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EAN : 9782021343076
144 pages
Seuil (05/01/2017)
3.77/5   82 notes
Résumé :
Ahmed, 40 ans, est marocain. Il vit à Paris. Il écrit à sa mère, morte cinq ans auparavant, pour régler ses comptes avec elle et lui raconter enfin sa vie d'homosexuel. Il envoie une lettre de rupture à Emmanuel, l'homme qu'il a aimé passionnément et qui a changé son existence, pour le meilleur et pour le pire, en le ramenant en France. Par ailleurs, Ahmed reçoit des lettres de Vincent et de Lahbib.
Un roman épistolaire pour remonter le temps jusqu'aux origi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
3,77

sur 82 notes
Roman constitué de 4 lettres : 1°) celle de Ahmed à Malika (sa mère) - 2°) Vincent à Ahmed (un amour court et fort) - 3°) Ahmed à Emmanuel (son amant de longue date) - 4°) Lahbib (ami d'enfance) à Ahmed.
Au travers de ces lettres nous apprenons, peu à peu, la vie de Ahmed, jeune marocain pauvre et homosexuel. Comment il s'est fait séduire, à 15 ans, par un français, comment en est-il arrivé à occulter son pays, comment en est-il arrivé à s'oublier.
L'écriture est fluide, le sujet intéressant, la construction est bien menée. le tout en fait un bon roman de cette rentrée 2017, tout en sensibilité et révolte.
J'apprends que « Abdellah Taïa a grandi dans un quartier populaire entre Salé et Rabat où son père est employé dans une bibliothèque, mais sa mère ne sait ni lire ni écrire. » Sans commentaire !
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Le récit est constitué de quatre lettres, trois sont écrites, la dernière ne le fut pas mais elle reflète la pensée de son auteur. Quatre lettres qui nous font remonter dans le temps ( août 2015, juillet 2010, Juillet 2005, Mai 1990) et nous donnent à comprendre le mal être d'Ahmed.

Ahmed a quinze ans en 1990, il vit à Salé dans un milieu pauvre. Sa mère voulait le tuer dans son ventre craignant d'enfanter une nouvelle fille. C'est la prémonition du frère aîné, le préféré qui l'arrêta. Est-ce pour cette raison qu'il sera homosexuel?
Un jeune garçon homosexuel au Maroc rêve de rencontrer un riche français qui le sortira de sa misère. Pour Ahmed, ce sera Emmanuel. Emmanuel qui va le « coloniser« , l'éduquer, l'amener à effacer toutes ses racines, à renier son identité.

La première lettre est celle d'Ahmed à Malika, sa mère morte en 2010. C'est une lettre de haine et de reproche.
» J'ai 40 ans et je suis devenu un jaloux calculateur et froid. »
Pour l'adulte blessé qu'il est devenu, Malika n'était qu'une femme cruelle, autoritaire qui usait de ses charmes pour assujettir son mari, un brave homme ensorcelé par le sexe prêt à tout accepter pour un regard de sa femme.
» Et malheureusement pour moi, je suis comme toi…Je suis froid et tranchant comme toi. Malin, calculateur, terrifiant parfois. Dans le cri, dans le pouvoir, dans la domination. Exactement comme toi. »

La seconde lettre est celle d'un amant à Ahmed. Vincent vient de découvrir ses racines marocaines. Dans le métro parisien, il tombe sous le charme d'Ahmed. Ahmed, l'homme qui emmènerai Les lettres portugaises dans la mort, un livre qui parle d'amour et d'abandon. Sombre prémonition.

Vient ensuite une lettre de rupture adressée à Emmanuel écrite en juillet 2005 par Ahmed. En treize ans de vie commune, Emmanuel a sorti Ahmed de son village, de son pays, il a fait son éducation mais il l'a aussi débaptisé, contraint à renier ses origines, à oublier sa culture. Comment ne pas faire le parallèle entre cet homme et le pays?
» Confronté, tu ne cessais de te dérober, Emmanuel. Tu n'es ni un raciste ni un conservateur, tu votes toujours à gauche et tu ne caches rien aux impôts. Pourtant, tu n'as eu aucun scrupule à reproduire sur moi, dans mon corps, dans mon coeur, tout ce que la France refuse de voir : du néo-colonialisme. »

La dernière partie est sans aucun doute la poignante confession qui aide à comprendre le comportement torturé d'Ahmed.

