AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782875684233
220 pages
Espace Nord (03/10/2019)
2.98/5   23 notes
Résumé :
« Des marchés où s’était épuisée notre arrière-grand-mère aux magasins de prêt-à-porter montés par nos parents, tout nous ramenait aux tailleurs juifs des shtetls de Pologne.
Quatre générations plus tard, on ne se fournissait plus dans le Sentier, à Paris, mais chez d’invisibles intermédiaires qui ramenaient la marchandise du Bangladesh, du Pakistan ou de Chine. Qu’importait la provenance des pièces, qui les avaient confectionnés et comment, nous devions reco... >Voir plus
Que lire après Un monde sur mesureVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
2,98

sur 23 notes
5
0 avis
4
3 avis
3
8 avis
2
2 avis
1
1 avis
Un monde sur mesure. Quel titre bien choisi !

Le monde de la mode. La mode est un monde et après lecture, on comprend mieux les arcanes d'un domaine qui semble tellement superficiel. Dans « Au Bonheur des Dames », Emile Zola pointe le formidable essor économique de Paris, la construction des boulevards haussmanniens et le développement des grands magasins où la fièvre acheteuse de la bourgeoisie crée quantité d'emplois dans la mode féminine. Ces temples du prêt-à-porter signent aussi la disparition des petits commerces.

Il y a des similitudes et des traits de caractère aussi.

Vêtements, habits, fripes, fringues, loques, chiffons, shmattès en yiddish.

C'est l'histoire très brève mais ô combien touchante de la saga familiale de l'auteure depuis les années 1920 jusque dans les années 2000. Son arrière-grand-mère paternelle, fille de tailleurs, émigre de Pologne à Charleroi (Belgique) où, pour survivre, elle se met à acheter et vendre ce qu'elle peut sur les marchés, sans renoncer à exercer un jour le métier familial. Ainsi démarre l'aventure belge qui, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, connaît des coupes sévères et douloureuses dans ses rangs.

Dans les années 1970, les parents de Nathalie nourris par leurs gênes, ouvrent un premier magasin de vêtements à Gand. Ils voient grand et s'adaptent très vite à une clientèle exigeante et changeante. La croissance du bien-être donne une impulsion très dynamique au commerce gantois qui va se démultiplier jusque dans Bruxelles. le père gère et la mère opère ses achats au Sentier à Paris, quartier mythique du textile où elle fait ses choix aussi bien chez les grossistes que chez les fabricants.

Avoir l'oeil et le flair est une condition sine qua non dans ce commerce qui se répand comme une traînée de poudre. La concurrence est rude, les clients veulent sans cesse de la nouveauté, ce qui est « tendance » mais pas comme tout le monde. le travail est inépuisable, acheter, stocker, étiqueter, changer les étalages, susciter l'attrait de la clientèle, lui donner l'envie de dépenser son argent.

Suivant la tradition, Nathalie travaille dans l'entreprise familiale durant sept ans comme directrice et coresponsable des achats. Accompagnant sa mère au Sentier, elle découvre ficelles et arrangements d'un métier qu'elle a toujours connu mais pour lequel elle ne se sent guère d'affinité.

Dur constat d'un monde qui l'est tout autant : « L'esprit de compétition nous aveuglait. Il nous faisait nous méfier de tous. Notre course seule ne nous intéressait pas, nous ne lui donnions de la valeur qu'à condition d'être mise en comparaison avec celle de nos rivaux. Nous n'étions grands et forts que par rapport aux faibles et aux petits Personne n'existait en soi. Seul l'autre avait la capacité de nous reconnaître. Une loi intangible jusqu'à l'absurde » (p. 160).

Les Juifs d'Afrique du Nord se sont bâti une solide réputation de bons faiseurs dans le Sentier. Dans les années 90, dépassés par leur succès, ils cherchent des ateliers d'appoint, de la main-d'oeuvre fiable, discrète, rapide et endurante. C'est ainsi que peu à peu les Chinois de Paris rachètent des locaux délaissés et deviennent les principaux fournisseurs en shmattès de la place.

Ainsi va la vie, tout change en permanence. Dans les années 2000, les parents Skowronek ont anticipé la crise économique et ont revendu leurs magasins. Les grandes enseignes internationales font à présent les délices de notre société de consommation. La concurrence est toujours aussi âpre. Les ateliers de confection des pays producteurs, clandestins ou non, sont construits à la va-vite et parfois un immeuble s'effondre et cause la mort de centaines et de centaines de personnes comme le Rana Plaza au Bangladesh en 2013. Remplacés aussitôt par d'autres. Sinistre retournement des valeurs, le profit domine la vie humaine.

