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EAN : 9782849504352
219 pages
Syllepse (30/11/-1)
3.5/5   4 notes
Résumé :
«La Françafrique, c’est comme un iceberg. Vous avez la face du dessus, la partie émergée de l’iceberg : la France meilleure amie de l’Afrique, patrie des droits de l’homme, etc. Et puis ensuite, vous avez 90% de la relation qui est immergée : l’ensemble des mécanismes de maintien de la domination française en Afrique avec des alliés africains…»
L’association Survie a popularisé l’expression « Françafrique » dès les années 1990 sous la plume de François-Xavier... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La françafrique existe toujours et se porte bien…
« Il semble donc indispensable, une fois de plus, de décrire sur quoi reposent les accusations réitérées d'ingérence ou de soutien criminel de la France dans ses anciennes colonies et au-delà, ainsi que de perpétuation de visions néocoloniales, souvent influencées par un racisme latent, au coeur même de l'Etat et de la société française »

La Françafrique ne s'est pas dissoute dans les déclarations des uns ou des autres, mais elle n'est pas figée dans des formes « originelles ». Il importe de comprendre les évolutions, les déplacements, les abandons et les reconstructions… Sans oublier la toile de fond, le mode de production capitaliste et les formes changeantes de l'impérialisme ou « le racisme profondément ancré dans la société française et ses élites ».

Le livre est divisé en trois parties :

Les recompositions politiques et institutionnelles de la Françafrique

Présence militaire française : le retour aux fondamentaux ?

Multinationales françaises : entre Françafrique et mondialisation

« Elles permettent au lecteur de s'intéresser successivement aux évolutions des trois pouvoirs qui la structurent :

le pouvoir politique qui, poussé à se saisir progressivement de cette thématique, multiplie les effets d'annonce sans pour autant modifier les fondamentaux de cette relation de domination, qu'il institutionnalise et banalise en l'habillant des justifications d'usage ;

l'armée qui, dans le prolongement de la « nouvelle doctrine » forgée à partir des années 1990, rationalise et relégitime sa présence en Afrique et auprès de certains des pires régimes du continent, instrumentalise « la guerre contre le terrorisme » et impose ses vues dans le jeu multilatéral que la France prétend jouer ;

les entreprises françaises qui, évoluant dans une économie de plus en plus mondialisée et un jeu désormais fortement concurrentiel, mobilisent leur « patrimoine françafricain » – en même temps qu'elles s'en affranchissent progressivement – au profit d'une oligarchie dans laquelle elles s'intègrent peu à peu, à des degrés divers qui permettent d'en établir une typologie. » (introduction disponible sur le blog "entre les lignes entre les mots").Dans la première partie, Fabrice Tarrit parle, entre autres, des recompositions politiques et institutionnelles, du tabou de la « complicité française dans le génocide » des Tutsis au Rwanda, du « soutien multiforme aux dirigeants les plus répressifs et les plus corrompus », de Sarkozy et de la « Françafrique décomplexée », des engagements et des renoncement des dirigeants socialistes, des approvisionnements et des marchés de Bolloré, Total ou Areva, des poignées de mains aux dictateurs, de la « réhabilitation de l'intervention française en Afrique et de sa présence militaire », de l'opération Serval, des accords monétaires, du Franc CFA, « pilier du néocolonialisme français en Afrique »…

Il analyse en détail l'intervention française au Mali, celle en Centrafrique, l'occultation et les dénis des dimensions historiques, politiques et économiques des conflits et des rôles de la France… L'auteur parle des relations avec les dirigeants africains, des réceptions des opposants, du « domaine réservé » du président de la République, des opérations militaires, de la recomposition des réseaux françafricains, de soutien aux dictateurs, de présence militaire, du franc CFA, d'ordre franco-africain… « Cette vision nourrie d'un racisme latent tout droit issu de notre histoire coloniale est partagée par un nombre important de personnalités, de fonctionnaires, d'experts, de droite comme de gauche, ce qui rend le travail d'information, d'interpellation et de mobilisation d'une association comme Survie d'autant plus nécessaire pour exposer et dévoiler les dessous institutionnels et diplomatiques de la relation franco-africaine ».

