Un monsieur d'un certain âge retourne en ses souvenirs.
Une cohorte de femmes aimées, de femmes rêvées, de femmes « consommées » apparaît dans ce panthéon, ce Taj Mahal élevé une fois de plus à leur intention.
Une fois de plus, car Eugenia, Dominique, Julia et les autres sont familières aux lecteurs de Philippe Sollers.
Une impression de ressassement nous submerge. Serait-ce ainsi que les amants terminent ?
Outre cette dimension, une autre, énorme et dérangeante, s'avère continue : l'égo, les références à ses propres livres, le regard indulgent porté sur eux, l'invitation implicite à les découvrir pour ceux qui, ignorants, ne les auraient pas lus.
Et puis des citations, certes belles, et puis un peu d'histoire (la grande), beaucoup de paroles, de règlements de compte (Duras, Pivot, l'Instructeur – tenu anonyme mais si facile à découvrir). Est-ce avec tout cela que l'on fait un livre ?
Que m'a apporté cet ouvrage ? Peu. De temps en temps de belles phrases qui font mouche, une belle entrée en matière, lucide, des portraits qui touchent, des hommages qui ne laissent pas insensibles... En somme, une simple conversation aurait suffi...
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C'est un peu comme pour Picasso, ce sont les trois principales, on ne doute absolument pas qu'il y en ait eu des dizaines d'autres. C'est bien écrit, un peu agaçant (les humeurs parenthèses par exemple), un peu narcissique, vite lu.
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On a donc ici, sur un mode très elliptique, le tableau des relations de Sollers et des femmes. [...] Dans la même phrase ou presque, il peut faire l'éloge de «l'amour qui dure toujours» puis exhiber une liste de ses trophées de chasse. Équilibre instable.
Lire la critique sur le site : LaPresse
En voulant être lapidaire, voire elliptique, Sollers devient ennuyeux: ses commentaires sont faibles, le tout-venant de la pensée.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Portraits de femmes contient des pages propres à séduire des lectrices vertueuses, tout ce que l’auteur déteste, de belles pages sur la nécessité du retrait, du silence, de la non-transparence. Et sur l’amour.
Lire la critique sur le site : Liberation
« On ne naît pas homme, on le devient », pose Philippe Sollers en préambule à ce beau livre vivant, intelligent, agissant, spirituel au sens fort et essentiel du terme — de tout cela, on en a l'habitude avec l'auteur du Lys d'or et du Secret, qui à ce cocktail délectable ajoute ici une tendresse, une douceur qu'on lui connaît sans doute moins.
Lire la critique sur le site : Telerama
(Incipit)
On ne nait pas homme, on le devient, la plupart du temps à ses dépens. C'est un long chemin dangereux qui, le plus souvent, ne mène nulle part. On vous montre des directions, on vous les impose, c'est fou ce que le mot "homme"engendre comme bruit de valeurs. Il faut ceci, il faut cela, tenez-vous droit et marchez au pas, tu seras un homme, mon fils, comme moi j'ai été fils pour pouvoir commander des fils. Tables de la loi, catéchisme en bois, formules toutes faites, la plus sinistre étant un mannequin en képi, devant un cercueil décoré, faisant état de sa tristesse, mais aussi de sa « fierté » à l'égard d'un soldat « qui n'est pas mort pour rien, les armes à la main ».
L'accord sur les mots grossiers ou doux exige beaucoup de délicatesse. Une fausse note, et tout déraille. Vous devez discerner ce qu'une femme veut entendre en secret et qu'elle ne pourrait pas supporter à l'état normal. Cela suppose qu'elle- même a su deviner ce quelle doit vous dire ou éviter de vous faire entendre. Le point de rencontre est musical, pour la pornographie comme pour la tendresse. L'une n'empéche pas l'autre (parfois à venir), les partenaires s'admirent, et sont en droit de le faire, sinon c'est en eux l'infection larvée du social. Ils ont leur langage singulier qu'ils sont seuls à comprendre. Public, il exploserait dans un ridicule insensé.
Je n’ai jamais porté plainte pour harcèlement, mais j’aurais pu, au moins huit ou dix fois. Sauf qu’un type qui porte plainte pour harcèlement féminin a l’air ridicule. Il est grotesque ou mythomane, pour qui se prend-il ? Ce genre de folie existe pourtant bel et bien : messages incessants, envois de Kleenex avec rouge à lèvres, filatures dans la rue, attentes dans les escaliers, lettres à l’employeur, etc. Harcèlement psychique qui finit presque par forcer l’admiration, malgré le dégoût. Une femme qui a choisi de vous occuper est d’une ténacité redoutable. Elle n’attend évidemment aucune réponse, mais le vide décuple son offensive absurde. Qu’est-ce qu’elle veut ? Rien, vouloir.
[...] Je passe sur les envois poétiques ou romanesques, les lettres interminables, les halètements téléphoniques, les photos tocardes, un vrai foutoir. Rien de « sexuel », bien entendu, pas la moindre invention de ce genre. Du sentimental déchaîné et du mauvais goût à hurler. Tout est sexuel, parce que rien ne l’est.
Voilà, au contraire, une exception remarquable : le très beau livre de Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine M.. Une femme s’offre à tous les hommes, sans culpabilité, par désir et curiosité. L’auteur, une amie de longue date en toute amitié, a un sens visuel aigu, et restitue les scènes pornographiques avec une précision extrême. C’est un chef-d’œuvre de liberté, le seul dans son genre. Son succès a été très révélateur, d’autant plus profond et durable que le livre suivant portait sur la jalousie à l’égard de son partenaire fixe, s’il avait une liaison féminine. Être la seule femme pour tous les hommes, oui, mais pas d’autre femme dans mon lit. Démonstration impeccable.
Dali et moi
L’époque étant à la régression brutale, on imagine mal un nouveau livre de cette ambition aujourd’hui. Catherine Millet est « critique d’art », elle sait regarder, et elle a écrit un livre lucide sur Salvador Dali. Nul doute : les historiens de l’avenir se demanderont comment ce cas a été possible. Je ne pense pas qu’elle me démentira si je dis que Femmes, en son temps, a ouvert la voie.
Une amie intime me dit : « C’est curieux, on est passés par une longue passion physique torride, et maintenant on rit. » Preuve par le rire, la seule. Quelles que soient les épreuves tragiques qu’ils ont traversées, un homme et une femme se sont vraiment rencontrés s’ils rient.
Pourtant, il y a des minorités, dispersées un peu partout dans les foules. Ce sont elles qui appellent, parfois sans le savoir. L’appel est souriant, silencieux, réservé, oblique. C’est une proposition algébrique et géométrique, un appel d’air. Déchiffrez-moi, vous êtes peut-être la racine carrée de mon équation. […] C’est sans aucune insistance qu’on vous demande ou pas d’insister. Ou plutôt : on vous demande de demander sans rien demander. Débrouillez-vous, trouvez l’atmosphère.
Elle se couche, elle ne se relèvera pas, je l'entends vaguement mourir depuis les escaliers
Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023).
Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/
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