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Critique de Lucilou


J'ai le coeur tout retourné et un peu envie de pleurer aussi, voyez-vous. C'est que je viens de tourner la dernière page d'un album triste et beau qui m'a sacrément remuée et que j'ai adoré.

Abel est un vieil agriculteur qui s'occupe depuis des décennies de la ferme de ses parents et dont les frères sont tous partis. Il n'a jamais vécu ailleurs qu'à Reclesmes, ni connu autre chose que la ferme.
Cette vie, il n'en voulait pas.

Abel est très seul, il râle beaucoup et il y a beaucoup de choses qu'il n'a jamais osé dire ou faire. C'est qu'il est timide et derrière son air grincheux, il en a gros sur le coeur. Il a sans doute mal un peu comme si les regrets le grignotaient.
Lui, il aurait voulu partir et ne jamais revenir, devenir marin et prendre le large, voyager, mais par convenance, par devoir, par peur aussi peut-être, il n'en a rien fait. Il n'a pas osé.
Alors il rêve et se hasarde parfois à poser une question sur le Viêt-Nam à Madame Huang, la boulangère du village et tant pis si les autres se moquent de lui. de toute façon, ce ne sont rien que des cons.

Aujourd'hui pourtant, Abel est décidé: malgré son âge, il va partir. En Ethiopie.

"Le Voyage d'Abel", ce sont tout d'abord le dessin tout en émotion et qui d'un trait dit beaucoup, presque tout. Pas besoin de noircir et de colorer des pages et des pages quand l'essentiel affleure à chaque vignette, dans chaque élément du paysage, dans chaque expression d'Abel. C'est fort, c'est beau, c'est poétique, très contemplatif parfois mais vivant pourtant.
C'est ensuite une histoire poignante, celle d'une vie manquée et mon cœur se serre encore quand j'y songe et quand je pense que cette histoire a pu être celle d'autres Abel qui sont restés parce qu'il le fallait et qui n'ont pas osé s'écouter.
Ce sont des thèmes forts et peu fréquents, douloureux, tels que la solitude en milieu rural et les rêves perdus, traités avec une infinie tendresse, une grande finesse et beaucoup, beaucoup de sensibilité.
C'est enfin un personnage extrêmement attachant malgré ses éclats dignes d'un capitaine Haddock (mais bon sang qu'est ce qu'il a contre les borders-collie Abel? Ce sont les chiens les plus gentils du monde!) avec qui on voudrait partager un verre et la chaleur de l'amitié, de celle qui parfois aide à tenir encore un peu quand on est au bout du chemin et des regrets. Au bout de tous les voyages qu'on n'a pas fait.

De cette chronique triste et douce de la solitude d'un vieux paysan, on ne peut sortir indifférent.
Au contraire.
Et puis, si vous êtes comme moi enfant des campagnes, elle vous rappellera peut-être ce vieil Abel que vous aimez sans le lui avoir jamais dit.

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