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Critique de Nastasia-B


Voici donc la tragédie " so folk " de Sophocle. Mais pourquoi est-elle si populaire ?
Pourquoi tellement elle et si peu Ajax, par exemple, dont la finalité profonde me semble si comparable ?
C'est vrai qu'elle est très bien écrite et que définitivement, Sophocle est LE grand tragédien grec, selon moi, devant tout autre. Mais ça ne suffit probablement pas pour expliquer un tel succès.
Le sujet alors ? Pourquoi pas, mais je le répète, Ajax n'est pas si différente de cette pièce à cet égard.
Alors je vais avancer ma théorie (au sens que j'ai indiqué une fois, c'était dans ma remarque sur Terre Des Hommes, il me semble), qui vaut ce qu'elle vaut, mais que je vais essayer d'étayer, tant bien que mal.
Et bien, selon moi, si Oedipe Roi est si populaire et fonctionne si bien encore de nos jours, c'est probablement parce que c'est l'une des seules tragédies grecques qui nous replace à peu près dans le même bain culturel que les spectateurs de l'Antiquité auxquels elles étaient toutes destinées.
Je m'explique. Il n'était pas un spectateur des pièces d'Eschyle, Sophocle ou Euripide qui ne connaissait sur le bout des doigts les subtilités de la mythologie ainsi que les archi-classiques (même pour l'époque) Iliade et Odyssée.
Donc, aucun point du scénario de ces pièces n'était une découverte pour les spectateurs, seuls comptaient la qualité de la langue dans laquelle était énoncée les tirades et la morale sous-jacente à chacune.
De nos jours, peu nombreux sont encore les fervents connaisseurs de ces moindres détails mythologiques. le scénario est donc une découverte et nécessite même souvent des explications pour le néophyte.
Qu'en est-il d'Oedipe ? Qui ne connaît pas le fameux " complexe " ? Et est-il faux d'affirmer que, peu ou prou, parmi les lecteurs, tout le monde sait plus ou moins qu'Oedipe a tué son père et épousé sa mère ?
Voilà donc un point très important : pour ainsi dire, chaque lecteur moderne de cette tragédie en connaît par avance le scénario, exactement comme nos aînés de l'Antiquité.
Voilà pourquoi l'empathie fonctionne si bien, voilà pourquoi l'on peut encore être bouleversé, car on voit, sous nos yeux, s'accomplir un destin que chacun de nous connaît, sait inéluctable, fatal, implacable et pathétique.
On se met à la place du pauvre diable, qui est un homme bien sous tous points de vue, honorable, héroïque, magnanime... et qui, pourtant, sous l'angle de la morale, pour qui connaît le fin mot, est le dernier des derniers.
Il n'a pourtant jamais voulu se rendre coupable de quoi que ce soit. Mais c'était plus fort que lui, c'était au-dessus de lui que cela se jouait, c'était de l'ordre de la destinée, du divin. Et un simple mortel n'est rien, dans l'esprit de l'époque, face au divin, face aux oracles et toutes les choses de ce genre.
La finalité civique de cette pièce est donc exactement la même que pour Ajax, édifier le public et lui montrer qu'il n'est point de salut sans allégeance aux dieux.
C'est pourtant le volet psychologique qui nous intéresse le plus aujourd'hui. C'est donc un curieux hasard qui fait qu'on s'intéresse, de nos jours, plus à cette pièce qu'à beaucoup de ces petites soeurs. Pour Sophocle, parricide et inceste étaient probablement parmi les pires maux qui soient et avaient pour vocation de faire vibrer la corde sensible du trémolo de notre âme, agitant pitié, empathie et commisération.
Pour nous c'est autre chose et papa Freud y joue un grand rôle, mais peu importe, grâce à notre connaissance préalable du mythe, nous entrons mieux dans la tragédie et elle fonctionne donc à ravir.
Le mot de la fin sera donc, me concernant, si vous n'en choisissez qu'une, parmi tout l'héritage classique, optez plutôt pour celle-ci qu'une autre, car il y a plus de chance qu'elle fonctionne avec vous que toute autre. Mais bien évidemment, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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