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EAN : 978B008M986WK
Flammarion (30/11/-1)
4.29/5   36 notes
Résumé :


L'Ethique de Spinoza, parue en 1677, ouvre la philosophie moderne et accompagne tous ceux qui s'aventurent sur la voie du "bien agir". Cette traduction, qui fut d'abord publiée aux PUF, est accompagnée d'un important appareil critique justifiant les choix terminologiques et commentant l'ordre des propositions, définitions et axiomes.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La nature comme chant du possible.

Si l'existence précède l'essence, c'est que l'essence est possible, et donc la possibilité précède l'existence. La possibilité n'est ni l'essence, ni l'existence, mais la condition première de réalisation d'une existence. La possibilité contient donc l'essence de cette existence – à titre de possibilité. C'est en ce sens que l'essence peut précéder l'existence - qui la précède. En fait, l'antériorité de l'essence ou de l'existence est une fausse question, dans la mesure où l'existence et l'essence sont ontologiquement unies comme possibilité et que la possibilité ne dépend pas de sa réalisation physique pour exister. Autrement dit, l'existence de la possibilité est d'essence métaphysique. Si l'on entre dans les détails, juste ce qui est nécessaire, on s'aperçoit en effet que la question de l'antériorité ne se pose pas sur le plan physique, mais seulement sur le plan métaphysique. Sur le plan physique, il apparaît qu'émergent dans l'univers, de fait, des entités complexes à partir d'entités plus simples, mais que ces entités complexes ont des propriétés que n'ont pas en elles-mêmes, dans leurs caractéristiques physiques et aussi loin qu'on puisse les analyser, les entités plus simples, mais qu'elles les ont par contre à titre de pure possibilité ; de façon métaphysique. Un caillou ne contient pas en lui-même une maison, et ne comporte aucune des propriétés distinctives de ce qu'est une maison. Les propriétés de la maison sont des nouveautés qui demandent, pour être comprises, de ne pas se borner à analyser, même si c'est de façon extraordinairement fine, précise et efficace, les données physiques du constituant caillou. Pour comprendre la maison, il faut admettre que la maison était essentiellement possible sans pour autant exister en aucune façon physiquement dans le caillou. Ainsi la chronologie de l'émergence des choses n'est pas leur ontologie, et les propriétés physiques des choses n'en sont en rien l'essence, mais juste la façon d'exister. L'essence ne précède pas nécessairement l'existence, mais elle la précède possiblement, tandis que l'existence doit nécessairement précéder l'essence, mais en tant que possibilité de son émergence. Comme l'avait diagnostiqué Kierkegaard, le possible est la plus lourde des catégories. Il ne s'ensuit pas que toute possibilité doive nécessairement donner lieu à une existence, comme si c'était une nécessité, ce qui détruit l'idée même de possibilité, mais il s'ensuit que la possibilité emprunte les chemins de la nécessité pour donner lieu à une existence, d'où émergera une essence, pour conclure à son identité.
Il ressort de ce rapide périple métaphysique – sans temps mort, sans entraves – que tout ce qui existe a d'abord dû exister comme possibilité, et ceci n'est à son tour possible que métaphysiquement, sans quoi la chose existerait physiquement avant d'exister physiquement, ce qui est peut-être possible, mais juste comme absurdité. Cette antériorité ontologique du possible est simplement rationnelle, et cette rationalité est juste naturelle. Mais évidemment, aucun discours physicaliste ne saurait en balbutier ne serait-ce que la première phrase. La science physique reste clouée au sol, irremplaçable certes, sur lequel se dresse la maison de la connaissance. Il se peut que le petit poucet physicien retrouve, à l'aide de ses petits cailloux qu'il connait si bien, le chemin de la maison ; mais pour qu'il trouve la maison, qui est certes devant ses yeux, il faudra qu'il lève la tête.
Il ressort ensuite de ce plaisant voyage de raison, que la nature n'est pas une entité seulement physique, ni métaphysique, mais qui unit les deux, non comme les étages séparés d'une maison, mais comme l'unité de ses constituants. Et il en ressort enfin que ce qui unit ces constituants, c'est la possibilité comme totalité infinie ontologiquement antérieure à tout ce qui existe – du fait que tout ce qui existe peut –ou non – exister.
L'essence de la nature est que tout est possible, pas n'importe quoi, pas n'importe comment, mais naturellement.

