AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782715229112
512 pages
Le Mercure de France (10/06/2010)
3.69/5   95 notes
Résumé :
Hong Kong, bastion de l'Occident, et la Chine nouvelle servent de toile de fond à ce récit où l'on voit s'affronter dramatiquement missionnaires chrétiens, réfugiés chinois et jeunes communistes enthousiastes.
Mais le duo d'amour de Suyin, l'Eurasienne, et de Marc, son amant anglais, vient apporter une note d'une étrange douceur tumultueuse et magnifiquement bariolée.

Ils se rencontrèrent en 1949 à Hongkong, à l'époque colonie anglaise et sans ... >Voir plus
Que lire après Multiple splendeurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
3,69

sur 95 notes
5
8 avis
4
7 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
On relit toujours un livre en se demandant s'il nous plaira tout autant qu'à la première lecture. Pour Multiple Splendeur, c'est le cas, mais les raisons pour lesquelles je l'ai aimé autrefois ne sont plus exactement les mêmes que maintenant. Hier, l'histoire d'amour avait suscité tout mon intérêt. Aujourd'hui bien d'autres choses ont retenu mon attention, et notamment les circonstances historiques dans lesquelles se déroule le récit de Suyin.
Cette jeune veuve, mère d'une enfant, a rejoint Hongkong pour exercer sa profession de médecin. Des milliers de Chinois du continent, riches ou démunis, ont fait de même alors que les troupes communistes achèvent de prendre le contrôle du territoire chinois. En cette année 1949, la pression des migrants est si forte sur la colonie anglaise que les familles s'entassent dans des logements exigus et insalubres ou vivent sur les trottoirs. Suyin peut compter sur l'aide de quelques amis fortunés, mais bien vite elle doit partager une chambre de foyer avec deux autres jeunes femmes et leurs enfants. Heureusement son travail à l'hôpital lui apporte quelques subsides et la passionne. Son origine eurasienne lui permet de frayer avec certains membres de la bonne société et c'est au cours d'une soirée qu'elle fait la connaissance de Marc Elliott, un correspondant de presse anglais. L'attirance mutuelle se transforme très vite en une liaison qui scandalise les dames de la Colonie et les amènent à bannir la jeune femme des réunions mondaines : un couple mixte est impensable dans ce milieu très fermé et, de surcroît, Marc est marié et père de famille. Quel est l'avenir de Suyin et Marc ? le destin se chargera de trancher leurs hésitations de façon douloureuse.
Deux épisodes m'ont paru très intéressants dans le récit quasi autobiographique de l'auteur. Tout d'abord, la description très précise de l'atmosphère qui règne à Tchoungking, dans la province du Sichuan, avant l'arrivée des troupes communistes quand Suyin décide de rendre visite à sa famille paternelle. Elle retrouve la Chine de son enfance, renoue avec les traditions ancestrales et le statut privilégié du clan familial et de son milieu, observe la misère des habitants et les exécutions sommaires de communistes. le monde autour d'elle semble figé par l'attente, un vieux monde empreint de fatalité et d'aveuglement sur ce que lui réserve l'avenir.
le second épisode qui m'a marquée concerne l'affolement des migrants qui cherchent par tous les moyens à fuir Hongkong pour rejoindre les États-Unis ou l'Europe. Pour sortir à tout prix de la souricière que représente à leurs yeux l'enclave britannique, ils nourrissent le trafic de passeports, de visas et de billets de bateau. La soeur de Suyin, Sutchen, n'aspire qu'à rejoindre l'Amérique et son confort, ce qui déclenche chez son aînée une forme de mépris pour cette « Chinoise blanche », un peu trop geignarde à son goût. Elle parviendra à son but et les deux soeurs se sépareront sans trop de regrets, leur éducation ayant produit des effets différents sur leur personnalité. La battante Suyin reste très attachée à sa patrie de naissance et ses études en Angleterre ne l'ont pas éloignée de sa culture chinoise. Paradoxalement, elle reste persuadée d'avoir sa place dans la société nouvelle qui se profile et elle est souvent tentée de retourner en Chine. Avec une certaine naïveté, elle pense pouvoir se mettre au service de son pays, oubliant un peu vite qu'elle est la veuve d'un officier du Kuomingtang. Est-ce ce rêve – ou cette chimère – qui explique que Han Suyin se montrera toujours soucieuse de maintenir de bonnes relations avec le gouvernement chinois ? Pourtant, vu ses origines familiales et son premier mariage, un retour dans la mère patrie se serait soldé à coup sûr par une mise à l'écart, dans le meilleur des cas. Au moment de la Révolution culturelle, le danger d'une élimination pure et simple aurait été très probable.
Il faut lire Multiple splendeur qui possède toutes les qualités d'un grand roman, à commencer par la sensibilité poétique de l'écriture, tout en conjuguant la force d'un témoignage captivant sur une période peu connue du grand public. Enfin, on ne peut lire certaines pages sans penser au drame des migrants et à la condition qui leur est faite dans nos sociétés.
Commenter  J’apprécie          2311
Ce roman d'Han Suyin est avant tout un témoignage passionnant sur l'avancée des troupes communistes en Chine en 1949 et sur la fuite des réfugiés vers Hong Kong. Aux premières loges de ce moment historique, en raison de sa double condition d'Eurasienne, Han Suyin nous donne la vision des américains missionnaires, des riches commerçants chinois, de sa famille, des étudiants. Les tableaux qu'elle brosse de Hong Kong ou de Tchoungking en Chine sont si précis, détaillés et objectifs qu'ils ont la valeur et la dimension historique de reportages.

