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Michel Lederer (Traducteur)
EAN : 9782351787748
336 pages
Gallmeister (07/01/2021)
4.12/5   491 notes
Résumé :
"Pas de questions, détends-toi." C'est le nouveau mot d'ordre des humains, obsédés par leur confort et leur tranquillité d'esprit, déchargés de tout travail par les robots. Livres, films et sentiments sont interdits depuis des générations. Hommes et femmes se laissent vivre en ingurgitant les tranquillisants fournis par le gouvernement. Jusqu'au jour où un homme solitaire, Paul, apprend à lire grâce à un vieil enregistrement. Désorienté, il contacte le plus sophisti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (98) Voir plus Ajouter une critique
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Malgré son titre évoquant un classique américain, ce roman d'anticipation interroge la possibilité d'un monde sans lecture. Ici, contrairement à Fahrenheit 451, on n'a pas détruit les livres : On a agi sur l'humain, comme dans 1984. Rien qu'en prolongeant les travers actuels de notre société, que pourrions-nous devenir dans les années 2400 ? Un monde où les écrans nous ont vidé la tête, prenant toute la place dans l'enseignement, les loisirs ; un monde où s'installe la primauté des images, qui se poursuivit par la stricte interdiction de la lecture et de l'écriture : symboles du savoir, du questionnement, centres névralgiques du ressenti et des sentiments, de l'ouverture vers les autres. Un monde dont les principes de liberté, égalité, fraternité sont devenus Individualité, Intimité et Tranquillité, empêchant tout regroupement rebelle, comme tout rapprochement entre amis ou amants ; Une natalité en chute, mettant symboliquement l'humanité en péril. Dans ce monde désincarné, la devise est : « pas de question, détendez-vous ». Et il n'y a que cela à faire, puisque les gens ne servent plus à rien tant les robots, d'apparence et de fonctionnalités si humaines pour certains (clonage du cerveau humain, amputé de quelques « fonctionnalités » dangereuses…), font tout à leur place et sont plus… intelligents ? Alors pour nous aider à ne penser à rien - et peut-être, dans un exquis retour d'ironie, faire de nous des robots - on a légalisé les drogues, ces pilules de Sopor achevant littéralement de nous endormir. Est-ce le paradis ou une société de robots, au propre comme au figuré, qui court à sa perte ?


Pour le lecteur la question se pose dès le départ, puisque même le robot semblant chapeauter tout cela regrette que sa programmation l'empêche de se suicider. Pour l'un des héros de ce roman, dressé à ne surtout pas s'interroger, la question s'insinuera plus tard : lorsqu'il tombera sur des vieux films muets, mettant en scène des familles et des gens semblant heureux de vivre, de ressentir des émotions. Enfin, cette question se posera plus ouvertement lorsque ce héros découvrira une vieille vidéo destinée… à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Un monde nouveau s'ouvrira alors à lui, empli de questions obsédantes qui le pousseront à explorer bibliothèques et interdits… Grain de sable dans l'engrenage, ce tutoriel fera parler les films muets, boîtes noires d'un bonheur d'antan qui ne demande qu'à renaître de ses cendres. le héros déchiffrera aussi les textes fondateurs des sociétés passées, même s'il constatera (comme dans 1984) que L Histoire a été réécrite avant d'avoir été oubliée. Face à ce naufrage de l'humanité et de notre civilisation, il suffirait pourtant d'une arche télépathique, d'un Noé des temps modernes et d'une nouvelle Eve, prête à croquer les fruits défendus d'une ancienne civilisation redécouverte, pour nous sauver tous… Sauf à être « détectés » avant, et neutralisés.


Au début, j'ai cru à un 5 étoiles. Dommage que ma lecture ait connu un coup de mou durant tout le dernier tiers du roman, exactement comme dans Ravage, de Barjavel. Quand les romans actuels portent sur une société Instagrammable ou sur les enfants rois de Youtube, la réédition de cette dystopie oubliée semble providentielle. Décrivant une population sans contact avec autre chose que les écrans, l'auteur, qui écrivait dans les années 1980, était visionnaire. Il pousse à l'extrême les dérives sous-jacentes de notre société et interroge : Qu'y a-t-il au bout de notre logique d'individualisme et de technologie à outrance ? J'ai peu d'expérience en la matière mais je trouve que son texte a bien vieilli. Il est effrayant de découvrir ce que pourrait devenir notre futur... Des gens qui ne lisent plus pour ne rien ressentir, ne pas s'interroger, ne rien vouloir savoir et s'abrutir d'images. Si tout le texte possède une forte valeur symbolique, la parabole finale, de toute beauté, en fait une jolie fable. Symbolique mais pas simpliste, dans la mesure où le lecteur ressent des sentiments ambivalents pour ces robots que l'on nous rend attachants. Signe que l'humanité finit toujours par (re)prendre le dessus sur les machines. C'est du moins ce que l'on voudrait croire. Cette lecture invite en tous cas à redonner à l'humain la place centrale dans le contrôle de sa vie.


