Le rire. Un ingrédient indispensable à la survie. Or, nous riions beaucoup.
En regardant Jim Morrison, j'ai eu une réaction étrange. Tout le monde autour de moi semblait cloué, mais moi, j'observais le moindre de ses mouvements dans un état d'hyperconscience froide. Je me souviens de cette impression bien plus nettement que du concert. J'ai senti en voyant Jim Morrison, que j'étais capable d'en faire autant. Je ne saurais dire ce qui m'a fait penser ça. Rien dans mon expérience, ne me permettait de me dire que ce serait jamais possible, pourtant j'ai nourri cette prétention. J'ai ressenti à son égard à la fois de l'attrait et un certain mépris. Je sentais sa gêne profonde aussi bien que sa suprême assurance.
Nous avions besoin de temps pour éclaircir la signification de tout cela, trouver une façon de l'assumer et de redéfinir le nom de notre amour. Il m'avait appris que la contradiction est souvent la voie la plus évidente vers la vérité.
On dit que les enfants ne font pas la distinction entre les objets vivants et inanimés ; je crois au contraire que si. Un enfant fait dont à sa poupée ou à son soldat de plomb d'un souffle de vie magique. L'artiste anime ses œuvres de la même façon que l'enfant anime ses jouets. Que ce soit pour l'art ou pour la vie, Robert insufflait aux objets son élan créateur, sa puissance sexuelle sacrée. Il transformait un porte-clefs, un couteau de cuisine ou un simple cadre de bois en œuvre d'art. Il aimait son travail et il aimait ses objets.
il m'avait appris que la contradiction est souvent la voie la plus évidente vers la vérité.
"Il ya de l'eau dans les feuilles de laitue, a-t-il dit. Et le pain comblera ta faim".
Nous avons empiler les meilleures feuilles sur le pain et nous avons mangé joyeusement.
"Un vrai petit déjeuner de prison, j'ai dit.- Oui, mais on est libres".
- Qu'est-ce que tu manges?
- Des fèves.
- Pourquoi ça?
- Pour emmerder Pythagore.
- Sous les étoiles?
- Hors du cercle.
In my low periods, I wondered what was the point of creating art. For whom? Are we animating God? Are we talking to ourselves ? And what was the ultimate goal ? To have one's work caged in art's great zoos- the Modern, the Met, the Louvre? p.65
( A mes moments dépressifs, je me demandais quel était le but de créer de l'art. Pour qui? Édifions-nous Dieu ? Parlions-nous à nous-mêmes ? Et quel en était le but final ? Mettre son oeuvre en cage dans les sublimes zoos de l'art - Le Moderne, le Met, le Louvre?)
Je ne me sers pas de ma beauté. Ce sont les autres qui s'en servent.
Ce soir-là, j'ai dîné simplement de ragoût, de pain et de vin. Je suis retournée à ma chambre, mais je ne pouvais pas supporter d'y rester seule. Je me suis lavée et changée, j'ai enfilé mon imperméable et je me suis aventurée dans la nuit charlevilloise. Il faisait fort sombre et j'ai arpenté le quai Rimbaud, vaste et vide. J'avais un peu peur lorsque, au loin, j'ai aperçu une minuscule lumière, une enseigne au néon - le Rimbaud Bar. J'ai fait une halte pour reprendre mon souffle, incapable de croire à ma bonne fortune. Je me suis avancée lentement, craignant de voir disparaître la lueur comme un mirage dans le désert. C'était un petit bar en stuc blanc avec une unique petite fenêtre. Il n'y avait personne alentour. Je suis entrée timidement. Le lieu était faiblement éclairé et peuplé principalement de mecs, des types à la mine renfrognée, appuyés contre le juke-box. Quelques photos fanées d'Arthur étaient collées au mur. J'ai commandé un Pernod et de l'eau, la boisson qui me semblait se rapprocher le plus de l'absinthe. Le juke-box passait une macédoine folle de Charles Aznavour, de country et de Cat Stevens.