Comme la rusée Shéhérazade dans les 'Contes des Mille et une nuits', Azad (musicien-poète) se fait attendre et désirer en racontant une histoire chaque soir à la sultane Yasmina - sorte de mante religieuse qui fait tuer ses amants après une unique nuit torride. Azad obtient ainsi un sursis en caressant la gourmande de sa voix, mais d'abord de ses mains (jamais davantage), partout, éveillant des zones érogènes qu'elle ne soupçonnait pas.
L'art de l'érotisme est dans la suggestion : l'attente et la langueur des préliminaires priment sur le coït "sec"/brutal de la pornographie. Ici, on reste parfaitement sur ce délicat et délicieux fil du rasoir (pas de mots crus mais des métaphores), et on savoure en sus la sagesse, la morale - parfois l'humour - ainsi que le plaisir narratif de la mythologie exotique et des contes médiévaux.
Un hymne à la volupté et à la vie dans cet ouvrage vraiment réussi, qui reste très subtil et plutôt sobre, presque accessible aux grands ados. Un réel plaisir de lecture.
Merci à Babelio et aux éditions le Chèvre-feuille étoilée !
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C'est parfois cru, parfois cruel, parfois drôle, souvent plaisant.
Cela parle de désirs, de confiance aussi. La sultane ne s'aime pas, elle se venge sur les hommes. Mais vient Azad. Azad sait raconter, sait caresser et décupler les sens. Chaque nuit, les corps vibrent et les mots dansent (certains contes m'ont laissée un peu sur la rive) et lentement se dessine une histoire plus grande qui véhicule mine de rien des idées pas bêtes sur l'amour.
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Gentil lecteur, pourquoi s’interroger plus avant sur le titre du modeste ouvrage que tu as entre les mains ? Bien sûr tu trouveras au fil de ces pages deux ou trois détails, pas plus, qui te feront soupçonner une ressemblance entre la petite histoire qu'il offre à ta curiosité et quelque illustre et merveilleuse œuvre orientale; mais ne te méprends pas : si le prénom de notre héros présente un semblant d'homonymie avec celui d'une princesse fameuse, si sa langue est aussi agile que celle de cette dame, la personne pour laquelle il la fait aller si bon train au moment où commence mon histoire est une sultane et non le sultan moustachu dont la cruauté fit naître l'œuvre célèbre.
Regarde notre cher Azad : dans la chambre aux mosaïques bleues, sur le grand lit à baldaquin, à genoux entre les cuisses de la souveraine, il soulève ses fesses à deux mains et sous sa bouche, Lalla Yasmina se pâme et se meurt dans un grand nuage froissé de soie rose, le visage caché dans le flot sombre de ses cheveux. Oui, Azad a la langue et les doigts agiles, et le corps mince et ambré dans la lueur des lampes à huile. Lorsque la sultane a poussé un cri plus fort que les autres et arqué les reins, il attend un instant, la joue contre son ventre, puis, comme le musicien reprend sa phrase après la syncope et en varie le motif, il poursuit sa caresse. Pourquoi porte-t-il un bandeau de cuir sur les yeux ? Question judicieuse dont la réponse est déjà une histoire.
Il faut que tu saches, lecteur curieux, qu'Azad est un poète musicien. Lassé d'une vie aux bonheurs trop prévisibles, il a quitté depuis des mois la ville lointaine où il était célèbre. En quête d'aventures, il a traversé le désert pour atteindre l'étrange royaume de Yasmina, perle verte posée sur l'or infini des dunes, dans sa sertissure de montagnes noires. Azad en savait les habitants plus férus de musique que nul autre peuple.
Janine Teisson vous parle de son dernier roman "Martienne ?"