Dans la seconde partie, Raphaël Granvaud revient sur la présence militaire française, sur la protection des régimes et des dirigeants africains. « On comprend aisément ce que cette présence a pu avoir de politiquement criminel par l'importance décisive qu'elle a occupée dans les mécanismes de privation des droits économiques et politiques des populations africaines. Elle le fut également au plan juridique si l'on considère les répressions sanglantes dont les militaires français furent responsables ou complices ». L'auteur présente l'ingérence militaire française, sa nouvelle doctrine et ses vieilles pratiques, les accords de défense, les clauses secrètes de maintien de l'ordre, « l'approvisionnement préférentiel ». Il parle de la Somalie et de la piraterie dans le Golfe d'Aden, de la Libye, de la Cote d'Ivoire, de la rhétorique de la « guerre contre le terrorisme », de la France au Mali, de l'opération Serval, de la démonstration en action des « qualités du matériel de mort « made in France » », de son utilité « pour rester sur le podium des principaux exportateurs d'armes de la planète ». J'ajouterai, le plus souvent dans le silence complice des syndicats des travailleurs qui les fabriquent…

Il montre aussi comment « l'aide » est de fait une subvention déguisée aux entreprises. L'auteur analyse les faces cachées de l'opération Serval.Raphaël Granvaud montre le lien entre cette « opération » et la relégitimation de l'ingérence militaire française en Afrique. Il souligne, entre autres, que « les crispations identitaires et religieuses ne sont pas la cause, mais le produit des affrontements en Centrafrique » ou la volonté de maintenir l'ordre dans ce que l'Etat français considère comme sa sphère d'influence. Il analyse comment le gouvernement français essaye de « parer aux accusations de néocolonialisme », dont la mobilisation de pays africains sur ce qui est « identifié comme étant ses propres priorités en matière de sécurité » et « d'instrumentaliser ou de forcer l'interprétation des résolutions obtenues au conseil de sécurité » de l'ONU.

Le dispositif militaire français est réorganisé « pour lutter contre le terrorisme », mais pas le terrorisme de large perspective du FMI, de la Banque mondiale, ni celui des grandes entreprises… L'auteur parle de « recolonisation assumée » à travers, entre autres, des accords de défense. Il analyse aussi les relations entre la France et les Etats-Unis pour relativiser « les discours sur la rivalité militaire ».

Les pages sur le « permis de tuer », les crimes commis par des militaires français sont particulièrement intéressantes.

La dernière partie sur les multinationales françaises est importante. Thomas Deltombe, Alain Deneault, Thomas Noirot et Benoît Orval parlent, entre autres, de Elf et Total, Bouygues, BNP, SCOA, CFAO, Bolloré, Geocoton ex-CFDT, Vinci, Castel, Air France, Vivendi, etc. Ils analysent les reconfigurations et mutations économiques, « bien plus qu'à un prétendu recul des « intérêts » français » face à la concurrence internationale, à une intégration progressive de l'oligarchie néocoloniale « française » (c'est à dire ayant une attache stato-nationale clairement identifiable) dans une oligarchie « globalisée », à la fois architecte et bénéficiaire des processus de « mondialisation » et de financiarisation off-shore ».

Les auteurs parlent des entreprises qui ont profité du système (néo)colonial, de la gestion des dépendances coloniales par des sociétés privées, de financement par « des fonds publics des infrastructures que requiert la grande industrie privée pour être profitable », des interconnexions public-privé omniprésentes au lendemain des indépendances, des bénéfices privés de la françafrique. Ils insistent à juste titre sur le tournant néolibéral, les désatisations, les déréglementations, la tendance à « l'intégration du cadre françafricain dans la globalisation de l'économie », la transnationalisation ou la financiarisation…

J'ai notamment apprécié le chapitre « La « nouvelle ruée vers l'Afrique » est-elle si défavorable aux intérêts privés français »

Les auteurs analysent les reconfigurations industrielles et économiques, la mise en concurrence des ouvrier-e-s du monde entier, les « avantage comparatifs » permis par le socle françafricain, le poids du franc CFA, les montages financiers… Ils indiquent, entre autres : « certes les héritières ont besoin de la Françafrique, mais elles sont la Françafrique »

Doit-on encore rappeler que « l'internationalisation et la financiarisation de ces entreprises, justement appelées transnationales, font qu'il devient aujourd'hui difficile de les associer rigoureusement à un pays spécifique, dont le gouvernement en défend exclusivement les intérêts à l'étranger ».