Autre vie pour Nathalie, tenaillée par l'écriture. Son premier roman paru en 2011 « Karen et moi », touchante rencontre littéraire d'une petite fille avec l'oeuvre de l'auteure de « La Ferme africaine », est d'emblée finaliste de plusieurs prix littéraires belges, dont le Rossel.

Un Monde sur Mesure est le quatrième livre de cette auteure belge à la plume lisse, érudite et observatrice de son monde, extérieur et intérieur. A recommander chaleureusement.

Commenter  J’apprécie          592
On traverse "un monde sur mesure" de plusieurs générations d'une famille qui a vécu du et dans le vêtement ou plutôt dans les magasins.

Lors des anecdotes de vente, on pense parfois à des scènes de "la vérité si je mens" et aux ficelles pour refourguer le stock!. L'auteure, elle, cite plutôt «Au Bonheur des Dames»...à chacun ses associations.

Entre analyse sociologique et biographique, l'ouvrage ne trouve pas son créneau à mon goût, il intéressera les historiens de la fringue dont je ne suis pas.
Commenter  J’apprécie          221
Nathalie Skowronek est issue d'une famille juive qui travaille dans le commerce des « schmattès », des loques, un mot yiddish qui « vient de szmata, un chiffon en polonais ». Se représenter les juifs comme des tailleurs est presque un lieu commun. Armés d'une simple aiguille et de fil, ils arriveraient à se tirer des situations les plus difficiles. Dans la famille de Nathalie, on ne posait pas la question : « Que veux-tu faire plus tard ? », mais bien : « Tu veux faire quoi ? Tailleur pour hommes ou tailleur pour dames ? » Il n'est donc pas étonnant que notre romancière ait d'abord mis ses pas dans ceux de ses parents en exerçant le métier de « coresponsable des achats ».
Dans son livre, elle évoque cette lignée de commerçants, passant du sur-mesure au prêt-à-porter, vivant à Paris dans le quartier du Sentier, puis, en Belgique, où ont fleuri leurs magasins, à Bruxelles, Charleroi ou Gand. La petite fille y jouait et avait alors l'impression que la modeste boutique de soixante mètres carrés était un château recelant un véritable labyrinthe. On mettait les enfants à contribution, le plus souvent pour les occuper et les empêcher de faire des bêtises, plus que pour leur demander un service sérieux. Ainsi, les jours de braderie, on leur confie la mission de surveiller le portant des vêtements soldés, de diriger les clients vers une « vraie vendeuse »alors que la fillette rêvait de distribuer des conseils utiles ou de réaliser une vente importante.
Et voici toute une famille qui défile. Il y a l'arrière-grand-mère Lili, qui s'occupe surtout des fourrures, les grands-parents que l'on ne distingue que par leurs enseignes « Madame Vogue » et « Guedalia ». Ils se font une concurrence acharnée pour le simple plaisir de se faire enrager l'un l'autre. « Ils ne se parlèrent plus pendant trois mois, après que Guedalia, piqué par on ne sait quelle mouche et ne voulant rien entendre, avait recopié et commencé à vendre moins cher des pompons en fourrure semblables à ceux que vendait Madame Vogue ». Des autres grands-parents, Max et Rayele, l'auteur nous a déjà longuement parlé dans « Max en apparence ». Ils font, de temps à autre, de brèves apparitions. Enfin, il y a les parents, surnommés « Tina » et « Octave ». Quant à l'auteur elle-même, on la reconnaît tantôt sous les traits de la narratrice qui dit « je », tantôt, elle remonte le temps, se dédouble et devient « l'enfant » qu'elle regarde agir et décrit comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre. Arrivée à l'âge adulte, elle est très soucieuse de seconder sa mère, « Tina », l'intrépide « Dona Quichotte ». Car, d'un coup d'oeil, elle est capable de déterminer ce qui va plaire ou non, sans se tromper, ou très rarement. Elle tient la dragée haute aux fournisseurs, ces roublards soucieux de lui faire acquérir des lots qui ne l'intéressent pas. Dans l'ombre de cette battante , la « coresponsable des achats » est une fidèle « Sancha ».
