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Robert L. Reclaire (Autre)
EAN : 9782234008120
455 pages
Stock (01/01/1978)
4.05/5   67 notes
Résumé :
Combien n’a-t-on pas vanté chez Socrate le scrupule de probité qui lui fit repousser le conseil de s’enfuir de son cachot ! Ce fut de sa part une pure folie de donner aux Athéniens le droit de le condamner. Aussi n’a-t-il été traité que comme il le méritait ; pourquoi se laissa-t-il entraîner par les Athéniens à engager la lutte sur le terrain où ils s’étaient placés ? Pourquoi ne pas rompre avec eux ? S’il avait su, s’il avait pu savoir ce qu’il était, il n’eût rec... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu L'Unique et sa propriété vers mes 20 ans : il a clairement contribué à me déniaiser intellectuellement. C'est le premier et seul livre que j'ai trouvé dangereux, à ne surtout pas mettre entre toutes les mains. Ça a aussi été l'avis des autorités prussiennes qui l'ont censuré avant de lever rapidement la censure : L'Unique et sa propriété ayant été jugé « trop absurde pour être dangereux ».

Sur la forme c'est un livre bizarrement construit, volontiers provocateur, assez répétitif et souvent verbeux. Sur le fond, c'est une oeuvre absolument radicale, foncièrement nihiliste, une illustration théorique parfaite du mot de Dostoïevski : « Si Dieu n'existe pas, tout est permis ». Rien n'est laissé debout, tout est détruit. Stirner s'attaque à toute idéologie, tout idéal, toute morale. La Patrie, l'État, l'Homme, le Libéralisme, le Socialisme, etc., ne sont que des fantômes, comme les appelle Stirner, des nouveaux Dieux qui remplacent l'ancien Dieu, des vues de l'esprit, des constructions abstraites qui oppressent l'individu concret, l'Unique, et en font l'esclave d'une chimère. Toutes les chaînes doivent être brisées. Pas de vérité en dehors de l'individu, pas de transcendance d'aucune sorte, ni bien, ni mal, ni droits, ni devoirs : ne reste qu'un égoïsme pur, débarrassé de toutes les hypocrisies et des pseudo-vérités. Seul compte mon intérêt et absolument tout est permis pour le satisfaire : les autres sont éventuellement un moyen, jamais une fin, mon droit est ma force et rien ni personne ne doit empiéter sur ma souveraineté, sur mon Moi. Cette pensée peut sembler assez actuelle... C'est en partie vrai mais ce serait un contresens de faire de L'Unique stirnerien un équivalent de l'individu libéral contemporain, ce dernier étant totalement esclave des dieux Argent et Consommation, et n'ayant pour ainsi dire pas d'individualité, pas d'unicité.

La critique de Stirner est aisée. L'individu libre n'existe pas, chaque individualité étant forcément le fruit de son environnement et de sa biologie, choses que personne ne choisit. Les chaînes sont éternelles. La croyance, peu importe son objet, est le propre de l'homme et Stirner, comme tout le monde, a la sienne : c'est celle de l'homme libre. La société qu'a imaginé Stirner, car il reconnaît que l'Unique ne peut vivre seul, est un monde inhumain, un désert glacé où s'associent et s'affrontent, guidées par le seul égoïsme, des puissances que plus rien ne retient. Il n'en reste pas moins que Stirner a raison sur un point : l'homme, quelles que soient ses opinions ou ses actions, est égoïste et agit pour son intérêt exclusivement. Il ne peut pas en être autrement. Tuer ou risquer sa vie pour quelqu'un, se sacrifier même, c'est toujours de l'égoïsme si on y réfléchit : toute action vise la satisfaction personnelle. Disons simplement qu'il y a un bon égoïsme, celui qui passe par l'Autre.