(A voix haute) : Hey, Google, publie cette critique sur mon compte babélio !

S'il te plaît.

Hey Google, non finalement laisse, je vais le faire moi-même...

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Une dystopie où la connaissance est au coeur de la réflexion
*
Si c'est ça que deviendra notre futur, alors je ne veux pas en être.
C'est la phrase que j'ai retenu à la fin de cette dystopie qui fait "froid dans le dos".
Imaginez un monde sans livre. (pour les lecteurs, c'est un cauchemar, vous le savez aussi bien que moi, vous, qui lisez ces quelques lignes).
Il était une fois, l'Homme, dans une époque lointaine (quelques siècles) qui ne se pose plus de questions. A l'abri des émotions, vivant dans un monde rempli de robots. Dans un New York vide et stérile.
Est-il heureux? Oui, puisqu'il n'a plus de réflexions, plus d'angoisses, plus rien. Il se gave de drogues soporifiques, de télé synthétique et se laisse dorloter par des androides bienveillants.
*
Mais alors, me direz-vous, quelle est l'intrigue? Si personne ne se remue dans cette métropole abandonnée?
Il y a bien un humain, Paul, qui par un hasard, a réussi à sortir de ce coma cotonneux et à apprendre à lire.
Branle-bas de combat, un robot, Spofforth, d'une classe supérieure (voulant mourir mais étant incapable car programmé pour durer indéfiniment) réagit à cette onde de choc.
*
Injustement méconnue, cette oeuvre écrite dans les années 80 (l'âge d'or de la SF) a placé les curseurs très haut. Une lecture profondément humaniste qui s'attache aux sentiments, aux ressentis, aux pensées des protagonistes.
Le livre est au coeur du récit et il apporte cet espoir à cette communauté déshumanisée à l'extrême.
La rédemption est possible avec Mary Lou, une humaine dotée d'une lucidité rafraichissante. Redémarrer sainement le monde? oui, à condition que Spofforth le veuille encore.
*
Cette lecture, quoique glaçante et anxiogène a quand même eu sa part de réflexion quant à notre actualité. Les limites de la modernisation, l'égoisme et l'individualisme à son apogée, la tiédeur de l'apprentissage, des rapports humains peut-être limités.
*
Un roman , bien que "vieillot dans sa construction, m'a happé dès les premières pages. Il n'est pas aussi noir que certaines autres dystopies. Il a même ce côté suranné et mélancolique comme je les aime.
Il deviendra un "classique"
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Les romans de genre SF, les romans d'anticipation ont ceci de particulier qu'ils vous font (qu'ils vous obligent...) à réfléchir sur la société qui nous entoure...

On est dans un futur proche, et c'est les robots qui dirigent le monde, les humains étant rendus à errer telles des loques. Ils prennent tous les jours un médicament (le sopor )pour être zen, ne pas se poser de questions, "profiter de la vie "...Tous leurs soucis ont été effacés au propre comme au figuré . La famille n'existe pas, l'amour non plus, l'amitié non plus, mais ils ont quand même droit à leur minute-sexe.
On est dans un futur proche où les livres n'existent plus, les gens ne savent pas lire. Ne pas se poser de questions...
Un mot d'ordre : "se détendre"...
Tout est géré par les robots, et au sommet, un robot de type 9, Bob Spofforth . " Il avait été conçu pour vivre éternellement et il avait été conçu pour ne rien oublier."
Et lui se souvient... du monde d'avant. Sa rencontre avec Bentley , un des rares hommes à savoir lire, puis avec Mary Lou, le mettra en face de ses manques..

C'est un roman sur le pouvoir des livres, de la lecture, ce qu'elle apporte aux gens, en terme de savoir, et tout ce qu'ils pourraient perdre si ça leur était enlevé. ( Et ça fait peur...)
C'est un roman sur la place que l'homme fait à l'intelligence artificielle, aux robots, aux machines, la confiance qu'on leur fait et tout ce qu'il pourrait advenir si on leur laissait trop de place.
C'est un roman qui est paru en 1980, et il était sacrément visionnaire car on peut voir, déjà en quarante-trois ans, toute la place qu'ont pris les "machines "dans notre vie quotidienne. ( les ordinateurs, les portables, internet, les plateformes audiovisuelles...). Des machines qui sont censées nous rendre service mais qui peuvent aussi nous assujettir ou nous endormir...

