Une scène désertée par les acteurs, seuls face à face les spectateurs et les figurants sont dans une relation équivoque. Les premiers ne sont qu'attentes, les seconds ne peuvent offrir qu'un ornement au drame qui doit se jouer. C'est sur ce principe que fonctionne cette pièce. Petit à petit ceux qui n'avaient pas voix au chapitre vont oser prendre de l'épaisseur. Nous assistons à l'épanouissement d'individualités qui révèlent des trésors de fantaisie, d'imaginaire et de poésie. Mais Sinisterra joue d'une bien cruelle ironie en faisant apparaître le manuscrit du texte que les figurants sont en train d'énoncer, car ce qu'ils ce qu'ils avaient cru prendre pour une liberté offerte, se révèle n'être qu'une manipulation orchestrée par un auteur un tantinet pervers.
Pièce que l'on pourrait prendre pour une allégorie de notre condition de citoyen dans ces démocraties du 21e siècle.
Cette farce chaotique mériterait d'être jouée et rejouée.
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GARDE N° 1 : Pssst... ! Pssst !
(l'autre ne bronche même pas)
Psssst... ! (dans un chuchotement) Eh... ! Eeeeh !
GARDE N°2 ( de même) : Qu'est-ce qui se passe ?
GARDE N°1 (Idem) : C'est bien c'que j'dis : qu'est-ce qui se passe ?
GARDE N°2 (Idem) : Tais-toi.
(Un nouveau silence se produit. La tête du Garde n°1 se troune discrètement du côté où il est entré et revient, très vite, à sa position initiale.)
GARDE N°1 (Dans un chuchotement) Pourquoi ils ne sortent pas ? (silence) Eh, toi ! (Il tourne la tête vers le Garde n°2) Psssst... ! ( et la ramène de face)
GARDE N°2 (Idem) : Tu veux te taire ? (silence)
GARDE N°1 (Idem) : Qu'est-ce qui se passe ? (silence)
GARDE N°2 (Idem) : Rien
GARDE N°1 (Idem) : Et alors ? ( silence)
GARDE N°2 (Idem) : Et alors... quoi ?
GARDE N°1 (Idem) : Ben oui : quoi ? (silence)
GARDE N°2 (Idem) : Ben rien.
GARDE N° 1 (Idem) : Comment ça, rien ? (silence)
GARDE N° 2 (Idem) : C'est ça : toi et moi, rien.
(Ils élèvent légèrement le ton)
GARDE N°1 : Mais, et s'ils ne sortent pas ( silence)
GARDE N°2 : Ils sortiront bien.
GARDE N°1 : Et sinon ?
GARDE N°2 : Toi et moi, on se calme.
GARDE N°1 : On se calme ?
GARDE N°2 : Ils nous payent pour tenir la lance, oui ou non ?
GARDE N°1 : Oui, mais...
GARDE N°2 : Alors, tiens le coup et tais-toi. (silence)
GARDE N°1 : Et le public ?
GARDE N°2 : Ben quoi, le public ?
GARDE N°1 : Mais il est là, à attendre.
GARDE N°2 : Moi, je vois pas. La visière me cache les yeux.
GARDE N°1 : Mais moi, si, j'le vois.
GARDE N°2 : Et qu'est-ce qu'il fait ?
GARDE N°1 : Pour le moment il tient le coup, lui aussi.
GARDE N°2 : Eh ben, parfait. On est tous ici, et on tient tous le coup.
ACTE I [ les premières répliques ]
Arouf vous passe le Salem et qui pisse dans le vente se rince les dents