Pour le fondateur de l'anthroposophie, l'âme chemine selon des cycles de deux phases faisant s'alterner ce que nous désignons –avec la modestie de nos moyens- : la vie entre la naissance et la mort, et la vie entre la mort et la naissance.
Nous distinguons toujours, comme d'habitude avec
Rudolf Steiner, les quatre corps de l'Homme : corps physique, corps éthérique, corps astral et le Moi. Lorsqu'elle meurt, l'âme abandonne son corps physique. le corps éthérique est ensuite directement concerné dans le processus qui l'attend suite à cet événement majeur de la réalisation de son karma (
Rudolf Steiner en évoque rapidement quelques modalités mais ne s'attarde pas car cette thématique fait déjà l'objet de cinq autres livres). Dans un mouvement d'expansion, le corps éthérique progresse à travers le cosmos en passant par diverses sphères célestes :
- La sphère de la Lune à travers laquelle l'âme abandonne toutes les intentions qu'elle n'a pas réussi à achever, non qu'il s'agisse de faiblesse ou de paresse mais parce que cet échec était nécessaire.
- La sphère de Mercure, lieu de condamnation anthroposophique puisque toute âme traversera cette sphère en fonction de la vie menée sur Terre : en ermite vivant dans la détresse ou dans la joie de rencontrer des entités des mondes supérieurs.
- La sphère de Vénus, lieu de reflet des impulsions artistiques et religieuses à travers laquelle l'individu pourra rejoindre sa communauté de coeur ou cheminer, une fois encore, dans la solitude glaciale qui traduit la stérilité de son existence précédente.
- La sphère du Soleil, à laquelle ne peuvent accéder que les êtres qui sont capables de comprendre le passage de la subjectivité à l'objectivité universelle. C'est le lieu de rencontre du Christ et de Lucifer, également indispensables à l'accomplissement du karma.
- La sphère de Mars permet d'approfondir la communion avec les êtres spirituels supérieurs mais ne demeure toutefois qu'au stade des balbutiements et des intuitions. A partir de cette limite, seules les âmes les plus évoluées peuvent encore cheminer.
- La sphère de Jupiter poursuit cette communion en permettant aux âmes d'accéder à la compréhension et au langage des entités supérieures.
- La sphère de Saturne permet l'accomplissement final de la communion de l'âme avec les entités supérieures.
La traversée de ces trois dernières sphères est éludée. Dans le Rapport avec les morts, ce qui nous importe est de savoir communiquer avec les âmes récemment libérées, celles qui n'ont pas encore traversé la sphère lunaire.
Rudolf Steiner prodigue des conseils pour les morts à l'usage des vivants. Il s'agit d'aider les âmes à parcourir sereinement les différentes sphères célestes en leur faisant la lecture (prière personnelle pouvant revêtir n'importe quelle forme à condition qu'elle utilise un langage spirituel compréhensible par le corps éthérique et non pas un langage faisant appel aux notions de notre monde physique) ou en favorisant notre vie onirique puisque nos rêves constituent la nourriture des défunts les plus proches.
Peu importe la réalité de ce que nous raconte
Rudolf Steiner. Rien ne peut nous prouver que ce qu'il avance est effectif parce que ses théories font appel à la persuasion sentimentale et affective et pas à la conviction rationnelle.
Rudolf Steiner est un conteur inégalable qui ne s'abaisse pas aux concessions habituelles des artistes de la narration. Il nous explique tout à l'aide de ses légendes merveilleuses. Lorsque l'âme traverse la sphère céleste lors de son mouvement d'expansion, elle abandonne derrière elle ses intentions inachevées –qu'il s'agisse d'un projet intime ou d'une invention importante pour l'humanité. Ces intentions flotteront en attendant d'être récupérées par une âme qui traversera la sphère lors de mon mouvement de contraction, à l'aube d'une nouvelle naissance, et constituera le réservoir potentiel de sa destinée. Ainsi s'explique ce qu'on appelle le progrès et qui ne serait autre que le relais d'un flambeau d'une âme à une autre.
