L'introduction de Paco Ignacio Taibo II à cette anthologie est précieuse car elle fait entrer le lecteur de plain-pied dans la noirceur de ce monstre urbain qu'est Mexico : désespoir engendré par la misère économique, criminalité, trafic de drogue et violences en tous genres, et une corruption de la police qui est sans égal, bienvenue dans les ténèbres de Mexico DF.
«J'ai souvent dit que les statistiques révélaient une ville surprenante, une capitale dans laquelle on compte plus de ciné-clubs qu'à Paris, plus d'avortements qu'à Londres et plus d'universités qu'à New-York. Une ville où la nuit est devenue dangereuse, sauvage. le royaume de quelques rares élus. Où la violence qui règne vous accule, vous enferme dans l'autisme. Une sauvagerie qui vous retient chez vous, planté devant la télé, qui crée un cercle vicieux où règne la solitude et où on ne peut s'en remettre qu'à soi-même. Voilà la situation, pour la majorité des cas.» (Paco Ignacio Taibo II).
La première nouvelle du recueil, «J'suis personne» d'Eduardo Antonio Parra, justifierait à elle seule l'achat de l'anthologie, la marche dans les rues derrière son caddie et le monologue intérieur en boucle d'un clochard psychotique, qui a assisté à une scène, au mauvais endroit au mauvais moment, et qui pressent dans le brouillard de ses pensées abîmées par la rue et l'alcool, que les conséquences vont être terribles pour lui.
Un autre de mes coups de coeur est la nouvelle de F.G. Hagenbeck, «Le comique qui ne souriait jamais», dans la lignée de Marlowe, une histoire de privé embauché à la fin des années soixante par une star de cinéma pour faire cesser un chantage, un classique transposé dans la noirceur tortueuse de Mexico DF : Un très beau condensé en quelques pages de violence, d'humour corrosif et de mélancolie sur fond de la grande histoire mexicaine, qui donne envie de lire davantage cet auteur.
«Je me trouvais face à l'acteur le plus célèbre du Mexique. Il n'était pas plus grand que moi. Ce n'est pas peu dire car à Los Angeles on me prenait pour le huitième nain de Blanche Neige. Il portait une veste en daim couleur lie de vin qui crissait, une chemise blanche à manches courtes col Mao et des lunettes de soleil de la taille d'un pare-brise. Il avançait lentement. Délicatement. À mesure qu'il s'approchait de moi, j'ai estimé qu'il devait avoir la cinquantaine mais qu'une récente opération de chirurgie esthétique lui faisait paraître dix ans de moins. Il portait encore quelques bandages. Sur son visage tiré, il y avait comme une légère patine qui rappelait la couleur de l'argent : celle des dollars gringos.» (F.G. Haghenbeck, le Comique qui ne souriait jamais)
Deux autres nouvelles m'ont semblées très puissantes, «Le brasier des judas» d'Eugenio Aguirre, un récit qui s'ouvre sur des crimes atroces, annonciateurs d'une chute brutale, et «Derrière la porte» d'Oscar de Borbolla qui illustre de façon simple et brillante le propos de Paco Ignacio Taibo II en introduction, l'impuissance des citoyens face aux crimes et l'impunité.
Merci aux éditions Asphalte de nous plonger au coeur du noir des mégalopoles. On en redemande.
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« Ne vous attendez pas à lire une anthologie subventionnée par l'office du tourisme de Mexico.»
Tout est dit….
Il s'agit d'un recueil de 12 nouvelles de 12 auteurs se déroulant dans 12 quartiers différents de Mexico.
12 déclinaisons sur la corruption et la violence dans cette mégapole qui s'articulent autour de trois thèmes : au-dessus des lois, des morts qui marchent et la ville de l'asphyxie.
Des styles et des modes narratifs différents, mais une noirceur généralisée.
Les nouvelles sont parfois trop brèves ce qui peut nuire à leur compréhension et donne un goût d'inachevé : le lecteur reste souvent sur sa faim et inactif… mais alors ?... et alors ?...
Une mention particulière pour « j'suis personne » (le personnage du clochard est saisissant et attachant) et « le brasier de Judas » (et sa chute vertigineuse).
J'ai aimé l'idée de la playlist que j'ai bien entendu écoutée en parallèle de ma lecture.
Cet ouvrage fait partie d'une collection abordant les grandes villes actuelles : Los Angeles, Londres, Brooklyn, Rome et Paris… j'ai très envie de lire celui sur Paris….
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Je me trouvais face à l’acteur le plus célèbre du Mexique. Il n’était pas plus grand que moi. Ce n’est pas peu dire car à Los Angeles on me prenait pour le huitième nain de Blanche Neige. Il portait une veste en daim couleur lie de vin qui crissait, une chemise blanche à manches courtes col Mao et des lunettes de soleil de la taille d’un pare-brise. Il avançait lentement. Délicatement. À mesure qu’il s’approchait de moi, j’ai estimé qu’il devait avoir la cinquantaine mais qu’une récente opération de chirurgie esthétique lui faisait paraître dix ans de moins. Il portait encore quelques bandages. Sur son visage tiré, il y avait comme une légère patine qui rappelait la couleur de l’argent : celle des dollars gringos. (F.G. Haghenbeck, Le Comique qui ne souriait jamais)
Sondage: connaissez-vous beaucoup de citoyens qui vont voir la police lorsqu'ils sont victimes d'un vol à la tire? Très peu, voire aucun. Qui irait voir le policier en uniforme bleu posté au coin des rues de cette toute nouvelle cité démocratique, ou même un flic en civil, Faudrait être cinglé. Vous voulez qu'on vous braque une seconde fois, ou quoi?. ( Introduction de Paco Ignacio Taîbo II)
Vingt et un million d’habitants. Une ville infinie qui, la nuit, devient un fascinant tapis de lumières pour ceux qui ont la chance de la contempler depuis un avion : un peu comme un immense arbre de Noël rouge vert jaune blanc, mercure, tungstène, sodium et néon. Une ville rendue cinglée par la pollution, les pluies, la circulation et une crise économique qui frappe depuis environ vingt-cinq ans. La plus grande ville du monde. (Paco Ignacio Taibo II, introduction)
J’ai souvent dit que les statistiques révélaient une ville surprenante, une capitale dans laquelle on compte plus de ciné-clubs qu’à Paris, plus d’avortements qu’à Londres et plus d’universités qu’à New York. Une ville où la nuit est devenue dangereuse, rude. Le royaume de quelques rares élus. Où la violence qui règne vous accule, vous enferme dans l’autisme. (Paco Ignacio Taibo II, Introduction)
Paco Ignacio Taïbo II raconte ses origines, sa vie familiale ainsi que ce qui l'a mené au Mexique.