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La lecture de l'Ethique est assez ardue. le lecteur contemporain n'a guère l'habitude de ce style scolastique avec ses propositions, démonstrations, ses scolies et corollaires.
Avant de lire l'Ethique, j'ai eu la chance de tomber sur le livre d'Alain « Spinoza » qui est une explication claire de cet ouvrage et nous le fait lire sous un angle plus serein.
Ces quelques notes sont un résumé de notes beaucoup plus vastes que j'ai prises au fil de ma lecture et un condensé de ce que j'ai pu modestement en retirer.
Par là même, la lecture est une sorte de répétition d'une hypothèse mathématique que l'on démontre et que l'on explique ensuite. Les scolies sont des moments de repos de l'esprit dans lesquelles l'auteur donne des exemples plus probants.
Spinoza part de l'existence de Dieu en tant que « substance constituée d'une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »
Il s'est proposé, dans son Ethique (Spinoza, pas Dieu) de procéder comme dans la géométrie. Si j'ai bien compris, je peux considérer que Dieu est le cercle (infini et éternel) qui englobe tout : la Nature, les hommes, les animaux et objets.
Dieu est en l'homme. Il est à la fois ordre et confusion, essence et existence mais l'homme doit se méfier de son imagination -l'idée de confusion - qui l'entraîne à avoir une notion fausse de la divinité car « Dieu est tout et perfection. » Seul l'homme est trompé par ses propres sens :

« Car la perfection des choses doit s'estimer seulement par leur nature et leur puissance, et elles ne sont donc pas plus ou moins parfaites parce qu'elles plaisent aux sens de l'homme ou les offensent, conviennent à la nature humaine ou lui répugnent. »

L'homme passe à travers trois sortes de connaissances : le premier genre qui est l'imagination, le fantasme, l'idée confuse, le deuxième qui est la raison, la logique la connaissance apprise, enfin le troisième genre qui est l'intuition de l'Ame ou science intuitive qui est

« … l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu, à la connaissance adéquate de l'essence des choses. »

Il va donc falloir distinguer les causes et les idées adéquates (issues de Dieu et revenant à lui) et les causes et idées inadéquates, issues de l'imagination, imparfaites et vagues.
Il ne lui reste plus qu'à faire en sorte que la Raison prenne le pas sur les Passions, affects ou affections – cela dépend certainement des traductions – car l'ouvrage fut d'abord écrit en latin, langue de communication intellectuelle de l'époque, pour atteindre la Béatitude aspiration suprême de l'Ame car elle contient l'Amour divin : puisque Dieu « s'aime lui-même » et que Dieu est cause de tout, alors Dieu aime les hommes et cela est une seule et même chose.
Spinoza va démontrer, fouiller, prouver comment l'homme peut parvenir à la Joie, ne pas se laisser envahir par la Tristesse et son cortège de passions du corps corruptible mais au contraire la rejeter pour une Béatitude qui participe de l'éternité des choses puisque il est quelque chose d'éternel dans la Raison elle-même. La Béatitude ,selon Spinoza amène l'homme à une grande liberté et le libère du joug des passions sensuelles.

« La Béatitude n'est pas le prix de la vertu, mais la vertu elle-même ; et cet épanouissement n'est pas obtenu par la réduction de nos appétits sensuels, mais c'est au contraire cet épanouissement qui rend possible la réduction de nos appétits sensuels. »

Tout cela est bien sûr à l'opposé des religions du martyre où les fidèles pensent que plus ils souffrent, plus ils méritent le paradis. Or il semble que pour Spinoza, le paradis soit dans cette Béatitude à la fois immanente et éternelle, lorsque l'homme est libéré de ses passions. Mais pour y parvenir, il faudra quand même faire des efforts car :

« Comment serait-il possible, si le salut était sous la main et si l'on pouvait y parvenir sans grand-peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare. »