A Hong Kong, nous déambulons avec elle le long de la Praya pour découvrir la foule qui se presse sur les quais en bord de mer, pour admirer au loin les collines sur lesquelles se construisent nuit et jour des habitations pour les riches chinois qui viennent de Shanghaï tandis que la misère règne dans les camps où s'entassent les pauvres. Nous l'accompagnons dans sa famille chinoise quand elle retourne à Tchoungking pour aider sa soeur à partir aux États-Unis. Nous entrons avec elle dans les salons des familles américaines de missionnaires qui l'invitent jusqu'au moment elle deviendra persona non grata en raison de sa liaison amoureuse.
On découvre le travail des Jeunesses communistes, les fêtes qui accompagnent leur arrivée dans chaque ville conquise, les purges et exécutions dont est victime la population. Han Suyin se défend de juger mais on la sent partagée entre son amour pour la Chine et ses traditions féodales et son attirance envers les idéaux communistes qui la séduisent. Sans doute les germes de ce qui en fera une écrivaine très controversée par la suite...

C'est aussi le récit passionné et autobiographique de sa liaison avec un journaliste britannique, marié et père de famille, liaison scandaleuse au yeux de la colonie britannique en raison de tout ce qui les sépare...
L'écriture est belle, poétique et le ton changeant : tantôt détaché quand Suyin écoute ses amis américains sans s'offusquer ni même sourciller de ce ce qu'ils disent de son pays et de son peuple, tantôt vif et passionné quand elle décrit la splendeur de la lune ou ses moments avec Marc.
Si les deux premières parties sont agréables à lire, j'ai eu plus de mal avec la dernière : le style reflète l'intensité des crises d'exaltation douloureuses ou joyeuses que Suyin traverse, avec ou loin de son amant, et plus on se rapproche du dénouement dramatique, plus la poésie du texte emporte Suyin loin des autres, loin du lecteur, comme détachée du quotidien et de la matérialité.
Une intéressante et superbe lecture !

Challenge multi-défis 2021
Challenge plumes féminines 2021
Commenter  J’apprécie          210
Un livre vintage, qui surgit alors que l'on cherchait autre chose ou à l'occasion d'une nième mise en ordre d'une des piles de livres à (re)lire.

