« Parce que c'était lui, parce que c'était moi »*
Nora Chancel est une survivante, ses nuits son peuplées de cauchemars depuis son retour du Vietnam, où elle officiait comme infirmière, traumatisée par un viol. A bientôt 60 ans, Nora n'a jamais su choisir ses hommes… une belle bande de salopards ceux-là, chacun à sa façon.
Non, les hommes n'ont pas le beau rôle dans ce roman, mais ce n'est pas si simple que ça…
« Complexe » et « alambiqué » sont les deux adjectifs qui me viennent à l'esprit à l'évocation de ce récit.
Tout débute par un prologue mettant en scène la disparition d'une jeune écrivaine en 1938, alors résidante du domaine de Shorelands
Ensuite, on découvre Nora telle que je vous l'ai décrite. Au moment où l'histoire débute, un tueur sévit dans la ville où elle habite avec son mari, futur héritier d'un empire de l'édition dont la notoriété et la fortune reposent pour l'essentiel sur le succès d'un seul roman devenu culte, publié dans les années 30 et dont la genèse reste mystérieuse.
Enfin, on retrouve, vivante, en même temps que son agresseur, la victime de Dick Dart, qui n'en n'est pas une finalement puisque c'est Nora qu'elle accuse de l'avoir enlevée, séquestrée et torturée.
Vous suivez toujours ? Et bien vous avez bien de la chance car moi, à ce moment du récit, j'ai bien failli décrocher me demandant où l'auteur voulait en venir…
Et puis, Dart va s'évader du commissariat, prenant Nora en otage. C'est le début d'une cavale qui va enfin permettre au récit de démarrer et de faire se rejoindre les fils de l'intrigue.
Ah Dick Dart… un méchant, un vrai, qu'on adore détester. Intelligent, pervers, imbu de lui-même, misogyne tout en ayant (ou parce qu'en ayant ?) un sens aigu de la psychologie féminine. Tout en lui faisant subir un véritable calvaire, c'est le seul qui s'intéressera vraiment à Nora, la cernera et la révélera à elle-même. Grâce à lui, elle ouvrira les yeux sur sa vie et cessera enfin d'être une victime; grâce à elle, il prendra la pleine mesure de lui-même...
« Je t'aime, moi non plus »
Tout le sel du roman vient de ce personnage et de sa relation avec l'héroïne, ce qui suscite un certain malaise chez la lectrice que je suis. C'est une véritable réussite de l'auteur dont je salue le sens de la psychologie (les autres personnages ne sont pas en reste) ainsi que celui, maniaque, du détail.
Malgré ces qualités, ce qui a tempéré mon plaisir de lecture, c'est que, même si l'atmosphère de Shorelands est baignée d'une certaine magie, le roman reste très terre-à-terre et tient beaucoup du polar. Pas que je n'aime pas ça, mais au vu du titre, je m'attendais à autre chose. Et puis, par moments, les ficelles sont vraiment très grosses (pour ceux qui l'ont lu, je pense entre-autres à l'intervention du personnage de Jeffrey).
Le troisième roman de Straub que je lirai sera le bon, j'y crois...
*extrait des «
Essais » de
Montaigne.