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EAN : 9782702415030
Le Masque (01/09/1988)
3.17/5   15 notes
Résumé :
Monsieur le préfet de police, je vous préviens qu'un crime sera commis demain dans le XVIIème arrondissement. Signé : Le Furet. Des lettres de ce genre, la police en reçoit des dizaines. Elles échouent dans la corbeille à papiers et on n'en parle plus.
A moins que... A moins qu'un assassinat ne soit effectivement commis dans le XVIIème arrondissement... Simple coïncidence ? Peut-être... Un crime est si vite arrivé...
Pourtant, lorsque le Furet récidive... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
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Graphomaniaque, débordant d'idées, "avide de vivre mille vies", écrivant très régulièrement de 6 heures à midi, ne se relisant, disait-il, jamais, menant, il faut bien le dire, un train d'enfer et possédant, à lui tout seul, un sens quasi balzacien de la comédie humaine revue et corrigée par le roman noir et/ou policier, Georges Simenon n'a pratiquement laissé aucune place en la matière à ses confrères belges. Ceux-ci devaient soit faire du Simenon - chose peu glorieuse car elle s'apparente au plagiat pur et simple et l'entreprise, qui plus est, se révèle à l'usage extrêmement difficile, voire impossible, à moins de pasticher - soit se démarquer d'une façon ou d'une autre. Mais le découragement les saisissait dès le début, hypnotisés qu'ils étaient par cet Himalaya de la Littérature qui s'appelait Simenon.

En ce sens, Stanislas-André Steeman n'a sans doute pas eu la chance qu'il méritait car, au moins dans deux de ses ouvrages, "La Maison des Veilles" et le remarquable "Mannequin Assassiné", sans oublier le cynique "Autopsie d'un Viol", il nous montre un aperçu de ce qu'il aurait pu faire s'il avait accepté de se mesurer à Simenon. Mais, nonchalant, élégant et plus semblable qu'on ne le croit à son personnage-fétiche, le détective privé Venceslas Vorobeïtchik, plus connu comme M. Wens, il est clair que, pour lui, le jeu n'en valait pas la chandelle. Non que Steeman ait méprisé Simenon : simplement, il avait sa voie, et le Liégeois avait la sienne.

Simenon, c'étaient les allées, à la fois royales et glauques, du roman policier "classique" et aussi de ce que nous aurions aujourd'hui tendance à appeler le "roman noir", avec très souvent un Jules Maigret "pépère" et qui aime sa vie d'intérieur et la sérénité qu'elle dégage pratiquement autant que l'adrénaline, le torrent de violence qui lui embrase les veines quand il est sur une affaire. Maigret a "de gros yeux" et un physique pas vraiment, vraiment de jeune premier. Orphelin de mère alors qu'il devait atteindre ses cinq ans, il a eu un bon père qui a pu lui servir de modèle et a d'ailleurs profondément influencé sa vie puisque c'est la mort de ce père tant aimé, et les problèmes d'argent qui en découlent, qui contraignent le futur commissaire à abandonner la médecine pour entrer dans la police. Maigret se veut "réparateur d'âmes" sans doute parce que, au tout début, il voulait soigner les corps. Mais ce n'était pas son Destin.

Et dans les romans noirs "purs", quand Maigret n'apparaît pas, Simenon s'attache à son thème favori, celui qui le hante, il n'y a pas d'autre mot : les relations humaines, l'analyse psychologique de ses héros, y compris les plus méprisables, à un point qu'il sera le seul à élever à ce niveau, en tous cas dans le genre choisi.

