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Hélène Morita (Traducteur)
EAN : 9782268066547
186 pages
Les Editions du Rocher (09/10/2008)
3.91/5   17 notes
Résumé :
Les Échos illusoires du luth mettent en scène un jeune homme naïf, impressionnable, mais qui cherche à "résister" aux forces obscures. Après une nuit d'angoisse et d'incidents tragi-comiques, une aube mouvementée, une séquence hilarante chez un barbier, Yasuo retrouvera un "moi" régénéré et heureux. Le Goût en héritage décrit des hommes qui rentrent de la guerre et les liens mystérieux qui se tissent entre une femme et la mère d'un soldat disparu. Une atmosphère som... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le recueil contient deux nouvelles du grand Sôseki qui n'ont pas grand chose à voir entre elles mais qui m'ont plu toutes les deux.

Echos illusoires du luth (1905)
Le narrateur est un jeune homme qui vient de quitter sa pension d'étudiant pour emménager dans une maison car il va bientôt se marier. Il se plaint de ses nouvelles tracasseries ménagères auprès de son ancien colocataire, un scientifique, ex premier de la classe qui lit quand même de drôles de bouquins. La femme de charge qui s'occupe de son nouveau domicile lui casse les pieds. Elle est pleine de superstitions et un bonze l'a mise en garde : il doit déménager s'il ne veut pas qu'il arrive un grand malheur à une femme. Et la fiancée du narrateur a justement un petit rhume, un influenza. le camarade ne prend pas du tout l'histoire à la légère et lui raconte alors une histoire de fantôme...
J'ai beaucoup aimé le ton légèrement ironique de cette nouvelle qui rappelle celui de Je suis un chat. La conversation entre les deux amis est savoureuse, pleine de digressions inattendues, apparemment farfelues qu'il faut savoir déguster en oubliant la trame du récit. le narrateur est un petit gars geignard et influençable qui a la trouille de ses nouvelles responsabilités autant que des fantômes. le colocataire est un scientifique qui a du mal à mettre au rancard les vieilles traditions japonaises et accorde aux histoires de fantômes une attention scrupuleuse. La femme de charge est impayable, les dialogues chez le barbier très drôles.

Le Goût en héritage (1907)
La guerre russo-japonaise (1904-1905) était présente par allusions dans la nouvelle précédente. Elle est cette fois-ci au coeur du récit.
Le narrateur est un jeune professeur de biologie qui, perdu dans de sombres cauchemars éveillés, se retrouve à la gare de Shimbashi où il assiste au retour triomphal des soldats. Mais il est incapable de crier "Banzaï !" comme les autres. La vision d'un général à la barbe hirsute et aux yeux hagards puis celle des retrouvailles entre une mère et son fils l'envahissent de tristesse. Il pense à son ami Kô mort héroïquement à Port-Arthur et à sa mère inconsolable. Il se rend au cimetière et, non loin du gingko fantôme, il voit une belle jeune fille en kimono coloré déposer des chrysanthèmes blancs sur la tombe de son ami. Mais, qui est donc cette femme ?
La nouvelle est un peu plus naturaliste que la première au départ mais elle prend ensuite des détours inattendus, non dénués d'humour, à la Soseki. Il est clair que l'auteur dénonce l'absurdité et l'horreur de la guerre et donne la parole à ceux et celles qui doivent normalement se taire. J'ai été touchée par l'évocation de la tristesse et des tourments du narrateur et de la mère. La description réaliste de l'arrivée des soldats à la gare au début, la description de la mort de Kô, les extraits du journal de celui-ci sont poignants et magnifiquement écrits.
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Ce livre rassemble deux textes de Natsume Soseki, figure tutélaire de la littérature japonaise moderne. Les deux récits sont très différents mais fondés sur un même dispositif narratif : l'auteur s'exprime par la voix de personnages naïfs (voire benêts), ce qui donne aux récits une saveur ironique, assez socratique dans l'esprit*.

