Irma s'apprête à mourir mais un imprévu l'en empêche...
Contrariée dans son projet, elle se replie dans un mutisme total en guise d'ultime protection. Afin de rendre service, elle accepte d'embarquer pour une croisière en Grèce. Séduite par la beauté des lieux, elle décide d'y rester .
Installée dans l'enceinte sacrée de Delphes, sur les vestiges du sanctuaire d’Apollon, le dieu olympien de la lumière, du savoir et de l’harmonie, elle devient la Kyria et savoure la simplicité de sa nouvelle vie. La magie du site empreint de la sagesse antique agit sur elle comme un remède. Elle commence alors à réintégrer sa propre vie en se remémorant son enfance, son mariage et sa maternité. En se déchargeant du poids de ses émotions refoulées, Irma trouvera en elle une une force rédemptrice qui lui permettra de renaître au monde et et de libérer sa voix ...
Du Midwest au mont Parnasse en passant par Cap Code, ce roman retrace un itinéraire largement inspiré par la vie de l'auteur. Susan Glaspell y a capturé toute la saveur des lieux où elle a vécu. Ecrit en 1929 le texte reste étonnement frais et moderne par la grâce de son style lumineux et l'intemporalité des thèmes explorés.
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Si elle leur avait laissé libre cours, ces moments qui la surprenaient auraient pu clarifier quelque chose pour elle ; la tristesse, l’humilié auraient pu engendrer la compréhension. Mais elle n’osait pas les laisser s’installer en elle, car ils faisaient partie d’un tout qui était trop pour elle qui était seule. Elle n’osait pas essayer de savoir, elle était comme quelqu’un qui la vie n’aurait pas accepté ; ce qu’elle offrait n’avait de sens et elle ne recevait rien en retour.
Elle voyait à présent - même si c’était comme un rêve dans un autre rêve - qu’elle n’avait tout simplement pas évolué dans le bon rythme, celui que les autres épousaient si facilement. Elle en concevait souvent de la rancoeur, parfois de la mélancolie aussi - qui conférait à l’ensemble une beauté inaccessible à ceux qui étaient pris dans ce rythme.
C’était comme si ses sentiments n’étaient pas en ordre ; comme si, séparés de ce qui les avait créés, ils s’étaient mués en chaos et devaient être gardés sous contrôle. Eussent-ils trouvé un endroit par lequel sortir, un point où le contrôle était relâché, ils se seraient déversés, s’échappant par où ils n’étaient pas censés s’échapper.
Elle ne s’était pas rendu compte que Dan ressentait cela, pas plus qu’il n’avait su qui elle était - que ce qu’il exigeait d’elle n’était pas elle, cet être plus insouciant et plus libre. Et il avait pensé que c’était cela qui l’enfermait, qu’en elle les sentiments ne déferlaient pas, qu’elle n’avait pas conscience de tout ce qui était sous ses yeux. « Tu te déplaces dans ton petit monde et tu ne connais rien d’autre », avait-il dit, ne soupçonnant pas qu’elle se déplaçait avec soin dans son petit monde parce qu’elle connaissait trop bien ce qu’il y avait autour.
La vie se heurtait à sa porte, alors qu’elle avait déjà quitté la vie ; c’était plus étrange, plus éprouvant que la mort.