Steeman, lui, c'est l'imprévu, l'élégance, l'amour du déguisement cher à M. Wens - un véritable Frégoli quand il s'y met : songez à l'inénarrable "Poker d'Enfer" - surtout pas d'épouse, une maîtresse qui change tout le temps quand elle est là, un physique plutôt agréable mais sans rien de remarquable et une indolence quasi pathologique jusqu'au moment où lui aussi perçoit les cinq coups terribles de la Symphonie de l'Adrénaline. Au contraire de Simenon, si Wens a eu un père raffiné et cultivé, il a eu aussi un père assassin - de quoi vous marquer pour la vie. D'ailleurs, si M. Wens a choisi la carrière de détective privé, n'y a-t-il pas un rapport - bien qu'il noie tout cela sous un dilettantisme jamais atteint par exemple par les héros du hard-boiled américain ? Mais, plus cynique que Maigret - il faut bien être cynique quand on découvre soi-même, à dix ans, que son père a tué - Wens ne croit pas qu'on puisse "réparer les âmes", ni même s'y essayer. Qu'elles se débrouillent, les âmes ! La seule qu'il aurait voulu réparer, c'était celle de son père et il ne l'a pas pu ... Derrière le dandysme, l'ironie raffinée, les bons mots de M. Wens, derrière ses ébouriffants succès féminins et professionnels, vit et s'agite une grande, une inguérissable douleur. Mais on ne va pas en faire tout un fromage, n'est-ce pas ? ... En tous cas, tel est le choix de M. Wens. Et c'est aussi son droit.

Dans les romans où il n'apparaît pas - dont, contre toute idée bêtement reçue, le très célèbre "Assassin Habite au 21" - l'atmosphère est tordue, bancale, brumeuse, avec des dialogues toujours étincelants, des imprévus étonnants, des inégalités aussi, bien entendu et, dans "La Maison des Veilles" comme dans "Le Mannequin Assassiné", un policier qui évoque, pour l'aficionado, comme l'ombre de Maigret : une ombre au sens littéral, surtout dans le premier car ce policier-là abandonne carrément toute sa carrière pour s'enfuir avec l'assassin.

"Crimes A Vendre" appartient à la série des M. Wens. Bien qu'il ne s'agisse pas du meilleur de la série, cela reste un roman astucieux où un "placier en crimes" rencontre son maître en le "placier en remords" qu'est M. Wens. L'intrigue est en apparence très classique : une série de lettres annonçant un crime dans tel ou tel arrondissement parisien s'abat sur la capitale. Au début, la police n'y prête pas attention parce qu'il faut bien admettre que, si les malheureux policiers s'arrêtaient à chaque missive leur prédisant pareille horreur, ils ne pourraient même plus décacheter le courrier ! Toutes ces lettres sont signées "Le Furet" et, un crime, puis deux, puis trois, se commettant effectivement, le Quai des Orfèvres finit par prendre l'affaire au sérieux.

D'autant que ce malin de Furet, voyant qu'on ne réagissait point au début avec tout l'enthousiasme que requéraient ses "prédictions" de professionnel, s'est empressé de mettre la presse dans le coup ! A partir de là, cela devient de la folie. Tout le monde est sur les dents. M. Pire-Dandoy, le juge d'instruction, envoie chercher M. Wens d'urgence et, pendant qu'on le cherche - car on ne sait jamais très bien où il se trouve - les crimes continuent, accompagnés toujours de vols étranges comme, par exemple, celui d'un rouet ou d'une horloge Louis XVI !

De temps en temps cependant, un nuage semble noircir la clarté astrologique des visions du Furet : il se trompe d'arrondissement ou alors le crime n'a pas lieu ou encore il survient deux jours après la date prévue. Cela dit, n'importe quelle cartomancienne de métier vous dira que des choses comme ça, ça peut arriver ! Mais parfaitement, Madame !

Arrive aussi un camionnette qui renverse, par pur accident, un certain Jean-Joseph Thiais, un sexagénaire qui, dans la poche de sa veste, détenait l'une des lettres, encore à poster, du Furet. M. Pire-Dandoy est aux anges : son Furet, il le tient !

M. Wens, lui, est plus réservé ...

Il n'a pas tort car, en dépit d'interrogatoires serrés et qui semblent ne devoir s'achever qu'au jour du Jugement Dernier, il se trouve que, Thiais encore sous les verrous, un crime correspondant au modus operandi habituel est une fois encore perpétré. le "Furet" exige alors - c'est bien son droit - qu'on le remette en liberté et vogue vers la célébrité. Car, désormais, tout le monde veut le consulter ... Au zénith du ciel parisien, ne scintille plus que "son" étoile à lui, ou plutôt celle du "Professeur Starr", son nom de professionnel ...