Un prélèvement originaire d'une boite à livre locale ; je connaissais l'auteure dont j'avais lu dans mes vertes années un ou deux livres et l'envie de me reconfronter à ce type de lecture s'était éveillée.
Dans les années 70, pour qui s'intéressait aux péripéties de la Chine contemporaine, Han Suyin était incontournable.
Depuis, outre que l'offre d'ouvrages didactiques pour découvrir et/ou approfondir la culture et la société chinoise s'est considérablement élargie, Han Suyin, estampillée garde rouge masquée, est devenue beaucoup moins fréquentable.

Cependant, si les prestigieuses éditions gallimard ont tout récemment déroulé le tapis rouge à Céline (oui un peu paradoxal pour un auteur à la pensée si brune), il n'y a rien de déshonorant à (re)lire Han Suyin aujourd'hui.
Et ce d'autant plus, qu'au moins dans ce livre, l'auteure n'a pas déployé un dazibao à la gloire de la tyrannie.

Han Suyin considère, non sans raison, que le fanatisme, l'intolérance sont inscrits dans les gênes de l'homme ; les élans a priori les plus nobles sont fatalement contaminés par le poison de la chasse aux « hérétiques ». le communisme, même au sommet de sa popularité, après avoir terrassé l'abomination nazie, ne fait pas exception.

L'auteure dans la rédaction de ce livre en 1950-51 fait preuve d'une lucidité étonnante, alors que le régime pouvait encore bénéficier sinon d'un « état de grâce », tout au moins d'une adhésion pour mettre un terme aux infinies souffrances du peuple chinois, pour un monde plus juste. Elle ne cède pas à une certaine euphorie et sait qu'elle sera enregistrée de par ses origines (eurasienne et fille de notable), son statut (médecin), pro occidentale et « ennemie du peuple », au moins potentielle. Et ce quelle qu'ait été sa vie humble et au service des autres.
Elle a tout à craindre directement, ce n'est pas un manifeste d'intellectuel(le) confortablement installé(e) dans son salon à des milliers de kms des événements.

Sur la quatrième de couverture, on peut relever l'appréciation de l'éditeur, « un roman d'amour exceptionnel » (sic).
A se demander si l'éditeur a lu le livre !! Celui-ci, autobiographique, relate effectivement une romance entre la narratrice et un journaliste anglais, mais cette histoire est presque accessoire.

Les sujets principaux sont la conquête de la Chine par les communistes et les soubresauts d'une société chinoise traditionnelle agonisante.
Davantage qu'« un roman d'amour exceptionnel » le lecteur dispose ainsi d'un témoignage exceptionnel sur ce contexte historique ; nombre de tableaux esquissés ici illustrent la misère extrême du plus grand nombre, l'état d'esprit étriqué de cette micro société anglaise coloniale réfugiée à Hong Kong.

Ce témoignage est magnifié par une écriture raffinée, poétique.

Surtout, ce livre pourrait être qualifié, si la catégorie existait, de roman taoïste.
L'héroïne vit intimement le « wu wei », le non agir au sens de la sagesse du Tao. Elle a conscience que l'ordre du monde, tout au moins en Chine, obéit à des forces qu'il est vain de vouloir modifier. La destinée personnelle s'inscrit dans ce(s) flux. L'auteure s'efforce d'affronter les épreuves avec un certain détachement mais avec lucidité et détermination. Elle sait d'emblée que sa passion pour ce journaliste, Marc, ne peut s'épanouir dans un vrai projet de vie mais elle ne s'interdit pas de vivre ce qui peut l'être, en dépit de la réprobation de la « distinguée » société anglaise.

L'issue, tragique, ne pourra que consolider sa sensibilité et son intuition.

