AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782843032677
140 pages
La Dispute (11/02/2016)
4/5   1 notes
Résumé :
" Émancipation démocratique ou barbarie : nous sommes au pied du mur. Sans échappatoire. La question scolaire n'échappe pas à ce dilemme ". Ce livre part d'une conviction : l'urgence d'une éducation pour tous de haut niveau. qui ne vise pas d'abord à inculquer des messages, mais à former des capacités instruites de réflexion et d'analyse. La validation de l'échec scolaire de masse par les politiques de socle commun, variante libérale ou sociale-libérale, est à cet é... >Voir plus
Que lire après Pour une école de l'exigence intellectuelle : Changer de paradigme pédagogiqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« On ne discute guère aujourd'hui des missions de notre système éducatif autrement que pour rappeler ses responsabilités dans la préparation des qualifications requises par le marché du travail, ainsi que dans le maintien de la paix sociale et de la cohésion nationale.

Ce livre part d'une autre conviction : celle de l'exigence, dans le monde d'aujourd'hui, d'une éducation scolaire pour tous de haut niveau, une éducation qui ne vise pas d'abord à inculquer des messages, mais à former des capacités instruites de réflexion et d'analyse. »

Dans son introduction publiée avec l'aimable autorisation de l'auteur et des Editions La Dispute, (VOIR BLOG ENTRE LES LIGNES ENTRE LES MOTS), Jean-Pierre Terrail souligne, entre autres, que des changements profonds dans nos sociétés appellent « une élévation massive et générale de nos ressources intellectuelles », une nécessaire maitrise démocratiques des technologies, un essor des capacités délibératives.
A la connaissance visant « la compétition et l'emploi » et laissant un grand nombres de personnes sur le bas-coté, l'auteur oppose celle de « la solidarité, les coopérations, l'émancipation du travail, la culture ».

« Plus que jamais la valeur émancipatrice du savoir, entendons par là d'un savoir réfléchi et critique qui ne se suffit pas de connaissances utiles, est à l'ordre du jour. Et elle l'est pour tous. Or, malgré l'urgence historique, notre école n'y fait guère droit ».

Les réponses en terme de « socle commun » ne sont pas à la hauteur. Contre ce qu'il nomme le « paradigme déficitariste », Jean-Pierre Terrail rappellent que « tous les enfants entrant à l'école élémentaire sont dotés d'un intellect largement suffisant pour leur assurer une scolarité normalement réussie ». Il faut donc rechercher les raisons de l'échec scolaire dans « les fonctionnements même de l'institution scolaire ».

Sommaire :

Introduction

Une pédagogie de l'adaptation au manque

La pédagogie rénovée, emprise et crise

Justification du paradigme de l'exigence

Sur la mise en oeuvre du nouveau paradigme

Conclusion

Jean-Pierre Terrail revient sur la rénovation pédagogique des années 70, « le renversement d'une relation pédagogique historiquement dominée par la logique de transmission ». L'auteur décrit les nouvelles orientations pédagogiques, « pédagogie de la découverte », les publics visés, « d'abord établies à l'intention des élèves en difficulté ». Les élèves des classes populaires (pour utiliser le vocabulaire de l'auteur, j'y reviendrais) « ne disposeraient pas en effet des ressources cognitives et culturelles dont les autres ont hérité : la capacité à manier les « savoirs abstraits » et à réaliser des « performances « littéraires, une « maitrise du langage écrit et oral » suffisant à leur éviter l'échec scolaire », il conviendrait donc que les apprentissages « fasse sens » pour ces élèves…

L'auteur discute des capacités d'invention et d'abstraction, de la découverte, de la non appropriation satisfaisante des savoirs. Il insiste particulièrement sur « la conviction de l'insuffisance des ressources », sur « un manque d'appétence supposé », sur « apprendre à apprendre », sur des tâches « hétérogènes aux savoirs visés », sur la « dépréciation des savoirs », sur l'aperception des buts réels de l'activité, sur la différence entre « objet réel et objet de connaissance », sur la propension d'une majorité d'enseignant-e-s « à modérer l'ambition intellectuelle de leurs objectifs », sur les écarts aux domaines de savoir… En fonction des ressources intellectuelles que l'on prête aux élèves, celles-ci et ceux-ci « se voient assignés à un degré croissant dans l'échelle de l'abstraction ».