M. Wens sort alors de sa réserve et ...

... Et je ne vous dirai pas la suite. ;o) Ce qui vous donnera peut-être l'envie de découvrir Stanislas-André Steeman même si "Crimes A Vendre", répétons-le, n'est pas le meilleur de ses opus. Mieux vaut "L'Assassin habite au 21" bien sûr ou encore "Que Personne Ne Sorte" ou "Poker d'Enfer" (tous deux époustouflants, avec des dialogues inénarrables) et, bien sûr, le très noir et très sarcastique "Autopsie d'un Viol."

Mais enfin, personnellement, je vous conseille le détour Steeman. Il faut de tout pour faire un monde : et sans Steeman, croyez-moi, il manquerait l'un de ces grains de magie, blanche ou noire, peu importe, mais absolument éblouissante, qui, ma foi, se révèle aussi indispensable à la littérature policière belge d'expression francophone, que le bloc massif, balzacien et si réaliste de notre bien-aimé Simenon. ;o)

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Crimes à Vendre est un roman policier atypique, bâti sur une idée très originale. On y retrouve ce face à face un brin ironique entre Monsieur Wens, LE détective de Steeman, et la police officielle, face à face que l'auteur colore d'une ironie pleine de sympathie. L'humour est toujours sous-jacent dans les romans de Steeman et celui ci ne déroge pas à l'habitude.
Le roman est bizarrement construit et le début est un peu laborieux, mais la seconde partie est assez géniale. Les connaisseurs apprécieront les hommages à GK Chesterton. Les lecteurs qui aiment ce style de polar au second degré, typique de Steeman trouveront de quoi se satisfaire avec Crimes à vendre, mais je ne recommanderai pas d'aborder l'auteur par ce livre que je conseillerai davantage à ceux qui en redemandent, après une première expérience réussie.
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Courte histoire de 160 pages où la déduction est de mise ici mais propre plutôt à l'enquêteur récurrent de l'auteur qu'à la police qui ne démérite pourtant pas, comme le laisse supposer la conclusion maligne des toutes dernières pages.
Les courriers qui annoncent les meurtres s'enchaînent et les prédisent correctement. Tous les présumés meurtriers sont suspectables pour de "bonnes raisons". Mais alors comment l'auteur des courriers peut-il connaître les jours des meurtres si finalement ce ne sont pas les présumés coupables qui agissent malgré leurs mobiles ?
On assiste grâce à ce questionnement à de belles joutes et fulgurances entre chaque protagoniste. Et parfois, au détour d'une phrase, c'est même plutôt drôle, ce qui ne gâche rien à l'ensemble bien construit et rythmé.
En résumé, c'était une histoire très plaisante, comme tous les anciens Masques que j'ai lus jusqu'ici. Je suis en tous cas ravi de finir mon été sur cette belle note d'une enquête au dénouement original.
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Au début, j'ai eu une sensation de déjà-vu avec cette histoire, des lettres qui préviennent qu'un crime va être commis, c'est une ficelle qui a été utilisée dans plusieurs livres et scénarios de films. Mais je me suis bien immergée dans l'histoire quand même et j'aimerais bien voir le film qui a été tiré du livre. L'arrivée du policier m'a paru un peu tombée comme un cheveu sur la soupe mais le twist final m'a beaucoup étonnée.
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Un livre fascinant avec des scènes violentes que revêt la société d'antan et qui nous guettes toujours dans nos situations bien familières ce qui nous laisse désolant.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... Un brusque courant d'air frais, l'air du palier exposé au vent d'ouest. Et puis le silence, ce riche silence nocturne nourri de menus bruits familiers : le tic-tac assourdi d'une lointaine pendule, le pétillement de l'eau gazeuse dans une bouteille mal fermée, l'intermittent ronflement de Gamin couché en boule dans son panier enrubanné.

