est suicidé soit enterré de façon indigne et non comme tout le monde ? Que faire face à une femme qui prête serment sur les rouleaux de la Torah (suprême blasphème en soi, déjà), et prétend dire la vérité alors qu'elle finit par avouer qu'elle ment et voudrait se repentir ? Un homme qui vit misérablement dans une cave, peut-il dormir à côté de sa femme morte, pour ne pas coucher à terre au milieu des rats, l'inhumation ayant lieu le lendemain ? Est-il permis d'épouser une prostituée si on l'aime ? Voilà le genre de questions auxquelles le rabbin doit trouver des réponses inspirées par sa grande connaissance des textes sacrés.
La plupart des livres d'Isaac Bashevis Singer ont été écrits en Yiddish, qui est d'abord une langue orale. Dans quelle langue, celui-là, traduit de l'anglais, a-t-il été écrit dans sa version originale ? Quoi qu'il en soit, il est “écrit” et parfaitement bien écrit. Singer est un conteur, il excelle dans la nouvelle, et ce livre a l'apparence d'un recueil de nouvelles, mais c'est seulement une apprence. Il y a une grande continuité, il s'étale dans le temps et nous, invités dans toutes les règles de l'art, nous sommes happés, nous nous sentons là comme entrés par effraction, malgré toute cette humanité ainsi déployée. Ce livre est surtout un régal en termes d'observation subtile d'un monde à la fois archaïque et riche de sa culture, où les références au Livre côtoient des croyances païennes, aux dybbouk (démons), au Mal, aux cataclysmes, et où chacun se livre avec passion et souvent dans la démesure.
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Toutes les nouvelles d'Isaac Bashevis Singer sont délectables ! Contes et légendes, anecdotes et souvenirs, lire cet auteur est toujours un plaisir.
Je poste cette critique sur de nombreux ouvrages de Singer, car j'ai les mêmes sensations à la lecture de chacune de ses nouvelles : une impression de nostalgie, de liberté et de rigueur à la fois. Et puis la découverte de la communauté juive d'Europe de l'Est début XXe,ses croyances, son humour, sa bonté et ses travers. Un dépaysement.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Pendant que j'attendais mes souliers, la poussière et les mauvaises odeurs me faisaient tousser et je me rappelai quelque chose que mon frère avait dit à propos de ceux qui se tuent au travail pendant que d'autres prospèrent à ne rien faire. Je fus submergé par le sentiment de l'injustice du monde. Je pensais à ces jeunes gens qui travaillaient du matin au soir sans même parvenir à gagner de quoi se payer un morceau de pain, une chemise ou un berceau de bébé. Le cordonnier, je le savais bien, ne pourrait pas lutter indéfiniment. Tôt ou tard, il mourrait de tuberculose ou de typhus. Et le bébé, comment réussirait-il à grandir dans cette fumée, cette poussière, cette puanteur ?
L'opinion de mon frère était qu'il ne fallait plus de chef d'Etat du tout. Les Nicolas, les Guillaume, les Carol devaient être détrônés et remplacés par des républiques. Plus de guerre - mais, à la place, le règne du peuple... Pourquoi cela n'avait-il jamais été réalisé ? Pourquoi existait-il encore tant de monarques despotiques ?
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Vêtus de leurs habits du shabbat, les hommes buvaient du thé au citron et discutaient d'affaires hassidiques, ainsi que des évènements survenus dans le monde. La maison était imprégnée de l'odeur de la cire chaude, des épices bénies par mon père, ainsi que d'une atmosphère d'émerveillement et de miracle. Mon père, qui était un grand fumeur, attendait calmement, mais ardemment quand même, depuis le début du shabbat, le moment où il pourrait allumer une cigarette ou sa pipe. Ce soir-là, de la neige fraîche était tombée et le sol dehors paraissait anormalement brillant. Sur les vitres s'épanouissaient des fleurs et des palmes de givre qui me faisaient penser à la terre d'Israël. (Extrait de "Une histoire macabre).
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Les manières de l'"intelligentsia" me devenait de plus en plus familières. Je voyais que ces gens ne priaient pas, n'étudiaient pas dans des livres sacrés et ne récitaient pas les bénédictions. Ils mangeaient et de la viande et des plats au lait à un même repas et commettaient toutes sortes d'autres transgressions. Les filles posaient nues sans plus de gêne que si elles se déshabillaient dans leur chambre. En fait, cet atelier, c'était le jardin d'Eden, avant qu'Adam et Ève aient goûté au fruit défendu.
Cela représentait pour moi une immense différence avec le bureau de mon père. Dans mes livres, il n'y a qu'un pas à franchir entre la maison d'étude et la sexualité, et vice versa. Ces deux phases de l'existence humaine n'ont jamais cessé de m'intéresser. (Extrait de "L'atelier")
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En dépit de notre misère à la maison et de l'insécurité de la situation de mon père, les choses n'allaient pas mal pour moi. La jeune rebbetzin me donnait tout le temps des cadeaux. Je jouais dans la cour de notre maison et dans le verger tout proche, au milieu des groseilliers, des framboisiers et des cerisiers. De là, je contemplais l'horizon. Était-ce la fin du monde? Que s'y passait-il et qu'y avait-il au-delà? Qu'étaient donc le jour et la nuit? Pourquoi les oiseaux volaient-ils tandis que les vers rampaient? Je tourmentais ma mère avec mes questions. Mon père répondait toujours:
"C'est comme ça que Dieu l'a fait.
- Où est-il?
- Au ciel.
- Montre-le-moi.
- Ne sois pas stupide. Personne ne peut voir Dieu. " (Extrait de "De Radzymin à Varsovie).
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Mes pensées, qui n'étaient pas celles des autres petits garçons, me rendaient à la fois fier et solitaire. Et toujours restaient les questions fondamentales : Qu'est-ce qui était juste ? Que devais-je faire ? Pourquoi Dieu restait-il silencieux au Septième Ciel ? Un jour, un homme s'approcha de moi et me demanda : "Qu'est-ce qui t'arrive ? A quoi réfléchis-tu si fort ? Tu as peur que le ciel te tombe sur la tête ?" (Un jeune philosophe)
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