Ce livre, bien que rapidement tombé dans l'oubli après avoir fait sensation, mit fin à l'idéalisme allemand issu de Hegel et eu une influence décisive sur Marx, le faisant définitivement rompre avec celui-ci et le « forçant » à élaborer une théorie matérialiste de l'Histoire. C'est aujourd'hui un classique incontournable de la pensée individualiste, ayant influencé aussi bien des anarchistes, des libertariens ou des esprits libres comme Georges Palante.
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Une partie du 19ème siècle est traversée par certains mouvements de pensée radicaux qui dévoilent une béance métaphysique : Dieu est une fiction fabriquée par les hommes (cf. Feuerbach). Quelques philosophes vont alors faire des propositions pour répondre à cette question : mais que faire et qu'être, dans un monde exempt de dimension divine ?
Si, face à cette béance existentielle, Schopenhauer propose (pour aller vite) une sorte de sagesse du néant et Thoreau formule des réponses en interpellant les leçons de la nature, le philosophe Max Stirner va de son côté poser la question du moi comme unicité, un "je" radicalement post chrétien qui fait table rase de la notion du corps et de l'âme, instituant, dans la constellation anarchiste riche en positions et traditions paradoxales, un anarchisme individualiste.
Auteur d'un livre unique assez mal construit, réunissant des cahiers sans véritable ligne conductrice, Max Stirner semble tout détruire pour ne sauver que son moi et interroger sa nature, dans un plaidoyer du Je qui anéantit le modèle de l'idéalisme allemand.
Si Marx le qualifiera de petit bourgeois égocentrique, Stirner, qui a influencé l'esthétique de Marcel Duchamp sur les conseils de lecture de Picabia, également attentivement lu par Mussolini, reste une source d'inspiration essentielle pour le surhomme de Nietzsche, même si ce dernier ne l'a jamais cité, on sait cependant qu'il l'a lu.
Issu du cercle des jeunes hégéliens de gauche aux côtés d'Engels et Bauer, Max Stirner y puise une partie de la pensée de son ouvrage explosif, L'unique et sa propriété, avançant que le moi, l'unique, est essentiel et tout ce qui empêche son affirmation et sa réalisation doit être détruit, véritable épine dorsale de tout le développement de sa pensée.
Le projet de ce livre est de proposer, dans un monde sans dieu, d'être libre en considérant que rien ne doit être posé au dessus de "ma" liberté. La propriété du moi est que tout potentiellement lui appartient à partir du moment où personne n'est assez fort pour s'y opposer, donc une guerre de tous contre tous pour l'auto affirmation. Ce sont aussi des morceaux épars de polémiques et controverses parfois difficiles à identifier. Max Stirner se hâte d'exposer des thèses sans dire qu'elles ne sont pas les siennes pour ensuite les réfuter ce qui rend assez âpre sa lecture.

Nihiliste, foncièrement anti-hégélien et épuisant la dialectique d'Hegel, la puissance du travail du négatif chez Max Stirner se déploie autour d'une dénonciation farouche et colérique de la loi, des institutions, de la politique et toute la politique (révolution française comprise), de la religion et de ses dogmes, du travail et du peuple, du marché, de la propriété, de la société (famille, argent, éducation, héritage…), mais aussi de la morale bourgeoise en attaquant la prohibition de l'inceste, critiquant la monogamie, le sens de l'honneur, l'amour, l'amitié, le mariage, l'altruisme, l'éthique… Tout ce qui peut entraver, engager ou contraindre la libre expression du moi, ultime souverain et seule réalité positive, hissant l'ego au dessus de toute forme de déterminisme. Que l'on adhère ou pas à ses thèses, Max Stirner a osé dans cet ouvrage foutraque une liberté de pensée décapante et une hardiesse philosophique inouïe en bâtissant cette très humaine révolte du moi.
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Excellent livre de ce philosophe courageux décrivant avec clarté et vérité ce thème récurrent qu'est l ' hypocrisie sociale . Un bain de mots salvateur pour se récurer l'esprit de toute la gluante hypocrisie ambiante , quelle fraicheur,quelle respiration que ce texte !
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Pour s'évader quand les circonstances le permettent, il faut encore avoir des envies d'évasion. Plus encore pour créer ces circonstances. Si je me satisfais d'être prisonnier, si je suis fier du prisonnier qu'on a fait de moi, si je m'investis dans mon rôle de prisonnier, s'il n'y a plus aucune distance ni différence entre ce rôle et moi, alors oui, je suis prisonnier – de mon état de prisonnier. On m'avait enfermé dans une prison, je me suis moi-même enfermé dans ce qu'elle attend de moi. Je suis devenu ma prison, et je resterais une prison, même si j'étais libéré de ses murs.
J'ai dressé un mur infranchissable entre mon identité de prisonnier et mon identité propre et unique.

