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Diane de Margerie (Préfacier, etc.)Tina Jolas (Traducteur)
EAN : 9782869304468
365 pages
Payot et Rivages (01/04/1991)
3.64/5   84 notes
Résumé :
" Voici un roman dont le sujet est le don d'une vie à l'écriture, et cela conté d'une façon si romanesque que nous sommes pris dans une sorte de tourbillon circulaire et dramatique. L'extravagante enfant qui en est l'héroïne, Angel, qui est tout sauf angélique, nous apparaît tout de suite rétive, méprisant l'épicerie où travaille sa mère, absente de la vie quotidienne, volontairement aveugle au réel. "
(Extrait de la préface de Diane de Margelle)
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Publié en 1957, « Angel » occupe une place à part dans l'oeuvre de la romancière britannique. Suspecté de receler une probable part autobiographique, c'est aussi un récit sombre et perturbant dont on ne sort définitivement pas indemne…

Edité pour la première fois en 1991 en France, le roman est préfacé par Diane de Margerie, qui signe une fois encore une introduction passionnante et riche en enseignements dans laquelle elle livre son analyse d' « Angel », apportant un éclairage intéressant sur la genèse et le sens de ce roman. On apprend ainsi que pour créer son héroïne, Elizabeth Taylor s'est inspirée de Marie Corelli (dont le nom est d'ailleurs évoqué à plusieurs reprises par l'auteure), une écrivain anglaise contemporaine d'Oscar Wilde, qui connut un succès populaire sans précédent avec ses romans à l'eau-de-rose, avant de tomber subitement en désuétude. Si la postérité n'a pas retenu son nom, elle fut en son temps une auteure prolifique, célèbre pour ses excentricités et comptant parmi ses lecteurs les plus fervents, la Reine Victoria en personne.

A quinze ans à peine, Angel Deverell a la volonté chevillée au corps et aspire elle aussi devenir une écrivain célèbre. Rien ne semble pouvoir arrêter cette jeune fille obstinée dans son ascension vers la renommée. Ni son sexe, ni la modestie de sa condition. Vivant seule avec sa mère au-dessus de l'épicerie familiale, les ailes de son imagination fertile se cognent aux barreaux de cette cage qui n'a rien de doré. Nourrie des histoires que lui raconte sa tante Lottie, employée à Paradise House comme domestique, Angel se projette dans les murs de cette résidence luxueuse qu'elle rêve un jour d'habiter. S'enfonçant chaque jour un peu plus dans ses mensonges, rêves et réalités ne tardent pas à se confondre pour la jeune fille qui préfère forger le monde à son imaginaire plutôt que de vivre dans la réalité.

Recluse dans sa chambre exiguë, l'adolescente noircit à longueur de journées des pages entières à l'encre de ses rêves, convaincue d'avoir au bout de sa plume un futur chef-d'oeuvre littéraire. Persuadée de son génie, Angel envoie son manuscrit à différentes maisons d'édition. Après avoir essuyé quelques refus, un éditeur londonien semble disposé à publier l'ouvrage, davantage intéressé par son potentiel commercial que par la fulgurance stylistique de l'écrivain en herbe. S'imaginant avoir affaire à une vieille dame excentrique, il ne cache d'ailleurs pas sa stupéfaction lorsqu'il découvre le visage juvénile de l'auteure de "Lady Irania".

Raillée par la critique qui réserve à son ouvrage un accueil sarcastique, Angel connaît pourtant rapidement un succès fulgurant auprès des lecteurs. Au sommet de sa gloire, elle parvient à concrétiser un de ses rêves d'enfant capricieuse en s'offrant le domaine de Paradise House (ce château de princesse dont elle rêvait tant, une demeure trop vaste pour elle et dont la réalité ne parviendra d'ailleurs pas à se hisser à la hauteur des attentes vertigineuses qu'elle en avait), et épouse Esmé, le frère de sa fidèle secrétaire et dame de compagnie, Nora (qui sacrifiera vie personnelle et carrière de poétesse sur l'hôtel de son idole). Artiste désargenté aux moeurs dissolues et joueur compulsif, Esmé porte un regard lucide et désabusé sur le monde. A tel point que les réelles motivations ayant poussé ce peintre sans talent dans les bras d'Angel demeurent pour le moins troubles…

Portrait saisissant et glaçant d'une écrivain de pacotille à l'idéalisme exacerbé et sans limites, le roman d'Elizabeth Taylor éveille en nous un tourbillon d'émotions contradictoires, entre curiosité, fascination et révulsion.