Une lecture que je regrette d'avoir tant tardé à initier de par les qualités de l'ouvrage sus évoquées et qui de surcroit m'a beaucoup touché à titre personnel. Mais même si elle n'éveille pas des échos personnels, une lecture que je ne peux que recommander.
Commenter  J’apprécie          162
Multiple splendeur / Han Suyin (1917-2012)
Nous sommes en mai 1949 en Chine quand débute ce roman autobiographique alors que la poussée communiste avance du Nord vers le Sud, les villes tombant les une après les autres, sans résistance, des armées entières se rendant à l'ennemi.
C'est dans un foyer d'accueil de l'Église catholique à Hong Kong où se sont réfugiées des femmes de missionnaires, d'origine occidentale avec leurs enfants que nous faisons connaissance de la narratrice, Mrs Han Suyin, docteur en médecine, d'origine chinoise, eurasienne, veuve avec une fillette de 9 ans. du fait de l'exode, la ville est surpeuplée, la population a presque triplé en quelques mois. Riches et pauvres arrivent à Hong-Kong vestige un peu altéré de l'impérialisme occidental, venant de toute la Chine : banquiers, négociants, femmes riches, missionnaires et squatters se côtoient et la ville est devenue un immense camp de réfugiés. Et de l ‘autre côté de la montagne qui ceint la ville, le Chine, si proche et pourtant si lointaine, si éloignée de la Colonie : un autre univers.
En juin 1949 à Hong-Kong alors colonie anglaise, lors d'une soirée chez son amie Evelyn, Mrs Han rencontre une certain Marc, journaliste anglais correspondant à l'étranger. Quelques jours après, alors qu'elle ne s'y attendait aucunement Marc l'invite à dîner au Grill Parisien, un restaurant coté de Hong-Kong. Il s'avère être un homme charmant, délicat, cultivé et très british, ce qui n'empêche Han de vivre sa culture chinoise toujours intensément.
Au fil des rencontres, Mrs Han réalise que Marc, qui est marié, lui a fait peu à peu dévoiler son intimité. Elle écrit : « Cet homme avait tout pris. Mon intimité, je la lui avais entièrement livrée. » Elle se confie à lui : deux ans au couvent pour apprendre le français, université chinoise, voyages en Europe, mariage, séjour en Angleterre avec son mari, études médicales en Angleterre, retour en Chine avec son mari en 1938, une fille, mort de son mari par les communistes lors de la guerre civile, retour en Angleterre pour terminer ses études médicales et obtenir le diplôme. Puis retour en Chine alors que le pays subit une mutation formidable et révolutionnaire balayant le féodalisme qui a régné durant des siècles.
Ce roman émouvant n'est pas seulement une belle histoire d'amour, un amour intense et harmonieux : « Bien que sobres, nous n'étions pas mesurés. Bien que continents, nous ne modérions pas nos ébats. N'étant pas émoussés par des étreintes antérieures, occasionnelles et basses, nos difficultés stimulaient notre ardeur. L'enchantement de notre rencontre fortuite donnait plus de richesse au miracle qu'elle avait déclenché. » C'est aussi le récit de la transformation du pays face à l'avancée du communisme : l'auteure nous décrit bien les manières des instructeurs politiques procédant à la réhabilitation des personnes atypiques et notamment les prostituées. Tout au long du livre est mis en évidence le contraste entre l'éblouissante Hong-Kong et la Chine communiste, avec des personnages très divers : missionnaires chrétiens, réfugiés chinois de la vieille école, jeunes communistes enthousiastes, vieux chinois anticommunistes, Suyin l'eurasienne mais avant tout chinoise et Marc l'anglais. Han Suyin éprouve une impulsion contraignante à