La Françafrique pese lourdement « dans l'évolution du positionnement stratégique des entreprises françaises en Afrique » et cette Françafrique est un « transfert de souveraineté ».

Un petit livre sur la persistance réorganisée de la Françafrique, sur les pratiques néocoloniales et sur les « activités » criminelles « nationales »…

Le mouvement syndical français me semble bien silencieux sur les processus de dépossession organisés par les entreprises « françaises » en Afrique. Peut-on défendre les intérêts des salarié-e-s ici sans défendre ceux des salarié-e-s africain-e-s, ? Et comment ne pas prôner et soutenir les nécessaires expropriations, réappropriations sociales par les salarié-e-s des autres pays des multinationales qui battent, entre autres, le pavillon français…

Par ailleurs, une fois de plus je dois regretter l'absence de prise en compte des dimensions de genre dans les différentes analyses.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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L'association Survie dénonce depuis une vingtaine d'années les errements de la Françafrique. le mot – qui avait été forgé dans les années 50 par Félix Houphouët-Boigny pour encenser la relation franco-africaine – a été retourné dans les années 90 par François-Xavier Verschave. Dans La Françafrique : le plus long scandale de la République (Stock, 1998), cet ancien président de Survie stigmatisait les pratiques néocoloniales de l'Etat français et la complicité des élites africaines. Après sa mort en 2005, les membres de l'association ont poursuivi le combat. Présidée depuis 2011 par Fabrice Tarrit, elle produit, à travers ses brochures (sa lettre mensuelle, Billets d'Afrique et d'ailleurs) et ses livres (les Dossiers noirs) une analyse régulière de la politique française en Afrique, réservant ses attaques les plus incisives contre la responsabilité de la France dans le génocide rwandais et le scandale des biens mal acquis.
Publié l'an passé chez l'éditeur militant Syllepse, Françafrique. La famille recomposée rassemble les contributions à la première université d'été de l'association tenue en 2013. Elles sont rassemblées en trois parties. La première concerne la politique, la deuxième l'armée, la troisième les milieux économiques. Une même idée les traverse : la Françafrique n'a pas dit son dernier mot. Malgré la disparition des Foccart, Mitterrand et Bongo père et en contrepied du discours qui voudrait reléguer la Françafrique dans les pages sombres de l'Histoire, Survie affirme que la Françafrique n'a pas disparu.
Cela vaut au premier chef chez les politiques. Survie a la dent dure avec François Hollande dont elle dénonce les « renoncements ». Après avoir promis de rompre avec la Françafrique, le candidat socialiste en aurait embrassé les pratiques les moins reluisantes une fois installé au pouvoir. Les auteurs en prennent pour preuve, le tapis rouge déroulé sans ciller à l'Elysée à la quasi-totalité des chefs d'États africains : Ali Bongo (juillet 2012), Blaise Compaore (septembre 2012), Paul Biya (février 2013), Denis Sassou Nguesso (avril 2013), etc. Cela vaut plus encore chez les militaires. L'opération Serval lancée en janvier 2012 a relégitimé l'interventionnisme français en Afrique. Fort de leurs succès, les militaires décideraient désormais de la politique française sur le continent, forçant par exemple la main du Président pour déclencher l'opération Sangaris en Centrafrique. Cela vaut enfin chez les entreprises. La thèse ici défendue n'est pas celle d'une « privatisation » de la Françafrique (Cf. Stephen Smith et Antoine Glaser, Ces messieurs Afrique 2, Calmann Levy, 1997) mais plutôt de sa transnationalisation et de sa financiarisation.