Angel entreprend très tôt une lutte de chaque instant pour nier son identité et se dégager du carcan insupportable de la vérité. La jeune femme fascine par sa détermination sans borne qui lui permettra, en dépit de son sexe et de la modestie de ses origines, de se hisser aux sommets de la gloire par la seule force de sa volonté, faisant voler en éclats tous les plafonds de verre. Elle intrigue aussi, par son refus viscéral d'affronter le réel et son entêtement à traverser l'existence avec des oeillères.

A travers cette héroïne capricieuse et indomptable, le narcissisme se voit élevé à des hauteurs inouïes. Excessive et enflammée, Angel est littéralement aveuglée par ses visions grandioses qui éclipsent tout ce qui l'entoure. Sa réussite insolente, conjuguant gloire artistique, vie de château et passion amoureuse suscite curiosité et fascination.

Comme le fait remarquer Diane de Margerie, Angel « possède toutes les ficelles qui exaspèrent les critiques littéraires mais qui libèrent les fantasmes des lecteurs, eux aussi révulsés par le quotidien. ». Les fadaises de la romancière et ses histoires sirupeuses connaissent le succès parce qu'elles répondent au désir d'évasion de ses lecteurs, leur permettant de fuir le réel. A l'image du voile d'illusions dont elle se drape, sa notoriété n'est pourtant qu'un écran de fumée éphémère, voué à disparaître aussi vite qu'il est apparu.

Face à un monde en perpétuel mouvement, Angel demeure ainsi prisonnière des filets de ses illusions merveilleusement entretenues et de ses numéros de prestidigitation… Un aveuglement qui causera sa chute. Pour son amour Esmé en revanche, la violence et la barbarie de la guerre achèveront de rompre le charme de cette mascarade ridicule. de retour à Paradise House, le jeune homme devenu infirme mesure plus que jamais l'artificialité et l'inconsistance de toute cette mise en scène. A ses yeux, l'univers d'Angel ressemble de plus en plus à une vaste imposture et les ailes de son imaginaire se révèlent impuissantes à les y soutenir tous les deux. Il en va de même pour la mère d'Angel qui, dans ce monde d'apparats et d'artifices, ne tarde pas à étouffer. Brutalement arrachée à sa vie de petite commerçante, elle commence peu à peu à dépérir dans cette vie d'oisiveté forcée.

L'ascension fulgurante d'Angel vers les sommets de la gloire « littéraire » et la déchéance tout aussi brutale qui s'ensuit d'une femme-enfant prisonnière de ses rêves est une expérience incroyablement troublante et bouleversante. On ne sort pas indemne d'un roman tel qu' « Angel ». Les lectures de cette destinée tragique sont innombrables, et porteuses d'autant d'interrogations et de remises en questions pour le lecteur.

Car au-delà de simplement dénoncer la supercherie qu'incarne son héroïne, Elizabeth Taylor nous pousse à nous interroger sur le sens des aspirations qui nous animent, le danger des illusions qui nous bercent, ainsi que sur la fonction même de la littérature et le rôle de l'écrivain. Ainsi, « Ce qu'Elizabeth Taylor a montré à travers ce récit haletant mieux qu'à travers toute prose moralisante, ce sont les dangers, les pièges de la littérature-miroir, qui s'enferme en sa propre ignorance et flatte chez le lecteur ses instincts de fuite égotiste. Angel raconte la grandeur et décadence d'une adolescente mythomane, qui deviendra l'un des auteurs les plus connus de son temps. A travers cette fresque où revit la belle campagne anglaise, un mariage avorté, deux guerres, l'existence de deux femmes recluses, ce qui est visé avec une lucide poésie, c'est aussi cela : la littérature qui endort et abêtit, la médiocrité des aspirations, la sottise des illusions jamais perdues, l'entêtement des natures tyranniques qui se croient invulnérables – l'aveuglement, en un mot, de ceux qui ne veulent pas savoir. » (Diane de Margerie extrait de la préface)
Lien : https://lectriceafleurdemots..
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Angel est tout sauf angélique : mégalomane, méprisante, dévoratrice, voire sadique, avide, égocentrique, froide. Angel est un monstre mais une certaine pitié nous prend devant ce personnage . Elle possède un charme envoutant, ce charme qui lui vient de son énorme volonté d'écrire et d'assumer ce qu'elle écrit envers et contre tout.
Angel est en effet écrivain. Un écrivain qui ne lit jamais, qui ne s'intéresse pas aux gens, au réel, à la vie qui l'entoure. Même quand elle rentre dans une grande déchéance, elle reste aveugle et ne change rien à son train de vie. Mais son génie vient cette cécité. Angel compense par la mégalomanie la modestie de son destin.

