Quoi de plus personnel qu'un journal intime ?
Tanizaki, en nous faisant entrer dans celui d'un vieillard, nous rappelle que peu de choses seraient à même de nous fournir tant de détails, à plus forte raison sur un sujet aussi isolé que celui-ci : l'attirance d'un vieil homme pour sa belle-fille.
Satsuko justement, la belle-fille, qui est pleinement consciente de l'attrait qu'elle exerce sur son beau-père, ne va avoir aucun état d'âme à tirer avantage de la situation. D'un côté la jeune femme, pleine de charmes, fait preuve de cruauté et semble en prendre du plaisir ; de l'autre, le vieillard est dans un état de soumission en étant plutôt suppliant. Pris au piège de cette femme d'autant plus attirante qu'elle est sûre d'elle et vaniteuse, le vieux narrateur n'a de cesse de penser à elle. L'estimant tant et plus, il dépense des sommes folles pour lui offrir des objets précieux ; en échange d'un baiser sur la jambe ou le pied…
Par ailleurs, Satsuko assiste à des matchs de boxe où le sang est pour elle un agrément supplémentaire. Si cette attitude dénote d'un certain goût pour la violence, elle n'est que plus aimée pour cela.
Au fur et à mesure, le vieillard ne peut que se rendre à l'évidence : sa décrépitude est inéluctable. Peu importe l'intensité de ses désirs, ils ne peuvent se réaliser ; de plus, sa santé se dégrade vivement et la présence de Satsuko constitue un facteur aggravant… Mais ne voulant rien entendre (comme tout bon vieux), hédoniste, il part du principe qu'il vaut mieux jouir de la vie en compagnie de jolies femmes, quitte à mourir prématurément. Les désirs sexuels prennent ainsi le pas sur la raison.
Outre tout cela, Tanizaki, fidèle à l'héritage esthétique de la culture japonaise, se montre passionné sitôt qu'il parle du Japon d'antan : « Cependant je n'aime pas le Tokyo d'aujourd'hui. Je ressens une nostalgie pour Kyoto qui a un charme particulier me rappelant ce que fut jadis Tokyo. Quels sont les créateurs de ce Tokyo, une ville misérable et chaotique ? N'étaient-ils pas tous des politiciens de province, des campagnards issus de paysans qui ne comprenaient rien à la saveur du Tokyo d'autrefois ? »
Au final, ce
journal d'un vieux fou peut sembler curieux, mais il n'est pas inintéressant pour autant. Satsuko, cette héroïne sulfureuse, un peu de la même manière que la femme sans coeur
De Balzac, nous questionne : pourquoi le mal nous séduit tant ?