Si l'auteur, me semble-t-il a raison de mettre en relation les aspirations de salarié-e-s, nommé-e-s par lui « salariat intellectuel et d'encadrement » (l'auteur indique que leurs activités professionnelles et leur culture « ne sont plus centrées sur la saisie des relation d'objet » mais sur « les relations entre les personnes », ce qui est par ailleurs discutable…) avec la rénovation pédagogique effectuée, ce rapport n'est pas dénué de contradictions. Mais classer ces salarié-e-s dans d'hypothétiques « nouvelles classes moyennes » ne me paraît adéquat. Elles et ils sont et restent, à la fois séparé-e-s des moyens de production et dans un rapport de subordination à leurs employeurs. Ces salarié-e-s, y compris celles et ceux classifié-e-s cadres subissent de surcroit des processus de déqualification, de « prolétarisation » au sens banal du terme. Une chose est donc de souligner l'hétérogénéité des travailleurs et des travailleuses au sein d'une « classe » dominée, autre chose et de considérer qu'elles et ils feraient partie de classes plus ou moins antagoniques (voir sur ce sujet, par exemple, Pierre Rolle : Où va le salariat ? ouClaude Gabriel : Évolution et segmentation du salariat – Évolution des entreprises et de la société (voir blog).
Quoiqu'il soit, la mutation pédagogique passée est bien dominée par « le paradigme déficitariste », entrainant, outre une naturalisation des difficultés, des pratiques ne permettant pas de briser les conditions conduisant aux « échecs scolaires ». Si, l'auteur parle de l'adhésion massive du monde éducatif à cette façon de voir, il souligne la responsabilité de la place des « dispositifs institutionnels ».

Pour Jean-Pierre Terrail il faut rompre avec le « paradigme déficitariste » associant « conviction de l'insuffisance des ressources intellectuelles d'une partie des élèves » et « une pédagogie de la compensation individualisé, motivante, concrète et ludique » pour retrouver « l'intention démocratique des promoteurs de la modernité pédagogique ».

Il est dommage que l'auteur ne met pas ses analyses sur « le paradigme déficitariste » en relation avec les apports des chercheuses féministes sur la scolarisation des filles. Dans un cas comme dans l'autre, le refus de l'égalité, les préjugés, les assignations, les comportements, les pratiques renforcent les « présupposés » et les rendent, en somme, auto-réalisants.

Jean-Pierre Terrail développe ses positions autour du « paradigme de l'exigence », interroge le « désamour » de l'école, critique « l'hypothèse du « déficit » de ressources intellectuelles, du « handicap » que subiraient les élèves d'origine populaire ». Il réaffirme l'« égalité des intelligences » et revient sur un « fait humain », l'apprentissage du langage, « la langue est le système le plus abstrait de représentation humaine ». Il poursuit et approfondit sur ce sujet, ses ouvrages antérieurs (Voir les compléments possibles en fin de cette note. Je rappelle un titre très signifiant, que j'avais choisi : « Ne pas accepter de ne pas comprendre, ne pas accepter de ne pas se faire comprendre »). L'auteur souligne, entre autres, les réalités abstraites des signes linguistiques, la solidarité des catégories de la langue, l'aptitude à la pensée abstraite comme universel humain, « Apprendre à parler, de ce point de vue, c'est se doter d'une capacité de mise à distance, d'objectivation des objets du monde et de la pensée réfléchie », les relations de causalité, les connecteurs logiques, l'oralité dans la construction des « outils essentiels de la pensée humaine », l'égalité dans la disposition « du même outillage de base »…

Rien ne justifie donc « les dénivelés d'exigence ». Il convient donc de confronter toutes et tous les élèves aux même situations d'apprentissage, de mise en activité intellectuelle « déterminée et permanente ».

Pour ce faire, les procédures pédagogiques doivent être transformées. le travail à la maison, entrainement intellectuel et mémorisation, devant être secondaire, « l'essentiel, le moment de la compréhension et de la conceptualisation, devant s'effectuer en classe sous la responsabilité directe de l'enseignant ».