C'est aussi une magnifique histoire d'amour, avec deux personnages qui se débattent pour exister, pour "penser "et qui sont entourés mais pratiquement seuls au monde, tel Adam et Eve.
(Et c'est aussi une autre histoire d'amour, touchante elle aussi, à sa façon...)
Mais c'est surtout une ode à la liberté, une ode au savoir, et une ode magnifique aux livres. le titre déjà fait référence à un grand classique de la littérature américaine, comme un hommage..

Un roman intéressant qui fait réfléchir....
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Les robots ont acquis une autorité légitime sur les humains dont on ne se souvient plus qui la leur a donnée. La vie de ces derniers se limite à la télé pour un abrutissement passif et aux drogues, les fameuses pilules sopors, distribuées aux quatre coins de New York. Errent dans la ville ces hommes et femmes aux regards absents, l'esprit embrumé dans les nuages formés par la fumée des joints qui ne les quittent jamais. Pas de jeunesse, plus d'enfants. Les unités de temps sont les bleus et les jaunes. La lecture n'est plus enseignée, elle véhicule bien trop de sensations, de questionnements. Vous ne saviez pas que la lecture est une source de troubles de l'esprit et d'intérêt trop prononcés pour les sentiments des autres ? Eh bien au XXVe siècle on vous le dira !
Les humains sous prétexte de préserver leur intimité ne se parlent plus, ne se regardent plus. Á grand renfort de sopors, le bonheur est acquis. le bonheur ? Oui, celui de faire s'évanouir chimiquement la colère, la mélancolie, l'inquiétude… et de se déplacer tels des zombies, sans jamais se heurter aux voisins et surtout sans rien ressentir. En voudriez-vous ? Sont-ce les futurs remèdes à la liberté de chacun ? Ne plus ressentir aucune émotion est-il gage de liberté ?

Le plus intelligent des robots, Spofforth, est le doyen de l'université de New York. Par une expérience malheureuse il a bénéficié d'une mémoire humaine parcellaire dans un corps en tout point semblable à un très bel homme ; un cerveau humain copié et inséré dans un cerveau métallique. Sa vie artificielle est longue, trop longue. Son corps ignore la fatigue mais son esprit pèse, toujours à la recherche des zones d'ombre de sa mémoire. Ses créateurs ont inhibé en lui toute possibilité de suicide mais, chaque printemps, il monte sur le toit de l'Empire State Building et attend, en vain, l'impulsion qui le fera tomber dans le vide.

Paul Bentley est prof dans l'Ohio et, par un heureux hasard, il a appris à lire, seul. Sidéré par cette découverte, il propose ses services au doyen Spofforth. Celui-ci refuse que la lecture soit enseignée à l'université, enseigner la lecture est un crime, mais il lui confie la tâche de décrypter les textes d'anciens films muets.
Par une écriture diablement efficace, l'auteur déroule la lente remise en marche d'un cerveau qui pense, qui voit, qui constate, qui analyse et qui s'interroge sur tout ce qui l'entoure. Bentley s'ouvre enfin à l'existence. En visionnant ces vieux films, l'attention de l'homme se porte sur le caractère étrange de ces vies qui défilent devant ses yeux. Des vies dans lesquelles des familles (un mot dont il ignorait totalement le sens) se côtoient avec plaisir et échangent entre eux au mépris de toute intimité !
La progression établie par l'auteur renvoie parfaitement à celle qui s'opèrerait chez un homme d'une cinquantaine d'années, bien conditionné depuis sa naissance par une éducation qui prône le non-partage, la totale ignorance des autres et des pensées uniquement tournées vers soi-même. Bravant l'interdiction de parler à quelqu'un sous prétexte de perturber son intimité, Bentley va aborder une certaine Mary Lou qui squatte dans un zoo. Elle sera le déclic qui le fera sortir de la zone de confort artificielle gérée par les robots. Il lui faudra alors résister à la prise réconfortante de sopors pour appréhender le monde et se sentir vivre. Par son journal, on arrive aisément à saisir les vagues-submersion qui déferlent dans tout son être, parfois douloureuses mais toujours salvatrices.