Lorsque, enfin elle se permettra de laisser libre champ à sa véritable passion, l'écriture, elle utilisera encore souvent des expressions héritées du commerce familial. Elle retournera avec nostalgie et surprise sur les lieux de son passé. « Alors que l'ancienne enfant cherche la librairie Molière, une institution dans la ville, elle découvre que le boulevard Tirou se trouve juste au-dessous de la rue de la Montagne. A moins de deux cents mètres du magasin Vogue de ses jeunes années. Elle l'atteint en quelques minutes ; pas impossible que la librairie ait été visible depuis les étages de la rue de la Montagne. »
J'avais très envie de découvrir ce nouvel ouvrage de Nathalie Skowronek dont j'avais déjà lu avec plaisir les deux premiers romans. Voir son livre sélectionné dans la liste du prestigieux Prix Rossel était un gage de qualité. J'imaginais qu'elle raconterait l'histoire de sa famille, qui m'intéressait d'autant plus que mes propres grands-parents avaient, eux aussi, travaillé dans la confection. J'ai pourtant été un peu déçue, car l'auteur nous expose de nombreux aspects techniques très théoriques, utilisant moult mots en yiddish dont elle explique l'étymologie, attestant d'une très sérieuse documentation sur son sujet.
Mais moi, qui n'y connais rien, je m'y perdais très souvent. Il m'arrivait quelquefois de relire plusieurs fois le même passage sans m'en rendre compte ! Je préférais de loin les moments où elle se lance dans une vraie narration, faisant revivre les siens et racontant des situations vécues parfois très amusantes. Pour preuve, la catastrophe où un « ouvrier reçoit la tâche d'assembler des cols et des chemises qu'on vient de lui livrer en noir et en bordeaux. », Mais il ne comprend pas bien la consigne et mélange les deux coloris. Sauf que cette originalité des pièces bicolores attire un public qui s'arrache les vêtements, à tel point qu'ils « sont vendus dans l'heure et aussitôt remis en coupe. »
Le goût de l'auteur pour l'art plutôt que pour le commerce transparaît dans les innombrables allusions à la littérature. Évidemment, il y a le « Bonheur des Dames » de Zola, le livre qui vient immédiatement à l'esprit, mais on y trouve aussi Flaubert, Steinbeck, Albert Cohen, Annie Ernaux et surtout Proust, auquel elle consacre un chapitre entier . Évoquant des amoncellements de fripes le jour des soldes, elle met en scène et analyse les installations de Boltanski auxquelles elle les compare.
Le roman de Nathalie Skowronek n'était pas vraiment celui auquel je m'attendais. D'ailleurs, s'agit-il réellement d'un roman ? J'ai eu davantage l'impression de lire un documentaire. Donc, il ne m'a pas tellement plu.
Mis j'ai tort. En effet, cette oeuvre est bien écrite, remarquablement documentée et vraiment intéressante. Elle ne correspondait tout simplement pas à ce que je cherchais en m'y plongeant.
Commenter  J’apprécie          30
A partir d'une histoire de chiffons, de la confection juive au 20eme siècle en Europe, c'est un pan de l'Histoire qui est retranscrit avec beaucoup de délicatesse et de pudeur sous un angle différent.
C'est en effet un bel hommage de l'auteur à une tradition familiale, une histoire au-delà du simple cercle intime qui est retranscrit. Avec ses mots, ses souvenirs et sentiments personnels, elle fait revivre plusieurs générations d'immigrés juifs et de rescapés de la Shoah. On suit une saga familiale sur le 20eme siècle, et en filigrane les évolutions de la confection. C'est toute une société qui reprend vie et elle nous permet de plonger dans un cadre de vie, une histoire dans l'Histoire, des us et coutumes qui nous sont soient inconnus soient indéchiffrables lorsque l'on ne fait pas partie de cette communauté.
Le quartier du Sentier ne pourra plus être arpenté de la même manière une fois le livre refermé.

On finit par s'approprier le vocabulaire yiddish qui va au-delà de la simple description des objets. Les Schmattès ( tissus, chiffons) portent le poids de l'histoire. Ce terme était aussi employé nous apprend l'auteur par les allemands dans les camps d'extermination à la place des corps, des victimes, sous peine d'être frappé. Ces fripes, ces loques désignaient les déportés, ces « loques, ces déchets ».

