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EAN : 9782330037147
91 pages
Actes Sud (04/02/2015)
3.96/5   12 notes
Résumé :
Les vestiges d'une lointaine enfance, les inoubliables moments vécus auprès d'une grand-mère conteuse, la maladie d'une chienne ou le dernier voyage avec un ami condamné : telles sont les étapes du cheminement libre de ce texte qui épouse les méandres de la mémoire tout en distillant de précieuses réflexions existentielles. Récit de voyage dans les lointaines contrées du passé, cette œuvre lumineuse, habitée, profonde, est le pendant méditatif du roman picaresque au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Méditation sur la mort qui survient avant qu'on ait le temps de réaliser, qui met en marche l'horloge des souvenirs, se glisse doucement et impitoyablement dans les quatre textes de « Un vague sentiment de perte ».

La mort de sa grand-mère lui fait dire « je m'imaginais souvent la mort. Instinctivement, je voyais toujours la même image : une vieille femme au visage doux, un rien ironique – le visage de ma grand-mère. », une grand-mère qui « croyait aux esprits » mais elle en parlait comme du quotidien, les y mêlant, à ce quotidien, de manière naturelle « sans étonnement ni exclamation », au cours de longs récits truffés d'anecdotes, ancrés dans le village et ses alentours.

Augustin, un ami écrivain, victime d'un AVC, qu'il va voir à l'hôpital : « Notre visite avait duré vingt minutes à peine. En lui disant au revoir, nous le touchions avec beaucoup de précaution, délicatement, comme on touche un bébé. »
Augustin comme la grand-mère était à travers ses textes, un passeur vers son royaume, le village d'Izdebki, « Une Pologne rurale, profonde, l'ingrédient de base de la vie polonaise qui, dans ses récits, avait acquis la force d'un mythe. »
Et il y distillait aussi « De la tendresse, du grotesque, une lascivité joyeuse, une vivacité populaire, une biologie omniprésente – le merveilleux de la vie. Et le rire aussi, le rire comme dernière planche de salut face au néant qui avance pas à pas. »

Il a par contre du mal à supporter la longue agonie de sa chienne, « un bâtard de pure souche », qui l'irrite car il est « pour la première fois, amené à regarder aussi longtemps, de façon aussi systématique et détaillée, un être se transformer en un corps invalide, puis finalement en cadavre. Je regarde ma chienne et je pense à moi et aussi à toutes ces personnes qui, lentement, quittent l'enveloppe de leur corps, s'en échappent.»
Et il se met à songer : « Drôle de civilisation que la nôtre. Elle nous porte secours, nous protège, prolonge notre vie. Et, en même temps, elle nous rend complètement désarmés face à la mort. Nous ne savons plus comment l'affronter. »

Le dernier texte, le plus long est l'accompagnement d'Olek, un ami de trente ans, l'ami de son quartier, qui a demandé à être incinéré. « Quand ils t'ont acheminé vers le four, j'ai su que j'aurais envie de raconter tout cela. C'était plus fort que moi. le four, l'intérieur, le chariot, me rappelaient l'usine de nos pères. Puis la nôtre. »
Il se revoit trente ans auparavant décrit tout leur environnement, les terrains vagues, le centre ville de Varsovie au loin qui s'obscurcissait dans la lueur du soleil couchant et puis ce voyage à Piran en Slovénie qu'ils refont ensemble, ce voyage pour revoir l'Adriatique. Mais il est seul car son ami est déjà ailleurs.

au restaurant le Dauphin, dans la ville de Piran
« Je n'ai pas arrêté de parler, assis derrière cette table dans le coin droit de la salle. Comme si je voulais tout noyer sous mes paroles. Car je me rendais compte que tout avait changé. Nos chemins se séparaient, sans que ce soit ni sa faute ni la mienne. Pour la première fois, la vie se jouait de nous. Eh oui ! Lui pensait déjà à la mort, et moi, petit malin, je n'y pensais pas encore. »