Compréhension des faits, interprétation des données, appréhension des logiques, intelligence des processus, plaisirs de l'intelligence… « l'adhésion des jeunes dépendant de deux critères essentiels, une conduite efficace des apprentissages, qui leur donne du sens ; et un comportement des adultes à la fois déterminé et compréhensible, respectueux et dépourvu d'arbitraire comme d'autoritarisme ».

Jean-Pierre Terrail parle d'une « pédagogie de la réussite pour tous », de mobiliser les ressources plutôt que de s'adapter aux manques réels ou imaginaires, de se donner les moyens de répondre à l'exigence, d'attention au découragement, d'accès aux éléments théoriques et aux techniques adéquates, de confrontation aux notions les plus abstraites, de modalités adaptées aux difficultés, de « privilégier l'esprit d'investigation sur la soumission aux faits », de centrage sur « l'objectif cognitif de la séance et à son explication réflexive », d'atmosphère « de calme et de sérénité », des écoles Montessori et Freinet, du bannissement des notations, d'affirmation de l'autonomie des élèves, de distance réflexive avec le « faire » à travers « la coopération, la discussion collective, l'évaluation », de sécurisation des apprentissages, de non mise en concurrence, d'école commune accueillant « tous les élèves à la seule fin de les conduire ensemble jusqu'au terme de l'appropriation d'une culture commune »…

Il s'agit donc « de subvertir la logique d'ensemble du système éducatif et de rendre impossible ces anticipations ravageuses de l'échec qui opèrent aujourd'hui dès la maternelle ».

En conclusion, l'auteur revient sur la suppression de la concurrence, l'autonomie des enseignant-e-s et leur maîtrise « non seulement de la discipline enseignée, mais aussi de son histoire, de son épistémologie, des savoirs scolaires correspondants, et de leur didactique », l'appropriation des savoirs valorisée en elle-même, le réexamen des conditions de rémunération et de travail des enseignant-e-s…

Certains mots, de vocabulaire, me paraissent discutables, « maître », « autorité », « ordre scolaire » ; la mixité des personnels et enseignant-e-s à tous les niveaux para-scolaires et scolaires omise, la place des langues, dites étrangères, non traitée.

Quoiqu'il en soit, un livre stimulant tant par les analyses, que par les propositions… Un refus raisonné des conceptions inégalitaires, des démissions…


Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Plus que jamais la valeur émancipatrice du savoir, entendons par là d’un savoir réfléchi et critique qui ne se suffit pas de connaissances utiles, est à l’ordre du jour. Et elle l’est pour tous. Or, malgré l’urgence historique, notre école n’y fait guère droit
Commenter  J’apprécie          30
Ce livre part d’une autre conviction : celle de l’exigence, dans le monde d’aujourd’hui, d’une éducation scolaire pour tous de haut niveau, une éducation qui ne vise pas d’abord à inculquer des messages, mais à former des capacités instruites de réflexion et d’analyse.
Commenter  J’apprécie          10
Apprendre à parler, de ce point de vue, c’est se doter d’une capacité de mise à distance, d’objectivation des objets du monde et de la pensée réfléchie
Commenter  J’apprécie          10
l’adhésion des jeunes dépendant de deux critères essentiels, une conduite efficace des apprentissages, qui leur donne du sens ; et un comportement des adultes à la fois déterminé et compréhensible, respectueux et dépourvu d’arbitraire comme d’autoritarisme
Commenter  J’apprécie          00
subvertir la logique d’ensemble du système éducatif et de rendre impossible ces anticipations ravageuses de l’échec qui opèrent aujourd’hui dès la maternelle
Commenter  J’apprécie          00

Video de Jean-Pierre Terrail (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Terrail
Conférence de Jean-Pierre Terrail à Nantes, le 2 décembre 2010. Partie 2.
autres livres classés : pédagogieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (6) Voir plus



Quiz Voir plus

Et s'il faut commencer par les coups de pied au cul

Dans un film de Jim Jarmush, un tout jeune couple d'adolescents se demande : Y a-t-il encore des anarchistes à -------- à part nous ? Peu de chances. Où çà exactement ?

Paterson
Livingston
Harrison
New York

10 questions
23 lecteurs ont répondu
Thèmes : anarchie , éducation , cinéma americain , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}