Le texte éponyme est une petite farce qui met en scène les angoisses d'un être influençable, soudain désemparé que sa femme puisse être atteinte d'une maladie mortelle : suggestion implantée en lui par un ex-collocataire prenant trop au sérieux les superstitions du Japon traditionnel et alimentant ainsi la paranoïa du héros. Son délire sera tempéré par la réalité du Japon moderne, ouvert au reste du monde. Cela est mis en abyme par la réinterprétation que l'un des personnages fait de la figure du tanuki (animal magique proche du blaireau) pour la désenchanter et l'occidentaliser. le narrateur impressionnable se laisse émotionnellement balloter entre ces deux (ir)réalités, pour un résultat plaisant.

Le second texte « le goût en héritage » s'avère tout aussi versatile. Toujours sous couvert de sa narration ironique, Soseki se livre d'abord à une féroce critique de la récente victoire militaire du Japon sur la Russie (et à travers elle de l'impérialisme japonais), avant de bifurquer à droite et à gauche entre mystère familial et théorie artistique sur les contrastes. Celle-ci s'appuie d'une part sur un passage de la nouvelle ayant pour cadre un cimetière japonais et d'autre part sur l'exemple du grotesque portier ivrogne de Macbeth, qui, loin d'atténuer l'horreur et la tragédie de la pièce, les renforce. Dans les sources mêmes de cette théorie sur les contrastes, on retrouve donc à nouveau le contraste récurrent chez Soseki entre les influences traditionnelles et occidentales.
Mais les contrastes de cette deuxième nouvelle ont pour défaut de la rendre très inégale, car de belles descriptions en côtoient d'autres plus lourdes, comme quand le narrateur insiste pour dire que sa description d'une scène est… contrastée (hé oui, encore), là où cette description devrait davantage se suffire à elle-même. Et de surcroît, la fin s'avère sentimentaliste et paresseuse. Lorsque le narrateur reconnaît lui-même être en train de bâcler sa conclusion par manque de savoir-faire littéraire, on croît entendre Soseki nous dire qu'il s'est embourbé et a envie de passer à autre chose. Donc, le texte vaut surtout pour son début, véritable réquisitoire contre la guerre, ainsi que pour quelques passages inspirés, dont celui du « ginkgo fantôme » qui nous apprend que même les plantes hantent.

* normal de la part d'un auteur qui a écrit du point de vue d'un chat
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Ce court recueil (144 pages) regroupe deux nouvelles, « échos illusoires du Luth » (55 pages) et « Le goût en héritage » (89 pages).
La première nouvelle, qui est la plus courte, a un sujet de prime abord peu en rapport avec son titre (le luth en question étant, en fait, le koto) : après une conversation avec un ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps, et qui va porter sur les diverses manifestations des fantômes, le héros s'inquiète de la santé de sa future femme alors qu'il rentre chez lui de nuit, par un chemin difficile. Nous suivons les cheminements de ses pensées, de ses doutes, et sa visite finale dans la famille de sa future, qu'il sait malade et pour laquelle il se met à craindre, sans raison, une issue fatale. 

C'est un récit bien mené, qui établit un parallèle saisissant entre l'état d'esprit du narrateur et sa façon de voir et de ressentir la nature tout autour de lui.

« Le goût en héritage » est une nouvelle très originale. On peut y lire une forte dénonciation des guerres d'expansion entreprises par le Japon, dont la guerre russo-japonaise, ce qui est très rare chez un auteur contemporain de celle-ci (Soseki avait trente-sept ans à l'époque). le début de la nouvelle, très particulier, se révèle férocement antimilitariste.

L'auteur du récit se retrouve dans la gare de Shimbashi, à Tokyo, alors que rentrent, sous les acclamations de la foule, les soldats qui reviennent du siège de Port Arthur (actuellement Lüshunkou), en Chine, alors sous contrôle russe. Ce défilé de survivants lui rappelle son ami Kô, qui lui ne reviendra pas. Après bien des réflexions, l'auteur se rendra au cimetière où est censé reposer ce qui reste de son ami, et où il fera une rencontre féminine. Il appliquera ensuite une de ses théories pour retrouver, à la manière d'un Sherlock Holmes japonais, celle qu'il n'aura fait qu'entrevoir lors de sa visite funèbre.