Il faut reconnaître à Survie une documentation fouillée et un suivi méticuleux de l'actualité franco-africaine. Cette association contribue, par la veille sourcilleuse qu'elle assure, à informer le débat. Mais elle le fait avec une outrance surannée dont elle commence à reconnaître elle-même le ridicule. Aujourd'hui comme hier, elle est inspirée par une théorie du complot qu'illustre la figure de « l'iceberg » souvent utilisée par F.-X. Verschave : la politique africaine de la France aurait une face visible et respectable destinée à cacher sa face invisible et haïssable. A force de crier au loup, elle finit par se tromper d'adversaire : la critique de la politique de François Hollande la conduit à encenser paradoxalement celle de Nicolas Sarkozy. On sent, derrière ses accusations réitérées contre une hydre toujours renaissante, qu'elle redoute d'être l'orpheline d'un système sans lequel elle perdrait sa raison d'être.
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L'association Survie, indépendante aux points de vue financier et intellectuel, vise à informer le public de ce qu'est la Françafrique, autrement dit le néocolonialisme dissimulé. L'ouvrage présent, rédigé par les militants de l'association, définit la Françafrique et les mécanismes qui ont laissé prospérer ce système. Un livre instructif et dense sur un sujet passé sous silence par les médias et, bien sûr, par les gouvernements français complices depuis un demi-siècle.
(...)
Depuis plusieurs siècles, l'Afrique est l'arrière-cour de la France qui y a pris ses aises, mais cela reste toujours un sujet de second ordre dans les médias et l'opinion publique. Même à Nuit Debout sur la place de la République à Paris, j'ai trouvé que le stand était moins visité que les autres, comme s'il intimidait les gens.
C'est pourtant un sujet important et brûlant que je vais m'efforcer d'apprivoiser au fil du temps. Cet ouvrage, rédigé par les militants de l'association Survie en toute indépendance intellectuelle et financière, et édité par les éditions indé Syllepse, a été instructif, quoique difficile à digérer, et riche d'exemples de dirigeants français qui ont tissé leurs réseaux d'amitiés en Afrique.
L'article entier sur Bibliolingus :
http://www.bibliolingus.fr/francafrique-la-famille-recomposee-survie-a127253694
Lien : http://www.bibliolingus.fr/f..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
bien plus qu’à un prétendu recul des « intérêts » français » face à la concurrence internationale, à une intégration progressive de l’oligarchie néocoloniale « française » (c’est à dire ayant une attache stato-nationale clairement identifiable) dans une oligarchie « globalisée », à la fois architecte et bénéficiaire des processus de « mondialisation » et de financiarisation off-shore
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les entreprises françaises qui, évoluant dans une économie de plus en plus mondialisée et un jeu désormais fortement concurrentiel, mobilisent leur « patrimoine françafricain » – en même temps qu’elles s’en affranchissent progressivement – au profit d’une oligarchie dans laquelle elles s’intègrent peu à peu, à des degrés divers qui permettent d’en établir une typologie.
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On comprend aisément ce que cette présence a pu avoir de politiquement criminel par l’importance décisive qu’elle a occupée dans les mécanismes de privation des droits économiques et politiques des populations africaines. Elle le fut également au plan juridique si l’on considère les répressions sanglantes dont les militaires français furent responsables ou complices
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Il semble donc indispensable, une fois de plus, de décrire sur quoi reposent les accusations réitérées d’ingérence ou de soutien criminel de la France dans ses anciennes colonies et au-delà, ainsi que de perpétuation de visions néocoloniales, souvent influencées par un racisme latent, au cœur même de l’Etat et de la société française
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l’armée qui, dans le prolongement de la « nouvelle doctrine » forgée à partir des années 1990, rationalise et relégitime sa présence en Afrique et auprès de certains des pires régimes du continent, instrumentalise « la guerre contre le terrorisme » et impose ses vues dans le jeu multilatéral que la France prétend jouer
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