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S'il n'y avait qu'une chose à dire à propos de l'éthique de Spinoza : il nous livre le secret du bonheur.
Le chemin livré par Spinoza n'est facile ni à lire ni à vivre mais il propose une voie morale intéressante, conforme à la nature de chacun, en se laissant guider par son être mais sans se laisser dominer par ses passions.
Spinoza est un maître à lire et relire. Dommage qu'il soit si difficile à lire, même après une première lecture. On lui préférera sans doute le livre que lui a consacré Frederic Lenoir pour une première approche.
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Ouvrage extrêmement intéressant réparti en (5 champs de réflexions à la fois juste et essentiels . Une lecture enrichissante basée à la fois sur la nature de l'Homme oscillant entre aspiration et bassesse
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Citations et extraits (85) Voir plus Ajouter une citation
Puisque la Raison n'exige rien qui s'oppose à la Nature, elle exige donc elle-même que chacun s'aime soi-même, qu'il recherche sa propre utilité, en tant qu'elle est réellement utile, qu'il poursuive tout ce qui conduit réellement l'homme à une plus grande perfection, et que, d'une manière générale, chacun s'efforce de conserver son être autant qu'il le peut. Tout cela est aussi nécessairement vrai que le fait, pour un tout, d'être plus grand que la partie. Ensuite, du fait que la vertu n'est rien d'autre qu'agir selon les lois de sa propre nature, et que personne ne s'efforce de conserver son être si ce n'est selon les lois de sa propre nature, on tirera trois conséquences. Premièrement, le fondement de la vertu est l'effort même pour conserver son être, et le bonheur consiste en ce fait que l'homme peut conserver son être. Deuxièmement, la vertu est à poursuivre pour elle-même, et il n'existe rien qui soit plus valable qu'elle, ou plus utile pour nous, et en vue de quoi elle devrait être poursuivie. Troisièmement, enfin, ceux qui se suicident ont l'âme impuissante et sont totalement vaincus par des causes extérieures qui s'opposent à leur nature.
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L'ignorant, outre qu'il est de beaucoup de manières ballotté par les causes extérieures et ne possède jamais le vrai contentement intérieur, est dans une inconscience presque complète de lui-même, de Dieu et des choses et, sitôt qu'il cesse de pâtir, il cesse aussi d'être. Le Sage au contraire, considéré en cette qualité, ne connaît guère le trouble intérieur, mais ayant, par une certaine nécessité éternelle conscience de lui-même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d'être et possède le vrai contentement. Si la voie que j'ai montré qui y conduit, paraît être extrêmement ardue, encore y peut-on entrer. Et cela certes doit être ardu qui est trouvé si rarement. Comment serait-il possible, si le salut était sous la main et si l'on y pouvait parvenir sans grand'peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare.
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L'espoir n'est rien d'autre qu'une joie inconstante née de l'image d'une chose future ou passée dont l'issue est tenue pour douteuse.
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Comme les hommes vivent rarement d’après le commandement de la Raison, ces deux sentiments, l’humilité et le repentir, et aussi l’espoir et la crainte, procurent plus d’avantage que d’inconvénient ; et par conséquent, puisqu’il faut commettre la faute mieux vaut le faire dans ce sens. Car si les hommes à l’âme impuissante (animo impotentes) étaient tous également orgueilleux, n’avaient honte de rien et ne craignaient rien, quels liens pourraient les unir et contenir ? La foule a de quoi terrifier à moins qu’elle ne craigne. Aussi n’est-il pas étonnant que les Prophètes, préoccupés non de l’utilité d’un petit nombre mais de l’utilité commune, aient tant recommandé l’humilité, le repentir et le respect. Et en vérité, ceux qui sont soumis à ces sentiments peuvent bien mieux que les autres êtres amenés à vivre enfin sous la conduite de la Raison, c’est-à-dire à être libres et à jouir (fruantur) de la vie des bienheureux (beatorum).
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Entre la Raillerie (que j’ai dit être mauvaise dans le Coroll. 1) et le rire, je fais une grande différence. Car le rire, comme aussi la plaisanterie, est une pure Joie et, par suite, pourvu qu’il soit sans excès, il est bon par lui-même (Prop. 41). Seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre des plaisirs. En quoi, en effet, convient-il mieux d’apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Telle est ma règle, telle ma conviction. Aucune divinité, nul autre qu’un envieux, ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine, nul autre ne tient pour vertu nos larmes, nos sanglots, notre crainte et autres marques d’impuissance intérieure ; au contraire, plus grande est la Joie dont nous sommes affectés, plus grande la perfection à laquelle nous passons, plus il est nécessaire que nous participions de la nature divine. Il est donc d’un homme sage d’user des choses et d’y prendre plaisir autant qu’on le peut (sans aller jusqu’au dégoût, ce qui n’est plus prendre plaisir). Il est d’un homme sage, dis-je, de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l’agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le Corps, les spectacles et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui. Le Corps humain en effet est composé d’un très grand nombre de parties de nature différente qui ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée, pour que le Corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature et que l’Âme soit également apte à comprendre à la fois plusieurs choses. Cette façon d’ordonner la vie s’accorde ainsi très bien et avec nos principes et avec la pratique en usage ; nulle règle de vie donc n’est meilleure et plus recommandable à tous égards, et il n’est pas nécessaire ici de traiter ce point plus clairement ni plus amplement.
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