Ce récit fortement inspiré de l'histoire de l'auteur est fort et violent parce que le jeune Ahmed est à ce point de révolte où il ne supporte plus cette liberté acquise, ne supporte plus ce que l'on a fait de lui. Avec des phrases simples de l'écriture épistolaire et les mots crus, Abdellah Taïa fait parfaitement ressentir la complexité de son personnage. Ahmed a cru en la liberté offerte grâce à l'attention de ce riche parisien, il a profité de cette aubaine se soumettant à la fois par amour et par intérêt. Avec le décès de sa mère, il perd son assurance, se rappelle comment les techniques de séduction, de possession de Malika ont causé le malheur de son père.
Ce roman est un cri de révolte mais aussi une façon de montrer comment un homme peut perdre sa dignité en acceptant de renier ses racines pour s'intégrer dans un autre monde.
» Non seulement il faut s'intégrer de force dans la société française, mais si, en plus, on réussissait à faire oublier notre peau, notre origine, ça serait parfait. »

Style, construction, sujet, je recommande cette lecture.
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Elle est cruelle la vie d'Ahmed, jeune Marocain homosexuel élu ou dragué (les deux à la fois) par un intellectuel parisien qui le ramène en France et sera pour un temps son amant et son protecteur.
Dans ce roman épistolaire, le narrateur exprime de la rancune, de la révolte envers son environnement. Mais au fond c'est la vie qu'il a choisie et qui lui a tout de même permis d'être éduqué et de sortir de la pauvreté à laquelle son milieu familial l'aurait contraint.
Est-il vraiment honnête en reportant sur les autres son malaise intérieur ?


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Sonnée.
Ce roman m'a sonnée.
Aussi court que puissant. Aussi puissant que violent.
« Un bon gros uppercut dans ta face ! », comme dirait un ami.
Et on sent dans chacune des lettres le besoin urgent, quasi vital de les avoir écrites.
Ca transpire, ça prend toute la place.
Du coup, on les lit presque avec cette même urgence, cet empressement affamé.
On découvre cette mère tyrannique et obscène. Cet amoureux blessé. Cet Emmanuel qui a fait de lui un gentil et docile petit parisien, l'étouffant, le colonisant.
On découvre aussi cet ami d'enfance, avec son lot de blessures et de cris silencieux.
A la fin du livre, on aimerait tellement le retenir, le prendre dans nos bras.
Prendre aussi dans nos bras Ahmed/Abdellah. Ahmed enfant, Ahmed adulte.
Lui dire que non, l'amour ce n'est pas cela.
L'amour, ce n'est pas souffrir et faire souffrir pour se venger.
Magistral !
Lien : https://livresetbonheurs.wor..
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Abdellah Taïa n'en finit pas de ressasser son passé d'enfant pauvre dans un quartier populaire de Salé. de son homosexualité en marge dans un pays ou la religion est au coeur de la Société et la dirige, ou le seul espoir de d'améliorer sa vie est de s'exiler, en Europe !

Dans ce livre nous découvrons la vie d'Ahmed au travers de quatre lettres s'échelonnant dans le temps :

Une écrite à sa mère avec qui il règle les comptes douloureux du passé, Une seconde de Vincent, un homme qu'il a dragué au point de le rendre fou amoureux de lui et, qui l'a attendu en vain durant toute une journée dans un café de Belleville, une troisième, mais celle-ci de rupture, à Emmanuel l'homme qu'il a aimé ? et qui a changé son existence en le ramenant en France, une dernière que lui adresse son ami d'enfance, son presque frère Lahib, juste avant de se suicider.

J'ai beaucoup aimé ce livre, mais je n'y ai pas forcément vu les mêmes choses que l'auteur quand il reproche à sa mère, sa dureté, sa mise à l'écart du père et sa prise de pouvoir à sa mort.

Mais, n'est-ce pas une revanche sur une vie imposée par la société ou la religion est très présente, ou les lois sont faites par les hommes, pour les hommes ? Son seul pouvoir pour exister se situait dans la chambre à coucher conjugale, elle l'a utilisé dès que cela lui a été possible ! Quant à sa dureté, sans doute provenait-elle d'une vie qu'elle n'avait pas choisie : Un époux porté sur le sexe (c'est Ahmed qui le dit) qui lui fait neuf enfants, l'a fait vivre dans la pauvreté, dans un minuscule appartement d'un quartier populaire de Salé quel espoir avait-elle ? Comment ne pas être aigrie de tant d'injustices ?

Quant à lui, Ahmed, avant dernier fils non désiré d'une fratrie donc seul l'ainé est choyé, homosexuel de surcroit, conscient avec toute sa sensibilité propre qu'il lui faut s'en sortir pour ne pas « mourir » et qui pour cela, est prêt à tout ! Son innocence il y a longtemps qu'il l'a perdu et lorsqu'un qu'un européen lui demande son chemin sous un prétexte fallacieux, il comprend. Il comprend et saisi sa chance pour sortir de cette pauvreté tant matérielle qu'intellectuelle. Nulle tromperie d'un côté ou de l'autre. L'Européen voulait un jeune homme pour satisfaire ses appétits, le jeune homme voulait l'Européen pour exister, fuir cette misère sociale. Chacun, un temps, y a trouvé son compte.

Ahmed plus jeune a suivi les conseils d'un homme, plus mûr, pour évoluer dans la Société. Il s'est construit à son contact au point d'avoir à se renier. L'homme a fait ce qui fallait pour lui tant que leur histoire a durée, tant qu'Ahmed avait la jeunesse puis, l'un et l'autre se sont éloignés. Ahmed parce qu'il avait perdu son identité, l'homme parce qu'il avait déjà remplacé Ahmed en pensée par un autre marocain plus jeune.

