Coversation avec Roger Pierre Turine

Une des collections phares des éditions Tandem (Gerpinnes, Belgique) s'intitule « Conversation avec… ». Initiée en 1998, elle propose une approche originale de l'art à travers des propos de ses créateurs. Cela prend bien souvent la forme d'une conversation, comme une longue interview, entre l'artiste et un interlocuteur (journaliste, historien de l'art, critique). Ainsi, de Joseph Beuys à Johan Creten, en passant par Hugo Pratt, Pierre Kroll, Bob Verschueren ou Andy Warhol, nous en sommes au 81e titre, consacré à Pierre Soulages. Cette publication coïncide exactement avec l'inauguration du musée de Rodez, lieu qui connaît un succès aussi foudroyant que surprenant.
Mais qu'elle n'est pas la surprise ! Roger-Pierre Turine a pris le parti du contre-pied de la collection et rompt nettement avec la traditionnelle interview. Il adopte plutôt une sorte de récit nourri de son expérience personnelle, afin d'approcher Pierre Soulages, le peintre, l'homme, sa vie, ses proches, ses expositions importantes, Rodez. Dans la foulée, il nous rapporte que Soulages a connu une fortune critique assez particulière, depuis 1979, année où il adopta comme moyen d'expression « l'outrenoir ». Au fil de ses pages, Turine, avec beaucoup d'enthousiasme, nous dépeint l'artiste comme étant opiniâtre et acharné à la tâche, et l'homme comme modeste, fort et exceptionnel.
Né à Rodez, en 1919, Pierre Soulages, passionné d'art roman, souligne souvent ses origines celtes. Il partage sa vie entre le port de Sète et Paris, loin de toute mondanité. Il dit que son premier choc esthétique se fit à Sainte-Foy de Conques et ce n'est pas pour rien qu'il réalisa d'incroyables vitraux pour cette abbatiale, placés en 1994. Aujourd'hui, à 95 ans, il continue inlassablement dans son atelier à se confronter à la toile, avant le grand fondu au noir final.
Ce petit livre, sous sa jaquette tendue de noir, est une bonne approche de l'oeuvre d'un des grands défenseurs de la peinture en ce début du XXIe siècle. Seules deux illustrations en fin de volumes, en forme de conclusion, tant la reproduction des tableaux de Soulages est aléatoire. En réalité, la peinture de Soulages nécessite la vision des tableaux pour vivre une expérience de la lumière hors du commun. Au musée de Rodez ou au musée Fabre de Montpellier, par exemple.