Rudolf Steiner nous explique également que l'homme moderne a perdu cette capacité qu'avaient les hommes plus primitifs de communiquer avec l'au-delà par l'investissement presque total de ses forces physiques dans la mise en place d'une structure cérébrale et d'une bipédie coûteuses. A condition de sacrifier un ou plusieurs acquis de nos domaines culturels pendant quelques années, il devient à nouveau possible de libérer les forces économisées afin de développer ses dons de spiritualité et de clairvoyance.
Parmi d'autres informations savoureuses,
Rudolf Steiner nous apprend que, tout comme l'homme physique se nourrit d'aliments physiques cultivés dans les champs, l'homme éthérique se nourrit des pensées spirituelles que nous leur abandonnons chaque nuit au cours de nos rêves. Une humanité sans sommeil –qu'elle soit plongée dans les affres de l'insomnie ou abrutie par un sommeil artificiel- constitue la famine de nos morts. Se vengeront-ils ?
Rudolf Steiner ne se cache pas d'être un conteur primitif qui fera rire les plus sceptiques. Sûr de lui, il ne cherche pas à s'opposer à ces « forces de l'obstruction » qui se parsèment sur la route de l'âme spirituelle pour ralentir son évolution. Il ne cherche pas à les convaincre en s'abaissant à utiliser leurs armes rationnelles puisque son objectif est de dépasser la société matérialiste, à l'origine de la dégénérescence de notre société, pour trouver une plus grande harmonie spirituelle. Renouer le contact avec les morts ne signifie pas allumer des bougies, se vêtir de noir et psalmodier des incantations en rêvant au parcours cosmologique de nos proches parents décédés : cela signifie se détacher des contraintes matérielles immédiates de notre quotidien pour retrouver l'espace sacré de l'universel, se mettre au diapason des rythmes du cosmos pour mieux en comprendre le fonctionnement –tous mouvements d'expansion qui permettront en retour de se replier sur son âme pour écouter les plaintes karmiques de ses intentions et communions nécessaires. Les légendes qui servent de base au transport d'idées que notre langage ne peut pas exprimer constituent les plus merveilleuses histoires que je n'aie jamais lues –parce que leur potentiel poétique devient infini au croisement de l'application universelle qu'elles supposent.
Les prophéties des initiateurs à l'ère du Verseau appellent ici à un retour massif vers le spirituel après l'ère de matérialisme que nous avons connue.
Rudolf Steiner précède de peu
Jean-Charles Pichon en évoquant l'idée d'un mouvement chronologique de l'à-venir à ce-qui-a-été (et légitimant par la même occasion les calculs astrologiques : « La position des planètes [au moment de la naissance d'un homme] indique au fond ce que l'homme lui-même avait gravé préalablement dans ces sphères. du point de vue de l'astrologie, cette position, mais également la position des planètes par rapports aux étoiles fixes, constituent une sorte d'indication de ce que nous avons-nous-mêmes gravé dans les différentes sphères »).
Bientôt viendra l'heure où, sans renier catégoriquement les avancées de l'ère matérialiste, nous rejetterons son paradigme obtus et rationnel pour nous lancer tête la première vers une nouvelle ère de spiritualité –l'archaïsme à son degré supérieur. Un siècle avant nous,
Rudolf Steiner semblait avoir deviné l'appel pressant que la figure du Verseau opposerait aux générations vivantes de notre humanité actuelle : développement des médecines parallèles, chamanisme, mythes de la communion de l'homme et des éléments, investigation des sphères de l'occulte et du spirituel…connaissent une croissance exponentielle face à laquelle l'ancienne école matérialiste se trouve de plus en plus désarmée.
Rudolf Steiner avait peut-être raison de croire que nous sommes attirés par ce qui doit nécessairement advenir –le Verseau et son engeance spirituelle- mais le point de vue des observateurs matérialistes fonctionne aussi : la situation actuelle de percée du spirituel peut très bien être le résultat causal de l'élargissement de la sphère d'influence des mouvements similaires à celui de l'anthroposophie. Si
Rudolf Steiner se réincarne dans un millénaire, la nécessité sera inverse : essoufflé par une ère de spiritualité qui sera parvenue à sa dégénérescence, il nous enjoindra alors à abandonner nos fantasmes et nos croyances concernant le monde des morts pour mieux nous préoccuper de notre vie strictement physique. Mais peut-être, aussi, en sera-t-il tout autrement…
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