Me croiriez-vous ? J'ai adoré la délicatesse et l'exactitude de Walter Tevis lorsqu'il défend, au coeur de cette histoire, notre chère Lecture ; ces marques signifiant des mots.
« J'éprouvais un certain plaisir à découvrir les choses que les livres pouvaient dire à l'intérieur de mon esprit… Je ne me suis arrêté qu'après avoir appris tous les mots des quatre livres. Plus tard, j'ai mis la main sur trois nouveaux livres, et ce n'est qu'alors que j'ai vraiment su que l'activité à laquelle je me livrais s'appelait « lire ». »
La découverte par Bentley de cette nouvelle matière à enseigner et la façon de l'exprimer dans ce monde devenu totalement insipide m'a donné des frissons.

Ce roman tout à fait brillant explore avec une grande intelligence l'importance de la lecture, bien sûr, mais aussi celle de la connaissance de notre passé, de nos souvenirs. Il ouvre la réflexion sur de très nombreux sujets que je n'ai pas pu m'empêcher de transposer dans notre époque : le respect de règles instaurées soi-disant pour être heureux par une entité dont on ignore la légitimité, les dangers de l'introversion portée à l'extrême, l'abolition des questionnements individuels avec un contrôle de l'esprit insidieusement mis en oeuvre par une éducation robotique, la peur de sanctions suspendue au-dessus de chaque individu pour s'assurer de leur complète docilité…
Walter Tevis, avec un humour inventif, nous glisse le petit message des limites de la robotisation avec le bel exemple des grille-pain, une réjouissante production en circuit fermé ! Et la justice qui prend la poussière depuis des jaunes et des jaunes est jubilatoire.

Parcourir l'alternance entre les journaux de Bentley et Mary Lou et le récit de la vie de Spofforth fut un régal. Cette dystopie n'a rien à envier à 1984 ou le Meilleur des mondes. En voulant simplifier la vie des humains au maximum on finit par oublier que nous sommes là aussi pour faire face à l'adversité, nous adapter à notre environnement et sûrement pas pour subir une dictature digitale en attendant celle des robots.
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Planète Terre, XXVe siècle. Notre monde s'est progressivement robotisé : les androïdes règlent désormais la plupart des tâches industrielles, nous servent dans les restaurants, nous surveillent, et nous éduquent. Les robots sont de plusieurs classes, en fonction de l'intelligence que leur mission requiert. le plus haut degré, le neuvième, consiste à implanter une copie de l'esprit d'un ingénieur humain dans l'androïde. Ce cocktail d'humanité et de haute intelligence a conduit tous les robots de classe neuf à se suicider, ce qui n'est pas particulièrement rassurant (et en dit long sur l'estime que porte l'auteur à ses semblables). le seul à survivre à cette hécatombe est l'androïde Robert Spofforth, à qui on a retiré la faculté de se supprimer, et condamné à servir les humains jusqu'à ce qu'ils n'aient plus besoin de lui.

Malheureusement, il y a peu d'espoir de ce côté-là : les humains sont éduqués depuis des siècles à éviter tout effort intellectuel (« Pas de questions, relax », « Dans le doute, n'y pense plus »), à vivre dans l'isolement le plus complet, et à se contenter du plaisir sexuel ou chimique comme seuls buts dans la vie. Plus personne n'est capable de réparer quoi que ce soit, et quand un robot tombe en panne, on apprend seulement à se priver de ce qu'il fournissait.

Un homme, cependant, va faire une découverte susceptible de changer sa vie. Paul Bentley, professeur d'université spécialisé dans les films, tombe par hasard sur une bobine qui n'est pas un film porno comme attendu, mais qui représente une maîtresse apprenant à lire à des enfants. Avec de l'obstination, il parvient lui aussi à maîtriser la lecture. Ce qu'il découvre dans les livres et les vieux films muets le stupéfie : des gens vivants en groupe, en « famille », sans se soucier des Fautes de Promiscuité et d'Intrusion dans la Vie Privée qu'ils commettent. D'autres qui se disputent, se battent, pleurent, tombent amoureux, sans songer aux sopors qui leur permettraient d'oublier tout ça. Avec l'aide de Mary-Lou, une autre marginale, il va redécouvrir tout le passé de l'humanité et apprendre à se défaire de son éducation.

