Lorsqu'un enfant, pour la premiére fois, voit les adultes tels qu'ils sont, lorsque pour la premiére fois l'idée pénètre dans sa tête que les adultes n'ont pas une intelligence divine, que leurs jugements ne sont pas toujours justes, leurs idées bonnes, leurs phrases correctes, son monde s'écroule et laisse place à un chaos terrifiant. Les idoles tombent et la sécurité n'est plus. Et, lorsqu'une idole tombe, ce n'est pas à moitié, elle s'écrase et se brise ou s'enfouit dans un lit de fumier. Il est difficile alors de la redresser et, même réinstallée sur son socle, des taches ineffaçables dénoncent la chute passée. Et le monde de l'enfant n'est plus intact. Il se meut alors péniblement jusqu'à l'état d'homme.
On peut être fier de n'importe quoi si c'est tout ce qu'on a.
Il arrive qu’un homme prenne plaisir à être stupide si cela lui permet de faire une chose que son intelligence lui interdirait. (p334)
Peut-être avons-nous tous un marais où le mal germe et prolifère. Mais les berges en sont glissantes et nos virus nageurs ne les gravissent que pour mieux retomber. Ne se pourrait-il pas que chez certains êtres le mal acquière suffisamment de force pour s’échapper ? Ne serait-ce pas l’explication du monstre ? Et ne sommes-nous pas ses parents par les marais que nous avons en commun avec lui ? Il serait absurde de ne pas admettre les anges et les démons, puisque nous les avons inventés.
"Je sais qu'on utilise parfois le mensonge pour ne pas blesser, mais je ne crois pas que son effet soit bienfaisant. La douleur fulgurante de la vérité se dissipe, alors que la douleur lancinante du mensonge demeure. C'est un mal rongeant."
Chaque année, régulièrement, naissait un enfant. Les quelques médecins du pays, harassés de travail, étaient rarement appelés pour une naissance, à moins que l'heureux évènement ne se transformât en cauchemar. Samuel Hamilton mit au monde tous ses enfants, coupa et noua les cordons ombilicaux, claqua les petites fesses et nettoya tout le gâchis. Lorsque son plus jeune enfant naquit et commença d'étouffer, Samuel colla sa bouche à celle du nouveau-né et lui insuffla la vie. Son habileté et sa délicatesse étaient si grandes que l'on l'appelait à vingt milles à la ronde pour les accouchements - que ce fût une jument, une génisse ou une femme.
Il avait un gros livre noir, toujours à portée de la main, dont le dos s'ornait d'un titre en lettres dorées : La Médecine familiale du Docteur Gunn. Certaines pages étaient écornées et déchirées ; d'autres ne furent certainement jamais ouvertes à la lumière. Feuilleter le Docteur Gunn est un excellent moyen de connaître l'histoire médicale des Hamilton. Les pages usées traitaient des fractures, coupures, coups, oreillons, rougeole, tour de reins, scarlatine, diphtérie, rhumatismes, douleurs féminines, hernie - et évidemment de tout ce qui se rapportait à la grossesse et à l'accouchement. Quant aux chapitres sur la blénnoragie et la syphilis, ils étaient intacts - ce qui prouve que les Hamilton étaient soit vertueux, soit veinards.
Chaque homme cultive en lui un jardin secret où il se retirera le jour de sa retraite pour y faire les choses qu'il n'a pas eu le temps d'accomplir. Il y fera ses voyages, il y lira les livres qu'il a prétendu lire.
On dit qu'une franche blessure se cicatrise mieux. Je trouve qu'il n'y a rien de plus triste qu'une amitié qui ne tient plus que par la colle de timbre-poste. Quand on ne peut plus voir, entendre, ou toucher un homme, il vaut mieux rompre les amarres.
...et je crois qu'une femme peut être plus forte qu'un homme si l'amour habite son cœur. Une femme qui aime est presque indestructible.
Il avait l' esprit de compétition qui pousse à affronter les autres pour les
écraser - ce qui dans notre monde tient lieu de réussite .