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Critique de steppe


Bon, 2 ans que j'attendais sa sortie en poche, pleine du souvenir des critiques dithyrambiques vues ici et là.
Le roman fondateur du genre d'après beaucoup, et pas des moindres (Stephen king, Thomas Harris ou encore James Ellroy!!!)...
LE thriller qu'il faut avoir lu, LE livre incontournable concernant les serials killers...
Si l'on considère l'époque où il fut écrit, effectivement on comprend ce qu'il a pu apporter au genre...

Mais que me reste-t-il au bout de ces 900 pages ?
Je me sens partagée. A la fois conquise et déçue.
D'abord, si vous vous engagez dans cette lecture, soyez prêts à lire l'insoutenable, à plonger tête première dans un océan de sang, de sexe, de souffrance, de manipulations en tous genres. le tout dit de la manière la plus crue et avec un détachement parfois plus insupportable que les faits racontés..

Le principal atout du livre réside, à mon sens, dans l'immersion la plus complète au coeur de cette âme torturée. le "pourquoi", puis, le : "comment" devient-on sérial killer ? Ou, comment la vie peut-elle transformer, façonner un être jusqu'à le rendre incompréhensible aux yeux du plus grand nombre jusqu'aux spécialistes...
Shane Stevens nous présente d'abord un enfant torturé puis un adulte prisonnier de ses délires les plus monstrueux..
Il décortique, analyse de façon très "universitaire" puis "journalistique" le processus fatal l'ayant conduit à commettre ses crimes.
Il nous donne une clé pour pénétrer dans son esprit aliéné en nous livrant ses réflexions intimes, ses questionnements et ses réponses face aux tortures mentales, physiques et morales qui lui ont été infligées lorsqu'il était enfant.
Sans pour autant justifier ou légitimer ses actes (et heureusement!), il nous permet une compréhension du mécanisme pervers l'ayant amené à la folie.
Le résultat par moments, nous glace de l'intérieur. Lorsque l'on se rend compte que, malgré l'horreur, il nous arrive d'éprouver de la sympathie pour le personnage... Mais, par moments seulement, car l'auteur ne nous laisse pas le temps de nous apitoyer sur le "monstre".

L'un des points forts du roman : les différents points de vue amenés par les autres protagonistes du livre.
Adam Kenton- journaliste-, Stoner-sénateur-, le docteur Finch-spécialiste universitaire des tueurs en série, Oates-shérif-, Spanner-inspecteur- et beaucoup d'autres (un peu trop parfois?), nous entraînent dans leurs enquêtes et dans leurs expertises respectives.
Ainsi, Shane Stevens se livre à une critique sans égards du pouvoir et de ses "monstruosités"... de la société américaine des années 70. du pouvoir en place.
Et, il nous explique, démontre le retentissement que peut avoir ce genre d'affaires sur le monde politique, la façon dont il les récupère et dont les hommes de pouvoir les utilisent pour servir leurs desseins. Allant même jusqu'à espérer que le tueur ne sera pas arrêté trop tôt, histoire de leur laisser le temps de manipuler l'opinion publique. Et tant pis pour les victimes potentielles!!!
Idem pour la presse ou le chercheur ambitieux.
Le tout donne lieu à une réflexion intelligente et argumentée sur des sujets sensibles tels que la peine de mort, le pouvoir, la corruption,la peur tout en nous ramenant inlassablement vers un questionnement abouti sur le Mal, ses origines, ses complices involontaires ou plutôt inconscients. Mais l'inconscience est-elle une excuse ou juste une circonstance atténuante ? Et, le plus monstrueux est-il celui que l'on croit être? Tous ces pontes, évoluant dans les hautes sphères, mais eux, très conscients des notions de bien et de mal, eux ayant le choix, ne sont-ils pas au final plus effrayants ? Et plus condamnables ?
C'est vers cette réflexion là que nous dirige inlassablement Shane Stevens....

Tout cela donne une densité et une force indéniables au roman... Pourtant, il m'est arrivé de m'ennuyer...
Justement parce que les multiples points de vues finissent par nous noyer dans de nombreuses pistes et réflexions sans faire avancer le récit... On saute d'un personnage à l'autre sans que leurs élucubrations n'aient avancé d'un pouce ou presque... Il ne s'agit que d'errances peu fructueuses dans un monde ou un autre, politique, policier, médical ou médiatique.
Un peu agacée aussi par moments par la faculté qu'a Thomas Bishop à échapper aux poursuites uniquement grâce à des "trucs" appris à la télévision. Trop répétitif et souvent invraisemblable... Même si là encore, ça peut-être prétexte à une réflexion sur l'influence du petit écran. Certes ça nous donne une clé de plus pour la compréhension du fonctionnement du tueur. A savoir : interné à l'âge de 10 ans, sans autre souvenir que les tortures subies ni autre influence que les programmes télévisés devenus professeurs et modèles.
Faute d'autre chose...

En plus de tout ça, en filigrane, et sans savoir s'il s'agissait d'une intention de l'auteur, immanquablement on finit par se demander d'où nous vient cette fascination pour le mal et ses rouages... parce que, non, on ne va pas au bout d'un tel livre si l'on n'a pas au fond de soi un minimum de curiosité (certains diront voyeurisme) envers le mal... parce que l'on se sent coupable, forcément, d'éprouver de l'empathie voire de la compassion pour Thomas Bishop....

Parce que peut-être nous avons chacun une conscience plus ou moins précise de notre dualité profonde, une intuition de notre capacité à faire le mal autant que le bien, certaines pulsions parfois qui nous poussent à détester et à haïr.
Personnellement, oui, le mal me fascine.... Mais plus encore, ses origines. La source de l'altération des notions fondamentales qui nous permettent de juguler nos pulsions destructrices. Ces toutes puissantes notion et conscience de bien et de mal....

Le dénouement quand à lui reste prévisible malgré un rebondissement qui n'amène rien de plus au récit...

Au final, si l'on prend en compte l'époque à laquelle a été écrit le livre, alors, oui, on peut le considérer comme précurseur d'un genre... Mais je crois que la surabondance actuelle d'ouvrages sur le sujet, qu'il s'agisse de livres, de documentaires ou de séries télévisées, a un peu parasité mon intérêt pour cet "Au Delà du Mal". Dommage pour moi...
Mais, si le sujet vous intéresse
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