retourner en Chine communiste pour aider son peuple qui souffre et lutte, et en même temps elle aime Hong-Kong d'où elle peut observer ce qui se passe ailleurs. En effet, Hong-Kong, excroissance de la côte de Chine, magnifique entrepôt de commerce, somptueuse entreprise capitaliste, île des monopoles où fleurissent les camps de réfugiés, cloaque de tous les vices, de tous les escrocs, gangsters, prostituées, esclaves rampants, exploiteurs du peuple, espions, réactionnaires et rebuts de la nouvelle Chine, est sans doute le meilleur endroit pour observer ce qui se passe sur le continent chinois. Il faut bien comprendre que bon nombre de Chinois non communistes veulent demeurer en Chine pour s'associer à l'oeuvre des communistes. Ce sera le cas de Han Suyin qui n'en vivra pas moins intensément sa passion, une passion marquée par le destin. Han Suyin choisit la Chine par conscience sociale et amour de son peuple et pour servir son pays qui avait tant besoin d'elle, renonçant à la petite liberté de l'individu et acceptant une forme d'oppression avec abnégation. Très tôt et secrètement, Han sut qu'elle allait devoir choisir entre Marc et la Chine, comprenant que si une partie d'elle n'appartiendrait jamais à Marc, une partie d'elle-même toutefois n'appartiendrait plus jamais à la Chine.
Un livre riche de beaux sentiments et de passions, un grand roman au style poétique, une réflexion philosophique sur l'eurasianisme et un témoignage remarquable sur la mutation subie par la Chine au cours du XXe siècle. le racisme eurasiatique était alors un préjugé mesquin entretenu dans les avant-postes de l'Empire où il demeurait le thème des malsaines spéculations et des méchants cancans des femmes blanches lassées par le bridge, une manie vexante subie par Han Suyin et d'autres eurasiens, notamment ceux qui ont singé le mode de vie des blancs au lieu de rire de toute cette mystification comique et pompeuse qu'est la vie d'un Blanc en Orient. Selon Han Suyin, il n'existait pas de problème pour les Eurasiens qui acceptaient leur côté asiatique.
J'ai lu ce livre une première fois alors que j'avais 18 ans. 58 ans plus tard, je l'ai relu avec autant de plaisir mais pour des raisons différentes. Alors que la première fois, l'histoire d'amour passait au premier plan, cette fois-ci c'est le témoignage historique qui a retenu toute mon attention.
Publié en 1952, traduit en de nombreuses langues, ce roman a connu un très grand succès de librairie, un succès largement justifié.
Commenter  J’apprécie          62
"Multiple Splendeur" est un roman de l' écrivaine eurasienne Han Suyin .Il fut publié en 1952. Après sa traduction, il fut salué comme étant un grand livre et connu un grand succès de librairie .Il fut traduit en plusieurs langues au vu de sa qualité littéraire .
Ce roman est largement autobiographique et s' inspire de la vie de Han Suyin. Cette dernière est une femme médecin .C' est à Hong-Kong que Han rencontre, le journaliste anglais, Marc.
Ce roman relate l' histoire d' amour entre Han et Marc .Les deux protagonistes appartenant à deux civilisations différentes mais cela ne les empêche pas
de connaître la passion, le grand amour c' est à dire la
multiple splendeur de l' amour et de la passion .
Han Suyin traduit tout cela avec une beauté de sentiment et de style et une très belle poésie..
Cette belle histoire a pour cadre la ville cosmopolite :Hong-Kong .
Tout se déroule dans une chine pleine de bouleverse-
-ments et de transformations révolutionnaires .
La lecture de ce roman est un vrai plaisir, un régal .
Commenter  J’apprécie          192

Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
L'humilité est donc bien nécessaire, la seule, celle qui consiste à vivre avec son corps, en connaissant à fond ses cycles, ses trahisons, ses désirs, sa corruption. Comme il est difficile d'accepter notre insignifiante condition mortelle! Comme il est nécessaire de chérir l'illusion qui participe à la substance de la réalité, de vouloir rêver infiniment et toujours, en sachant que les rêves splendides sont parties de ce corps qui est le nôtre, qu'ils sont aussi réels que la solide réalité de notre main. (...) L'homme qui veut l'éternité, qui cherche à se perpétuer dans le temps et l'espace, qui façonne d'invincibles images de lui-même pour sa propre adoration et oublie qu'il est bête de proie et esprit angélique, accouplés dans une mort sans cesse renouvelée. Toutes ces impulsions au fond de l'homme, ce sont ses dieux ancestraux et familiers, déifiés et parés de mots. Dieux anciens, dont le visage est parfois enduit de peinture fraîche.
Commenter  J’apprécie          90
Puisque nous sommes tous changeants et qu'il n'existe pas deux situations identiques, je ne suis jamais parvenue à comprendre pourquoi on n'accepte pas de faire le mal comme le bien, et avec exactement autant de lucidité.Je me méfie profondément des philanthropes et des faiseurs de bonnes oeuvres en général. Je crois aux bons rapports entre les personnes, au dévouement à ses amis, à la fidélité aux principes. Je crois qu'on doit aspirer à être totalement soi-même et non à une perfection formelle qu'on imposerait aux autres. Je suis féodale et taoïste et je pratique un despotisme éclairé, étant médecin.
Commenter  J’apprécie          120
Quelqu'un traversa la pièce, se dirigeant vers le fauteuil vide à ma droite. Je levai les yeux. L'homme....Et soudain je pris intensément conscience de la texture du tapis sous ses chaussures. C'était comme si j'étais allongée dessus et que chaque poil en agaçait ma peau....Je sentis plutôt que je ne vis...Quelque chose en moi, eût-on dit, s'était subitement tourné en dormant, avait soupiré. Comme si un doigt humide m'avait caressé le coeur...Inexpliquablement, j'eus la perception immédiate, directe, sans l'intervention des mots, de la texture, de la matière dont sont faites les choses. Pendant un instant....je perdais contact avec ce que nous appelons la réalité: le fauteuil où j'étais assise, la tasse de café que j'avais à la main. Puis l'univers se remit en place brusquement. Je songeai:" Combien bleus sont ses yeux. Pareils à des saphirs."
Commenter  J’apprécie          71
Nous ne savions pas si nous nous reverrions jamais. Il allait y avoir de grands changements. Mais la famille en partirait pas. Ils resteraient là. Pas de havre de grâce, pas d'Amérique pour eux! Que vienne l'orage, ils ne s'en iraient pas. Il n'était pas pour eux le monde extérieur: leur monde, c'était la Chine...Leur lot c'était l'acceptation, la foi dans la terre et dans le peuple qui en était issu. A eux la constance dont les journaux ne parlent jamais. Ils ignoraient le sens de la démocratie, mais savaient qu'ici était leur patrie et qu'il leur incombait d'y demeurer. Ils n'étaient pas des feuilles dans la tourmente, poussées ça et là par le vent, cherchant à se sauver individuellement. Ils étaient l'arbre aux profondes racines qui ne sera pas arraché malgré les branches qui tombent.
Commenter  J’apprécie          70
Moi, j'appartenais à ces lieux. Ici s'enfonçaient mes racines. Si je choisissais de chercher le salut personnel, la liberté d'esprit individuelle loin d'ici, de m'échapper vers un monde plus rassurant, moins âpre, je me flétrirais peu à peu et je mourrais, car j'étais enracinée ici. J'aurais beau errer loin, je reviendrais. Toujours je reviendrais. Je n'y pouvais rien. Mais ma soeur n'était pas faite ainsi. Elle n'était pas une herbe grossière, solide, sortie du fumier humain et des eaux jaunes de la Chine. Elle était une orchidée aux racines aériennes, une belle fleur délicate, la merveille d'une serre. Elle appartenait à une civilisation ordonnée: rangées de maisons proprettes, température clémente, herbe tondue... Elle était vulnérable et antichinoise dans un style non européen - trop douce et trop suave pour une Européenne, trop bienveillante, trop "bonne pâte" pour une Chinoise. Il n'y avait en elle rien de rigide, de vigoureux ou d'insensé. Il fallait qu'elle parte, qu'elle aille en Amérique, qu'elle connaisse une vie toute faite et des journées ordonnées, réglées sur horaire. Car elle était réaliste dans un pays où seul pourrait survivre un grand rêveur.
Commenter  J’apprécie          40

Video de Han Suyin (24) Voir plusAjouter une vidéo

Interview de HAN SUYIN sur les livres de sa vie
Interviewée par Michel POLAC (off), HAN SUYIN parle de ses souvenirs de lecture, des livres et auteurs qui l'ont marqués (Flaubert avec "L'education sentimentale", Simone de Beauvoir, Lu Xun ...), de la poésie (cite un poète de la dynastie Song), de l'idée des contradictions, de la vie qui l'a trop comblée, de l'humanité en qui elle a confiance, de Beethoven qu'elle n'aime pas, des Gardes...
autres livres classés : hong kongVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (264) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5262 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..