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Critique de BazaR


De quoi cause-t-on ici ?

Eh bien d'une péripétie tardive et capitale de la guerre de Troie. Ça fait dix ans que celle-ci traîne et on n'en voit toujours pas le bout. Mais un troyen capturé, Hélénos, quelque peu devin, affirme aux Grecs que seuls le retour de Philoctète et de son arc infaillible dans leurs rangs assurera la chute de Troie.
Le problème, c'est que les Grecs ont abandonné Philoctète sur une île déserte il y a dix ans (aussi) car, atteint d'un mal imposé par une déesse, mal purulent et nauséabond et hurlant sans cesse, il abîmait le moral des guerriers. Il ne va donc probablement pas accepter de revenir avec un sourire sur le visage.

C'est donc Ulysse qui accepte de s'y coller. Il débarque sur l'île en compagnie de Néoptolème (fils d'Achille, également indispensable à la chute de Troie selon Hélénos) et monte un stratagème dont il a le secret : Néoptolème va se présenter à Philoctète en criant son propre dépit envers les Grecs qui ont osé remettre les armes de son père à l'infâme Ulysse. Il va gagner sa confiance, accepter de le prendre à son bord avec l'arc et de le ramener chez lui… alors qu'en réalité il le ramènera à Troie.
Le stratagème fonctionne mais Néoptolème est vite pris de remords. Philoctète fait pitié et la ruse est véritablement indigne d'un guerrier et du sens moral. Juste avant d'embarquer, le fils d'Achille déballe tout à Philoctète qui entre dans une grande fureur et refuse tout net d'embarquer pour aider ses bourreaux.

Cette pièce n'est pas marquée par l'action. Elle l'est en revanche par la manipulation et le remord qu'elle génère chez Néoptolème d'abord, puis par les tentatives de conviction sincère que ce dernier déploie envers un Philoctète déchiré entre sa haine envers les Grecs et sa peur de devoir rester seul sur l'île jusqu'à la mort. Philoctète est un personnage très intéressant, mélange de Robinson Crusoé et d'Edmond Dantès qui a vécu dix années d'un enfer douloureux et solitaire. Il passe sans cesse de la colère à la frayeur comme une balle de ping-pong ballotée entre deux raquettes. L'évolution de Néoptolème de l'acceptation de son devoir sacré envers les Grecs vers la compassion envers Philoctète et l'abjection de son propre comportement est très bien retranscrite. Et on a à nouveau un portrait d'Ulysse qui est plutôt à charge : fourbe, lâche, adepte de l'adage « la fin justifie les moyens ». Plus je lis de l'antique, plus Ulysse perd des points dans mon top 50 des héros.

La fin est un peu décevante car l'impasse n'est pas dénouée par les hommes présents. Il faut l'intervention d'un dieu (en l'occurrence Héraclès qui a intégré l'Olympe et a jadis confié son arc à Philoctète) qui siffle la fin de la récré et indique la bonne direction à tout le monde : A Troie on vous dit ! ni une ni deux Philoctète obéit et accompagne Néoptolème. Fin bâclée quoi !
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