Dans cette nouvelle, Soseki alterne avec talent de magnifiques descriptions des moments, des ambiances ; et le déroulement de ses réflexions, qui passent souvent du tragique au comique. Il montre également un goût prononcé pour les découvertes de son époque en matière de génétique, une fascination que l'on retrouvera vingt-cinq ans plus tard chez Kawabata, dans sa nouvelle "illusions de cristal".

Il s'agit donc là d'un excellent recueil dont on ne peut que recommander la lecture.

Comme souvent chez Soseki, les deux récits ont une base autobiographique, et il est parfois difficile de séparer ce qui relève de l'invention et du souvenir.

La traduction/adaptation d'Hélène Morita est irréprochable. Elle connaît bien Soseki, pour en avoir traduit d'autres oeuvres (Botchan, À l'équinoxe et au-delà), mais s'occupe aussi des oeuvres de Kawabata, Osamu Dazai et Haruki Murakami. Quelques notes de bas de page précisent le contexte historique auquel Soseki fait référence.
Lien : https://litteraturedusoleill..
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Encensé par MURAKAMI, j'ai plongé dans ce roman...malheureusement je n'ai pas les codes comme on dit aujourd'hui. Littérature centenaire subtile, mais dont la logique reste complexe pour un occidental contemporain. J'ai tout de même lu les deux nouvelles d'un trait, mais sans arrivé à une conclusion. Je reste heureux de cette lecture qui ouvre sur des univers et mentalités complètement différents.
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Même si les deux nouvelles se déroulent au début du vingtième siècle au Japon, les sentiments et des réactions des deux héros nous semblent proches et modernes.

La première histoire est celle d'un jeune homme qui raconte à son camarade d'études son installation récente. Il fait part de ses peurs après avoir écouté les croyances de sa gouvernante. Il va jusqu'au bout de ses craintes, se ridiculise et comprend.

La deuxième histoire est celle d'un jeune homme qui va à la gare de Tokyo attendre les héros de la guerre contre la Russie. Il imagine le retour de son meilleur ami dont il sait le décès sur le front. Il se rend ensuite sur sa tombe et rencontre une jeune fille qui le fascine. Enfin il va voir la mère de son ami défunt pour connaitre l'identité de la jeune femme ... la quête devient alors plus intéressante que la jeune fille elle-même.

Les descriptions sont subtiles, délicates et parfois drôles. C'est une merveille d'écriture, l'auteur pourrait écrire sur n'importe quel sujet, celui-ci deviendrait intéressant et beau.

Lien : http://objectif-livre.over-b..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Pour parvenir au cimetière, il faut faire le tour du temple principal à droite, puis obliquer le long d’une allée vers la gauche. À l’entrée s’élève un ginkgo fantôme. Si j’écris « ginkgo fantôme », je précise qu’il ne s’agit pas là d’une de mes inventions. Dans les environs, tout le monde connaît le ginkgo fantôme du temple Jakkô-in. Au demeurant, malgré cette appellation de « fantôme », j’ai du mal à croire, compte tenu de sa taille, que quoi que ce soit ait pu se métamorphoser en un arbre aussi énorme. Ce ginkgo est véritablement gigantesque. Pour faire le tour du tronc, il faudrait bien trois hommes se tenant par la main. En principe, à cette époque, il aurait dû être entièrement défeuillé et ses branches nues auraient dû gémir sous les rafales du vent d’hiver ; mais cette année, le temps était resté si exceptionnellement chaud que toute la partie supérieure de l’arbre était encore étoilée de jolies feuilles dorées. Si l’on se tenait au pied du ginkgo et qu’on lève la tête vers la cime, on aurait dit que, baignées dans un doux soleil, des masses de nuages d’or scintillaient comme des écailles de tortue. C’était une vision éblouissante. Et, même s’il n’y avait pas de vent, des fragments de ces nuages ne cessaient de choir tout doucement. Bien sûr, les feuilles de ginkgo sont si fines et si légères que leur chute ne produit aucun son. Chacune des feuilles met un temps très long à effectuer sa descente. Entre leur départ de la branche et leur arrivée sur la terre, parfois tournées vers le soleil, parfois protégées de la lumière, les feuilles se parent de toutes sortes de teintes différentes. Les variations lumineuses qui les touchent n’affectent en rien leur dégringolade nonchalante. Cette débâcle étincelante s’accomplit avec une grâce et une opulence telles que les feuilles, dirait-on, jouent à faire durer leur vol le plus longtemps possible.