Quatre morts, quatre absences qui réaniment les souvenirs, les regrets de n'avoir pas su ou pas voulu voir arriver l'inéluctable, la mémoire toujours vivante. D'un texte à l'autre Andrzej Stasiuk franchit des étapes dans sa réflexion.
Il passe par toutes les nuances du gris de la mélancolie et laisse pourtant une grande traînée lumineuse en nous offrant aussi par ces textes une grande bouffée de vie.
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"Un vague sentiment de perte" est un recueil de nouvelles.
Tout petit recueil par le nombre de pages mais grand par les questions qu'il fait naitre, qu'il provoque et les idées qu'il agite dans l'esprit à chaque fin de récit.
Quatre nouvelles, trois ne font que quelques pages mais là encore, c'est comme si l'écrivain avait condensé sa réflexion pour la rendre plus intense, pour rendre les dilemnes davantage palpables et malmener la tranquilité (imaginée !) de l'esprit du lecteur. La dernière nouvelle du recueil représente à elle seule la moitié du livre comme si alors qu'il était toujours allé directement où le sujet peut questionner, dans celle-ci, il avait choisi de prendre son temps pour que les questions se posent au fil des phrases, tout en lisant et pas juste à la fin du récit.
Le thème commun à tous ces textes est la mort.Mais pas la mort en tant que terreur ou effroi, plutôt comme la compagne du quotidioen, l'inéluctable avec laquelle il faut cheminer. Celle qui se pose comme un voile, petit à petit sur les existences et les recouvre doucement de son obscurité. Ce voile à travers lequel la grand-mère du narrateur aperçoit ceux qui sont partis, les écoute parfois et surtout tire de leur présence soudaine une prédiction de l'avenir proche : un peu comme si voir à travers ce voile, c'était être clairvoyant, c'était lire le lendemain à la lumière des présages.
Cette mort, comme un sommeil progressif est cette séparation lente qui emporte cette chienne dont l'existence a accompagné l'écrivain. Il ne reconnait plus vraiment cet animal fougueux avec lequel il a tant joué, avec lequel il a tout partagé. Et pourtant, malgré les aléas de l'âge, il ne veut pas hâter la fin, la choyant pour qu'elle glisse simplement vers un ailleurs dont lui-même se refuse à ouvrir la porte.
Cette mort est aussi le bout de la route de cet ami qui ne se souvient plus de ceux avec lesquels il a temps échangé d'idées, de théorises, ceux avec lesquels, il a argumenté sur tous les sujets... le voilà devenu mutique, n'abitant que l'intérieur de lui-même et n'offrant plus comme compagnie que l'ombre corporelle d'un esprit qui s'est refermé.
Cette mort, enfin, prévue à cause dela maladie, qui s'pprète à séparer ces deux amis d'enfance. L'un se reprochant sa lacheté et de ne savoir en toute compassion accompagner l'autre. La peur de regarder l'absence qui se personnifie, l'agacement de ne plus recnnaitre l'autre qu'on ne devine plus, quand il ne reste que les souvenirs de voyages, de découvertes partagés, de la vie refusée et celle choisie, quand il ne reste que le son de la guitare pour meubler les silences qui sont de plus en plus nombreux et comment accepter le choix de cet ami qui ajoute à l'abscence , la disparition, la demande d'oubli comme s'il voulait s'envoler loin de ceux qui ont peuplé son existence.

Andrzej Stasiuk nous oblige à méditer, à nous interroger, avec la tristesse et la nostalgie pour compagnes, avec la résignation comme fatalité.


(Septembre 2021)
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Dans ce récit, un petit bijou de littérature, Stasiuk, se recueillant en réflexions sur la perte de personnes aimées , rend hommage à sa grand-mère, à un ami, Augustin, à son meilleur ami Olek, mais aussi à sa chienne mourante et au quartier où il a grandit.
La décrépitude de la vieillesse, la mort qui nous prend à l'improviste quand elle touche un être très proche avec qui on a vécu "une vrai vie", la nostalgie de cette "vrai vie" , alors que la personne a disparu, ....des réflexions profondes sur l'existence , que l'auteur nous décline dans un style léger et lumineux. Un très beau texte !
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Il s'agit d'un tout petit livre, à peine 90 petites pages. Il est composé de quatre nouvelles, les trois premières très courtes, la dernière occupe plus de la moitié du livre. Stasiuk y évoque la mort de quatre être qui ont eu de l'importance pour lui, et dont le décès l'a marqué. Dans la première sa grand-mère, puis le lauréat d'un prix littéraire auquel Stasiuk a participé comme jury et avec lequel il a sympathisé, ensuite une chienne qu'il a gardé très longtemps, et enfin un ami d'enfance. le souvenir de ce dernier, fait remonter des souvenirs de l'enfance de l'auteur, en particulier d'un quartier de Varsovie où il a vécu à cette époque, Grochów.
C'est donc très introspectif, l'auteur évoquant les impressions, les sentiments que provoquent en lui ces morts, comment cela le renvoi à sa propre finitude.
Stasiuk se montre nostalgique et presque sentimental dans ce recueil, essentiellement dans la deuxième et troisième nouvelle, ce qui n'est pas son cas habituellement. Je trouve la dernière nouvelle la plus réussie, la plus complexe, avec l'évocation de différents éléments, entre l'enfance et la mort qui arrivera un jour.