Blacky ne hurlait plus. Il pleurait maintenant comme un enfant battu qui ravalerait ses sanglots de crainte de s'attirer un nouveau châtiment.

- "Gamin ! Gamin !" chuchota comme chaque soir Mme Chapuis, laissant pendre une main hors du lit. "Chéri ..."

A l'appel de son nom, Gamin - un vieux pékinois presque aveugle - avait levé la tête. Mais il ne quitta pas son panier. Il s'y pelotonna avec un gémissement plaintif.

Une ombre démesurée était entrée sans bruit. Elle courut sur le mur, vers le lit, s'y abattit comme une énorme chauve-souris, reprit, bossue, le chemin de la porte ...

Elle avait déjà quitté la chambre quand l'une des nombreuses poupées qui n'y dormaient jamais - la Colombine aux yeux étonnés - piqua une tête sur le tapis et y demeura étalée dans l'attrayant fouillis de ses jupes de soie.


- "Une heure !" dit Hélène Dauvel-Juste après avoir jeté un coup d'oeil à sa montre de chevet. "Tu ne me feras jamais croire que tes malades te retiennent aussi tard ... Qu'est-ce que tu as ? Tu as bu ?"

Dauvel-Juste se pencha sur elle, à la toucher. Elle eut peur. Mais il ne voulait qu'éteindre la lampe qu'elle venait d'allumer.

- "Fous-moi la paix !" dit-il haineusement. "Est-ce que je te demande d'où tu viens quand tu reviens de chez ta couturière ?" ... [...]
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[...] ... Q - Reconnaissez-vous être le sieur Thiais Joseph-Barnabé, né à Doullens le 30 septembre 1880 et domicilié rue Chaptal, 44 ?

R - Oui

- "Je ne le reconnais pas, je m'en flatte !"

Ainsi s'était en réalité exprimé "le Furet", mais M. Pire-Dandoy avait eu, à l'intention de son greffier, un geste de chef d'orchestre suspendant l'ouverture d'une symphonie :

- "Inutile de consigner ceci, Gignoux."

Et il avait insisté :

- "Répondez par oui ou par non.

- Oui," avait alors grogné le petit homme (après avoir certainement pensé dire non).

Q - Où étiez-vous et que faisiez-vous dans la soirée du 6 février ?

R - Prétend ne pas se souvenir.

Q - Où étiez-vous et que faisiez-vous dans la soirée du 8 février ?

R - Dit avoir oublié.

Ici encore Gignoux avait librement interprété, reculant devant l'impertinence des répliques originales : "- "Et vous-même, Monsieur le Juge ? - Demandez-moi plutôt de vous réciter les Stances A Dupérier !"

Q - Où étiez-vous et que faisiez-vous dans la soirée du 27 février ?

R - Déclare ne pas se rappeler.

Q - Où étiez-vous et que faisiez-vous dans la soirée du 29 février ?

R - Ne peut préciser. ... [...]
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Je ne crois pas!Tu as bien entendu parler d’accusations posthumes?Suppose qu’il m’arrive quelque accident fâcheux,que je tombe par la fenêtre,ou que je me noie dans ma baignoire:on est si peu de chose! Eh bien,il’e s’ecoulerait pas vingt/quatre heures que laolicr saurait pourquoi j’ai été tue et par qui j’ai tout prévu,Nick!jesais même que gaffier vient de rentrer d’alger et que si je l’appelais par téléphone.>
💼
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Assez de boniments! Vous ne me ferez jamais admettre de bonnets!Vous ne me jamais admettre que votre boule de cristal, même soumise aux courants cosmiques, vous permet de déterminer si un crime aura lieu à Saint-Germain ou à Bercy!
☠️
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Personne ne croit plus aujourd’hui à l’astrologie,disiez-vous,Monsieur le préfet? Souffrez alors que je vous répète cette déclaration de M. Flipoff,astronome a l’observatoire d’Alger :< L’homme, ce< microscope des anciens,
☠️.
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