D'autres références sont aussi intéressantes sur le plan artistique avec l'évocation du travail de Boltanski sur les fripes, l'amoncellement de vêtements ainsi que les références littéraires à Proust et Zola avec le roman « au bonheur des dames ». On prend plaisir à apprécier ces oeuvres dans le cadre du roman avec une nouvelle lecture parfois, une autre résonnance.

C'est aussi un monde très sensuel qui est décrit avec les étoffes, les mises en vitrine, les achats et magasins arpentés. On peut comprendre la peur de la contradiction avec le monde des lettres, où la valeur du livre est difficile évaluer, le désarroi de l'auteur à ses débuts dans un monde de l'édition qui ne semble pas fonctionner avec les mêmes codes. Cependant elle jaugera avec les mêmes repères que son ancienne « vie » au sein de la confection les librairies que les magasins de prêt à porter et boutiques de confection. Des passerelles se dessinent et son livre réconcilie ces 2 mondes.

Il est en effet question de l'histoire personnelle de l'auteur, de son tiraillement entre les lettres et le commerce, les deux ne lui semblant pas pouvoir cohabiter par peur de trahir les siens, en quittant le chemin tracé depuis des générations et avec le poids de la culpabilité en toile de fond (« le père Goriot » De Balzac étant négligemment posé par la grand-mère sur une table).

Le titre « un monde sur mesure » est terriblement juste et romanesque à la fois. Il évoque un monde passé qui n'existe plus à l'heure de la commande en ligne. Mais c'est également le regard de l'auteur sur sa famille, marquée par l'exil depuis le 20ème siècle, qui cherche à s'intégrer et dont l'histoire trouve écho dans d'autres exils.

Il y a enfin le portrait des deux tendances des survivants de la Shoah avec les deux branches familiales de l'auteur. Ceux qui vont de l'avant, les flamboyants, qui se couvrent « d'or qui protège » et ceux qui culpabilisent d'avoir échappé à la mort, d'être revenus ou d'avoir survécu, la peur d'être en trop.

En complément à la fin du roman, se trouvent deux très courts opus. Tout d'abord un entretien retranscrit avec l'auteur permet de creuser son travail, son cheminement. Il donne également l'envie de lire ses précédents romans présentés comme appartenant à une trilogie qui est une présenté comme une transmission à la base involontaire de la Shoah avec l'histoire familiale retranscrite sous différents angles dans ces 3 ouvrages « Karen et moi, Max, en apparence et un monde sur mesure). Avec ce témoignage, l'auteur s'inscrit dans la lignée de la 3eme génération des rescapés de la Shoah, ceux qui mettent des mots sur les drames familiaux, qui évoquent l'histoire d'une génération.

La postface également intégrée permet d'aller plus loin dans la compréhension du travail de l'auteur et donne d'autres clefs de lecture et des précisions historiques et littéraires pour un cadre plus général dans lequel s'inscrit le roman.

Un vrai plaisir de lecture, on apprend beaucoup sur ce monde qui semble avoir disparu et il donne envie de lire les précédents ouvrages de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          00
CE QUE J'AI AIMÉ DANS CE LIVRE: le retracé de parcours d'une famille d'immigrés juifs venus de Pologne pour s'installer en Belgique,dans les milieux de la fourrure et du prêt à porter; le regard lucide sur leurs travers, leurs blessures et leurs refoulés, leur sens du travail. Leur vaillance et leur courage.
Aimé aussi l'analyse des différentes modalités de la résilience, dans ces familles décimées par la Shoah: chez certain(e)s, comme Tina ( mère de la narratrice) un appétit de vivre et de réussir à tout prix, en surfant sur la vague des Trente glorieuses... Pour d'autres , comme la grand-mère Rayele, une volonté de discrétion et presque d'effacement... Apprécié aussi la réflexion, aux prolongements sociologiques et éthiques, sur l'évolution de la mode: l'envahissement progressif par les grandes chaînes de la "fast fashion" et du "prêt à jeter", le dépérissement inéluctable des commerces traditionnels, l'exploitation des travailleurs lointains en Inde ou en Chine....
CE QUE J'AI MOINS AIMÉ : l'extrême pudeur du récit, qui donne une impression de froideur. Là où Sophie Fontanel dans "La Vocation" , sur un sujet assez voisin, nous faisait vibrer d'empathie pour sa grand-mère et ses tantes arméniennes, Nathalie Skowronek nous immerge dans une espèce de bain glacé, presque désespérant. . C'est pourtant un récit sec, et souvent distancié, qui adopte souvent le regard du journaliste ou de l'historien, voire celui de l'entomologiste observant des insectes de laboratoire... Certes on glane quantité d'observations pertinentes, surtout si l'on s'intéresse un peu à l'histoire globale de la mode, mais on ne s'est jamais vraiment attaché à cette famille ni à ses personnages, ni même à la narratrice-auteur. Et seule la longue dernière phrase m'a réellement émue, lorsque la narratrice devenue écrivain confesse qu'il lui arrive de retrouver les réflexes de ses ancêtres commerçants en gonflant ses chiffres de ventes pour impressionner ses interlocuteurs .... Et donc, au final, un récit parfaitement honorable, mais pour la lectrice que je suis pas totalement enthousiasmant.


Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (2)
Actualitte
13 avril 2017
Le titre simple révèle toute sa complexité et sa polysémie s’enrichit au long de la lecture. Ajoutons le plaisir que l’on éprouve à se laisser imprégner par la langue, à la fois simple et raffinée.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
31 mars 2017
Des shtetls de Pologne à la Belgique, la saga chaotique d'une famille qui prospère dans le prêt-à-porter.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
A propos des ateliers chinois de la rue Popincourt (XIe arrondissement de Paris) où s’entassent des milliers de shmattès.

Nous n’en revenions pas d’observer cette même marchandise qui, chaque samedi, séduisait la plus branchée de notre clientèle. Elle la passait dans les cabines d’essayage, la découvrait à son goût, et ce chemin parcouru par une robe, un jean, une tunique, si communs dans les magasins de gros puis soudain, comme par magie, si attrayante dans l’espace soigné de nos boutiques, nous semblait chaque fois inattendu et fabuleux.

p. 167
Commenter  J’apprécie          270
Nous aurions pu dire la même chose de notre monde de confectionneurs de shmattès. Le mot, du yiddish, vient de szmata, un chiffon en polonais, autrement dit des « loques », des « bouts de tissus sans valeur » que nos parents, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents confectionnaient et vendaient. Le terme a traversé les époques, les pays, les langues, rappelons-nous Kafka en 1911 : « Nous comprenons tous bien plus le yiddish que nous le croyons. » On le trouve même un temps dans le langage des camps, une sorte d’euphémisme morbide : « Les Allemands nous imposaient de dire, concernant les corps, qu’il s’agissait de figuren, de marionnettes, ou de shmattès, de chiffons. Celui qui disait le mot « mort » ou « victime » recevait des coups »

P. 12
Commenter  J’apprécie          10
Fille de boutiquiers, Rayele se met au sortir de la guerre à acheter et revendre des articles de confection. On n'est pas loin du bric-à-brac de Lili sur les marchés de Charleroi. De là, un premier magasin à Liège, un petit local au début de la rue Féronstrée, suivi d'un autre similaire, à Bruxelles. Elle s'y installe avec Tina au début des années 1960 pour se rapprocher du centre, du là-où-ça-se-passe. Rayele le sait: Tina a besoin d'air, Tina a besoin de jeunesse, Tina a besoin de plus que ce que sa mère peut lui offrir.
Commenter  J’apprécie          10
Ce qui comptait c'était d'occuper le terrain, de faire impression. Mais la première impressionnée c'était moi, la débutante, qui pour se donner une consistance dont elle se croyait dépourvue s'était persuadée de sa vocation à embrasser le métier de commerçant.
Commenter  J’apprécie          30
A porter l'attention sur le double sens de sweat, on comprend qu'il a beaucoup à voir avec l'idée de peine. Impossible de ne pas penser que sweatshop alliant efficacité et main-d'oeuvre corvéable à souhait ( pas même pour le prix d'une bouche à nourrir), les Allemands ont créé un modèle dans le genre - Arbeit macht frei, n'est-ce-pas ? -, Auschwitz, du verbe schwitzen; cousin du sweat anglais, où l'on comprend qu'il est toujours question de sueur.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Nathalie Skowronek (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nathalie Skowronek
Présentation de l'EUPL,Prix Littéraire de l'Union Européenne, et interview de la lauréate belge 2020, Nathalie Skowronek, pour son roman "La carte des regrets", publié chez Grasset.
Musique et sound design : Gampopa
autres livres classés : modeVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (44) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1829 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}