Elysabeth Taylor porte un regard acéré et ironique sur son personnage. Son humour est féroce.

L'histoire a été inspiré par la vie de la romancière victorienne Marie Corelli (1855-1924) qui écrivait des romans à l'eau de rose très populaires à son époque.
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j'ai adoré ce livre, je l'ai lu plusieurs fois, cette gamine qui se réfugie dans ses rêves pour
fuir la médiocrité physique et surtout morale de son environnement, qui réussit envers et contre tout à écrire un roman et à le faire publier, m'a profondément touchée , a littéralement happé mon coeur... et peu importe si par la suite, une fois le succès atteint, elle devient une espèce de mégère égoiste et sans coeur, on le deviendrait à moins !
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Fille d'une modeste épicière, Angel est une enfant égocentrique et effrontée, d'une nature romanesque confinant à la mythomanie. Quand à son avenir, aucun doute ne l'effleure, elle sera écrivaine, une grande écrivaine, la meilleure de son temps. Arrivée à l'âge adulte, c'est peu dire que l'artiste à une haute opinion de son art. Alors que sa prose n'est qu'un inepte et alambiqué fatras de mots ampoulés, elle se voit arrivée et trônant au pinacle de la littérature. C'est cette image qui la soutiendra jusqu'au bout, elle restera le soleil, déclinant - autour duquel gravite son entourage.

Angel est une figure que l'on se plait à détester. Elle est d'une prétention, d'une arrogance, d'une antipathie désarmante. Rien ne trouve gré à ces yeux hormis elle même. le personnage serait tiré d'une écrivaine - Marie Corelli, ayant connu une relative célébrité - et qui avait inspiré déjà Edward Frederic Benson pour son personnage de Lucia dans la série de romans éponymes.
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Un roman bien écrit et agréable à lire. Ce roman change de ce que nous pouvons lire habituellement sur les vies d'écrivain romancés: il ne s'agit pas là d'une déstinée hors du commun, ou d'une vie exceptionnelle d'artiste, ou d'une révélation par l'écriture,... en fait, il ne s'agit même pas d'un écrivain doué puisque Angel n'est pas présenté comme un auteur de talent mais plutôt comme un auteur de roman du dimanche dirons-nous. Et c'est ce qui rend justement ce roman intéressant puisque Elisabeth Taylor semble nous montrer ainsi que l'écriture ne rend pas forcément les auteurs exceptionnels, que de nombreux auteurs de littérature n'ont eu de fantasques que ce qu'ils ont préter à leurs écrits. Taylor dresse le portrait froid d'une femme avant tout égoïste au point d'avoir détruit de la vie de tous ceux qui l'ont cotoyer au nom d'un art qu'elle n'a pas même effleurer.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
sa soif de gloire l'avait rendue inflexible : elle était excentrique, implacable, égoïste. L'amour, qui requiert abandon, souplesse, prodigalité, lui serait un choc spirituel et bouleverserait son rythme quotidien. Elle n'y parviendrait jamais, il en était certain. Malgré tout l'amour déversé dans ses livres, elle ne pourrait l'atteindre dans la vie.
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Un jour, il aperçut un grand cactus dans la vitrine d'un fleuriste. D'une poussée malingre et hérissée de piquants s'était épanouie une immense fleur inquiétante, solitaire et incongrue, un monstrueux accident. Et il avait songé à Angel.
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Elle parut remarquer qu’il restait en arrière.
Brusquement, un sentiment de tristesse et de découragement l’envahit.
Tout autre soir, la douce tiédeur de l’air chargé de parfums l’aurait chassée à l’intérieur, à son bureau.
C’est l’heure où n’être pas amoureuse jette dans une douloureuse agitation ; sans doute les peines d’amour peuvent-elles être plus douloureuses encore, mais elles sont choses convenues, qu’on supporte avec plus de sérénité.
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-- Elle secoua la tête et continua à écrire.
Ses cheveux d’un noir d’encre se détachaient sur la claire transparence de ses bras ;
ses aisselles étaient d’une teinte plus soutenue, d’un rose presque abricot. Les yeux mi-clos, il essaya de délimiter le tableau qu’il s’apprêtait à peindre telle qu’elle était là,, assise toute droite parmi les draps en désordre les coussins chiffonnés.
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La haute rumeur tourbillonnait autour de l'étang et les oiseaux terrifiés s'envolaient de la cime des arbres avec un froissement d'ailes qui résonna comme les applaudissements moqueurs de milliers de mains.
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