Un livre qui peut être un peu frustrant par sa taille un peu réduite, et étonner par une tonalité que l'on ne rencontre pas toujours dans oeuvre. Il y a quand même de beaux passages, réellement émouvants. Un livre visiblement très personnel et intime.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous avions aussi une guitare. Un vieux caisson soviétique à sept cordes, avec un manche étonnamment long. Il en jouait dès que nous arrivions quelque part. De la musique américaine sur une guitare russe, ou plutôt soviétique. C'était une musique de gauche qui, de façon presque surréaliste, allait bien avec la guitare. Woody Guthrie, Pete Seeger, Dylan jeune. Nous étions issus de familles ouvrières arrivées en ville de la campagne, et nous étions sensibles au sens caché des choses et des événements. Nous étions nés à l'ombre de la Russie soviétique, mais notre imagination se nourrissait de l'Amérique populaire de gauche.
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Cette déchirure dans l’étoffe de l’existence ne se produisait sans doute que dans mon imagination, c’est moi qui y voyais des trous. Ma grand-mère, elle, ne le remarquait pas. Pour elle, c’était dans l’ordre des choses : les événements n’obéissaient qu’à un seul ordre supérieur et indivisible et étaient donc aussi réels que légitimes. Peut-être sa conscience procédait-elle tout de même à des distinctions, faufilant et rapiéçant des endroits usés, décousus, mais impossible de retrouver dans ses récits la trace d’un tel ravaudage.
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Il me manque.Pas seulement parce qu'il est mort.Cela,on peut s'y faire.C'est juste que l'on pense différemment à une vie arrivée à son terme.Il faut s'habituer au fait que rien ne pourra plus changer et qu'il nous restera que le passé .Ce qui me manque,c'est un lieu où je puisse le retrouver....Quelque chose qui me prouve que nous avons vécu une vraie vie.p.89-90
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J'écris et je tourne les yeux vers la véranda. La chienne a mangé et elle s'est remise en boule dans sa niche garnie de sacs de couchage et de couvertures. Notre jeune chat gris s'y glisse aussi à sa suite, il se blottit contre elle, dans la chaleur de son corps tiédissant.
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À une époque lointaine, bien avant celle de l’humanisme, la mort était une chose cruelle, elle venait toujours trop tôt, mais la vie continuait pourtant jusqu’à son terme. C’est le destin qui en décidait. Mais le destin semble de plus en plus dépassé. Bientôt, il n’y en aura plus. Pour l’heure, on l’éloigne de notre quotidien vers les hôpitaux et les mouroirs. Ensuite, on s’occupera du temps. On décidera quand il doit se manifester.
J’écris et je tourne les yeux vers la véranda. La chienne a mangé et elle s’est remise en boule dans sa niche garnie de sacs de couchage et de couvertures. Notre jeune chat gris s’y glisse aussi à sa suite, il se blottit contre elle, dans la chaleur de son corps tiédissant.
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Video de Andrzej Stasiuk (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Andrzej Stasiuk
Le jeudi 25 octobre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr) recevait Hélène Gaudy en qualité de libraire invité.
Elle nous présentait sept livres qui lui tiennent particulièrement à c?ur :
1. Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves (02:05) 2. Andrzej Stasiuk, Un vague sentiment de perte (12:15) 3. Jakuta Alikavazovic, L'avancée de la nuit (20:40) 4. Sylvain Prudhomme, Là, avait dit Bahi (32:26) 5. Jean-Christophe Bailly, Description d'Olonne (42:16) 6. Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance (48:10) 7. Gwenaëlle Aubry, Personne (54:40)
En fin de rencontre, Charybde 7 évoquait chaleureusement plusieurs ouvrages d'Hélène Gaudy (1:00:30)
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