J'avais gardé un assez bon souvenir de cet épisode de Canardo, personnage que j'avais découvert dans la revue À Suivre.
Benoît Sokal utilisait les codes du polar noir américain, avec le flic toujours un peu ivre, et du roman d'aventure, avec des lieux exotiques et parfois une pointe de fantastique, le tout bercé par une philosophie façon Bernard Lavillier. La sauce prend plutôt bien. le trait est dynamique, la couleur est assez délavée, à l'image des ambiances des lieux de l'histoire. Et l'usage des personnages animaliers, à contre-courant de ce qui se faisait à l'époque, est une idée audacieuse, ce type de personnages était réservé à un public très jeune.
Mais 35 ans après, tout ce qu'a apporté
Benoît Sokal a été largement exploité et amélioré. le rythme lent qui voudrait nous perdre dans les fonds brumeux de l'Amerzone devient trop rapide, l'action se déroule trop vite pour l'ambiance de torpeur qu'elle voudrait évoquer. Dans le domaine du graphisme animalier, on ne peut s'empêcher de penser à Blacksad, et malheureusement pour
Benoît Sokal, les disciples ont largement dépassé leur maître. Tout n'est pas parfait non plus au niveau du trait et des couleurs, avec des décors assez pauvres et l'ensemble souffre d'un manque de lumière et de contrastes.
Dans cette histoire, on sent une ambiance de nostalgie, de poésie éthérée, un côté désabusé, des esprits embrumés, mais c'est aussi l'impression que nous laisse cette lecture, un peu dépassée, comme si
Benoît Sokal avait ouvert des voies pour les générations à venir, en laissant à d'autres le soin d'en tirer profit. Lire les aventures de Canardo aujourd'hui, n'est plus nécessaire, c'est une bande dessinée d'un autre temps, démodée, mais qui aura marqué les années 80 malgré ses défauts.
Difficile de rester intemporel.