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Ouvrage étrange et atypique, aussi déconcertant sur le fond que sur la forme. Plaidoyer pour le Moi et apologie de la puissance, si vous voulez attaquer l'oeuvre plus rigoureuse de Nietzsche par la suite, ce livre peut faire une bonne introduction.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Dieu et l'Humanité n'ont basé leur cause sur rien, sur rien qu'eux-mêmes. Je base-rai donc ma cause sur Moi : aussi bien que Dieu, je suis la négation de tout le reste, je suis pour moi tout je suis l'Unique.



Si Dieu et l'Humanité sont, comme vous l'assurez, riches de ce qu'ils renferment au point d'être pour eux-mêmes tout dans tout, je m'aperçois qu'il me manque à moi beaucoup moins encore et que je n'ai pas à me plaindre de ma « vanité ». Je ne suis pas rien dans le sens de « rien que vanité », mais je suis le Rien créateur, le Rien dont je tire tout.



Foin donc de toute cause qui n'est pas entièrement, exclusivement la Mienne! Ma cause, dites-vous, devrait au moins être la «bonne cause»? Qu'est-ce qui est bon, qu'est-ce qui est mauvais? Je suis moi-même ma cause, et je ne suis ni bon ni mauvais, ce ne sont là pour moi que des mots.



Le divin regarde Dieu, l'humain regarde l'Homme. Ma cause n'est ni divine ni humaine, ce n'est ni le vrai, ni le bon, ni le juste, ni le libre, c'est — le Mien; elle n'est pas générale, mais — unique, comme je suis unique. Rien n'est, pour Moi, au-dessus de Moi!
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S'ils vous donnent cependant la liberté, ce ne sont que des fripons qui donnent plus qu'ils n'ont. Ils ne vous donnent rien de ce qui leur appartient, mais bien une marchandise volée ; ils vous donnent votre propre liberté, la liberté que vous auriez pu prendre vous-mêmes, et s'ils vous la donnent, ce n'est que pour que vous ne la preniez pas et pour que vous ne demandiez pas, par-dessus le marché, des comptes aux voleurs. Rusés comme ils le sont, ils savent bien qu'une liberté qui se donne (ou qui s'octroie) n'est pas la liberté et que seule la liberté qu'on prend, celle des égoïstes, vogue à pleines voiles. Une liberté reçue en cadeau cargue ses voiles dès que la tempête s'élève — ou que le vent tombe ; elle doit toujours être poussée par une brise douce et modérée.
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Ce n'est pas le savoir qu'il s'agit d'inculquer, c'est la personne qui doit arriver à son propre épanouissement. Le point de départ de la pédagogie ne doit pas être de civiliser, mais de former des personnes libres, des caractères souverains.
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Tu n'es pour Moi que mon aliment, même si Je suis, Moi aussi, utilisé et consommé par Toi.Nous n'avons entre Nous qu'un rapport, celui de l'utilité, de la mise en valeur et de l'avantage.Nous ne nous devons rien l'un à l'autre, car ce que Je semble Te devoir, c'est tout au plus à Moi-même que je le dois.Si Je Te montre un visage serein, afin que Tu sois gai Toi aussi, c'est que J'ai intérêt à Ta gaieté et ma mine sert donc Mon désir.
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J'accepte qu'un homme me traite en ennemi, mais non qu'il se serve de moi comme de sa créature, et qu'il fasse de sa raison et de sa déraison ma règle de conduite. [ Deuxième partie, II, 1 ]
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