Quant à la rencontre de Ahmed avec Vincent, et ce qui en a suivi, je l'ai pris pour une revanche, la vengeance d'un humilié, envers un innocent qui avait pour seul tort d'être européen. Symbole d'un pays colonisateur avec sa force économique et intellectuelle envers un pays qui a été colonisé et qui peine à panser ses plaies, et revanche de celui-ci qui a la jeunesse et la sensualité qui manque à l'autre.

La relation d'Ahmed avec Lahib et sans doute la plus sincère, il est son ami, son frère, à qui il dit tout, avec qui il peut tout partager sans honte, celui qui lui raconte sa vie avec Gérard. le pourquoi il ne pouvait revenir en arrière, le poids trop fort des traditions, cette pauvreté (et non misère) qui colle à la peau et le fait surtout d'avoir été pris et jeté comme on le ferait d'un objet trop usé et abusé.

En substance comment se construire sans se déconstruire question ouverte ! L'homosexualité ne suffit pas pour faire de nous des égaux et ce quel que soit le pays d'où nous venons…

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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Chaque matin je me renie. J'ouvre les yeux, je me rappelle que je suis homosexuel. J'ai beau avoir fait tout un travail pour m'accepter, me laver des insultes, j'ai beau me répéter depuis des années que j'ai le droit de vivre libre, vivre digne, vivre vivre, rien n'y fait : cette peau d'homosexuelle que le monde m'a imposée est plus forte que moi, plus dure, plus tenace. Cette peau, c'est ma vérité au-delà de moi. Je ne l'accepte pas complètement mais je sais que je n'existe que par elle, malgré mes multiples tentatives d'évasion, d'émancipation.
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Tu étais à moi. Un étranger encore. Un corps puissant par lequel j’allais sauver ma peau, fuir la pauvreté. m’épanouir ailleurs. connaître un autre monde. celui que je voyais à la télévision. Avoir de L’argent. Devenir riche.
C’est sans doute le plus beau moment de toute ma vie. Non seulement je vivais le rêve mais, en plus, par la perte définitive de l’innocence je préparais l'avenir.
Je te faisais à toi ce que je voyais les femmes autour de moi faire. Comme elles, j’étais impitoyable, en cet instant si près de ton sexe, L’occasion était là : pouvoir, vengeance et assurance matérielle pour le reste de ma vie. Inutile de jouer au pur: cela ne menait nulle part. Par le mal. la sorcellerie, il fallait te retenir. T’emprisonner. Inscrire en toi mon programme. Te donner l’ordre de revenir.
Tu es à moi. Tu es à moi. Tu es à moi. Chuchoter dans tes oreilles ma voix qui habite désormais ton prénom. Ton très beau prénom. Emmanuel. Emmanuel Emmanuel. Tu ne savais rien de tout cela, n'est-ce pas ? Aujourd hui je le révèle et je te quitte.
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Briser, quitter, rompre, partir, terminer, effacer, c'est ce qui me donne le plus de plaisir depuis quelques années.
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Chère Malika,
Là-bas, tout au fond du noir, le monde est beau enfin, n’est-ce pas ?
Ne réponds pas à cette question, s’il te plaît. Ne dis rien, plus rien. Reste où tu es, comme tu es, effrontée jusqu’au bout, les yeux durs, indifférente à tous, à moi surtout, dictatrice assumée.
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Ceux qui sont comme moi aujourd’hui. je les croise à Paris depuis mon arrivée. lls viennent eux aussi du Maroc ou bien des pays d’à côté. Ils sont homosexuels. Ils ont désomals presque 60 ans et ils disent que la France les a sauvés. Cela me fait rire à l’intérieur chaque fois que je les entends parler ainsi de la France qui émancipe et donne les cés indispensables à la liberté. Des foutaises ! Rien que des foutaises, tout ce langage. Les pédés arabes qui cherchent un abri en France sont traités de la même manière que les autres émigrés. Une case préparée pour eux depuis plusieurs décennies, plusieurs siècles, les y attend, les y enferme. Pour être acceptés des Français, ils parlent leur langage théorique, abstrait, fumeux. Avec les années qui passent, vite, ils n’osent plus nuancer leur parole, quelque chose de ce qu’ils sont au fond, de la première terre où ils ont tout appris de la vie. Ils sont intégrés. Ils sont acceptés. Ils sont libres. Ils le disent et le redisent. Ils peuvent tromper les autres, les Français, avec ces affirmations. Pas moi. Surtout pas moi qui vais, qui marche à Paris sur le même chemin qu’eux. Comme eux j’ai été d’abord un excitant et exotique objet sexuel en France. Je ne le suis plus. J’ai 40 ans. Je suis vieux, fini, asséché, déjà.
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