C’était bien là la véritable tranquillité – car il est faux de considérer que la tranquillité n’est qu’une absence de mouvement. Il faut qu’un élément unique se meuve à l’intérieur d’une vaste zone de calme pour comprendre vraiment ce qu’est le calme. En outre, il faut que cet élément en mouvement ne donne pas une impression trop forte de mobilité – en somme, son mouvement doit avoir l’apparence de la tranquillité – mais il faut aussi qu’il se déplace juste assez pour renforcer le calme environnant : alors, à cet instant précis, s’éprouve l’essence même de la tranquillité. C’était exactement ce sentiment que générait la chute lente des feuilles de ginkgo parmi cette atmosphère paisible, qu’aucun souffle de vent ne troublait. Il y avait tant et tant de ces petits éventails amoncelés depuis des jours et des nuits que la terre brune, au pied de l’arbre, en était presque recouverte. Peut-être les moines jugeaient-ils trop fastidieux de balayer sans cesse le feuillage doré ; ou peut-être aimaient-ils simplement le contempler. Je l’ignore. Je sais seulement que c’était très beau.
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"Hé Gen ! " lança-t-il en me maintenant le menton et en pointant le rasoir vers l'extérieur; "Il y a toujours des imbéciles, décidément ! "Il regardait du côté du brasero.
Le dénommé Gen s'était installé du côté du petit chauffage et faisait claquer sur l'échiquier le Général d'or et le Général d'argent.
"Oui, c'est bien vrai ! Pour raconter comme ça des idioties sur des revenants, des fantômes, je sais pas quoi encore...C'est des trucs du passé ! Maintenant qu'on a l'électricité, des vieilleries pareilles, ça suffit !"

(Cambourakis p 49)
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Si l'on se tenait au pied du ginkgo et qu'on levait la tête vers la cime, on aurait dit que, baignées dans un doux soleil, des masses de nuages d'or scintillaient comme des écailles de tortue. C'était une vision éblouissante. Et, même si il n'y avait pas de vent, des fragments de ces nuages ne cessaient de choir tout doucement. Bien sur, les feuilles de ginkgo sont si fines et si légères que leur chute ne produit aucun son. Chacune des feuilles met un temps très long à effectuer sa descente. Entre leur départ de la branche et leur arrivée sur la terre, parfois tournées vers le soleil, parfois protégées de la lumières, les feuilles se parent de toutes sortes de teintes différentes. Les variations lumineuses qui les touchent n'affectent en rien leur dégringolade nonchalante. Cette débâcle étincelante s'accomplit avec une grâce et une opulence telles que les feuilles, dirait-on, jouent à faire durer leur vol le plus longtemps possible.
C'était bien là la véritable tranquillité - car il est faux de considérer que la tranquillité n'est qu'une absence de mouvement. Il faut qu'un élément unique se meuve à l'intérieur d'une vaste zone de calme pour comprendre vraiment ce qu'est le calme.
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Je dévalai donc les marches, courus au travers du tas de feuilles de ginkgo et sortis du temple. Je regardai à gauche. Elle n'y était pas. À droite, personne non plus. Je me hâtai vers le carrefour, scrutai les quatre horizons. Personne. J'avais laissé passer ma chance. Il ne me restait qu'une chose à faire. Je devais rendre visite à la mère de mon ami. Peut-être en saurait-elle davantage.
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Et le pire de tout, le voilà : le bonze lui a fichu dans le crâne que le déménagement allait attirer le mauvais sort sur une jeune femme. Evidemment, tu t'en doutes, la vieille a foncé et décidé illico que toute mention d'une jeune femme en rapport avec ma maison maudite ne pouvait se rapporter qu'à la fille des Uno, ma fiancée. Et, maintenant, elle se fait un sang d'encre.

(édition Cambourakis p 12)
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Vidéo de Natsume Soseki
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Natsume Sôseki, Je suis un chat, traduit du japonais et présenté par Jean Cholley, Paris, Gallimard, 1978, p. 369, « Unesco ».
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