Walter Tevis nous fait le portrait d'un monde où l'individualisme a été poussé à son maximum, où la société s'est totalement coupée de son passé. La thématique est évidemment intéressante, et on peut facilement comprendre les mises que l'auteur nous adresse, mais j'ai trouvé l'écriture très sèche. J'ai eu peu d'empathie pour les personnages, et à aucun moment je n'ai ressenti en quoi ce système était mauvais, et ce qui manquait aux gens qui en étaient prisonniers, à la différence d'autres dystopies, comme 1984, la Servante écarlate, … dans lesquelles on ressent presque physiquement le poids écrasant de leur vie au quotidien. Ici, on sait juste que des gens s'immolent, sans savoir vraiment pourquoi, et ces gens invoquent le nom du Christ, alors que la religion est totalement absente de la vie de Paul, ce qui laisse à penser qu'ils ne font pas vraiment partie du même système. Paul regrette de temps en temps la compagnie de ses amis, mais on ne s'attarde pas non plus beaucoup sur ce sentiment. On peut alors se poser la question : cette vie nous semble bien fade, mais est-ce qu'elle rend les gens vraiment malheureux ? Et quand on trouve que la vie dans une dystopie n'est pas aussi mauvaise qu'elle en a l'air, on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur a un petit peu manqué sa cible...
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Citations et extraits (86) Voir plus Ajouter une citation
- J'avais encore jamais vu de robot triste, poursuivit Arthur. C'est à cause de tes oreilles noires ?
- Je suis un robot de Classe 9, répliqua Spofforth sur la défensive.
Il était encore très jeune et les conversations avec les humains le mettaient parfois mal à l'aise.
- 9! s'exclama Arthur. C'est plutôt élevé, non ? Mince, même l'andro qui dirige cette école n'est qu'un 7.
- L'andro? s'étonna Spofforth qui n'avait pas lâché sa pile de cendriers.
- Ouais, l'androïde. Quand j'étais gosse, on appelait "andros" tous les machins... tous les types comme toi. Vous étiez pas aussi nombreux à l'époque. Pas aussi intelligents, non plus.
- Ça vous dérange ? Que je sois intelligent ?
- Non, répondit Arthur. Bordel, non! Les gens aujourd'hui sont tellement cons que ça file envie de chialer. (Il détourna les yeux et donna un petit coup de balai.) Ce qui compte, c'est d'être intelligent. Et je suis content qu'il y ait encore des types intelligents.
Il s'arrêta de balayer, fit un geste englobant la cafétéria vide comme si les étudiants s'y trouvaient encore, puis il reprit :
- Je ne voudrais pour rien au monde que ce soit l'un de ces imbéciles d'illettrés qui mènent la barque quand ils sortiront d'ici. (Son visage ridé était tordu par une grimace de mépris.) Des tarés complètement hypnotisés. Des branleurs. On devrait les foutre dans le coma et les gaver de pilules.
Spofforth ne dit rien. Quelque chose en lui était attiré par le vieil homme - un vague sentiment de parenté. Par contre, il ne ressentait rien pour les jeunes humains qui étaient formés et acculturés ici.
Consciemment, il ne ressentaient rien pour eux qui, en groupes silencieux, les yeux vides, lentement, allaient tranquillement d'une classe à l'autre ou bien restaient assis, seuls, dans les pièces d'Intimité à fumer de l'herbe, à contempler des motifs abstraits sur leurs écrans muraux et à écouter la musique hypnotique et bêtifiante que diffusaient les haut-parleurs. [...] On leur disait de se développer "individuellement" mais ils se ressemblaient tous et se comportaient tous de la même façon, voix unies, visages inexpressifs.
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Mais plus que tout, je le sais maintenant, rien n'aurait été possible si je n'avais pas eu le courage d'accepter et d'analyser les sentiments qui sont nés lentement en moi, d'abord dans l'ancienne bibliothèque à la projection de ces images émotionnellement si riches, puis à la lecture des poèmes, des romans, des livres d'histoire, des biographies et des ouvrages de bricolage que j'ai trouvés plus tard. Ce sont tous ces livres, même les plus ennuyeux et les plus hermétiques, qui m'ont aidé à comprendre ce que cela signifiait d'être un être humain. Et j'ai aussi appris, à travers le sentiment de sidération que j'éprouve parfois quand j'ai l'impression d'entrer en contact avec l'esprit d'une personne morte depuis longtemps, que je n'étais pas seul sur cette terre. D'autres ont ressenti ce que je ressens, ceux qui, à certaines époques, ont réussi à dire l'indicible.
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Je pense que l'océan prend pour moi toute sa signification les jours de pluie, quand l'eau et le ciel sont gris. Il y a une plage en bas de la falaise et le gris des flots tranche sur l'ocre jaune du sable. Et les oiseaux blancs dans les cieux gris ! Rien qu'à imaginer ce spectacle, ici, dans ma cellule, les battements de mon cœur s'accélèrent. C'est triste aussi, comme le cheval avec le chapeau de paille dans le vieux film, comme King Kong qui tombe – si lentement, si doucement, si bas – et comme les mots que, maintenant, je dis à voix haute : "Seul l'oiseau moqueur chante à l'orée du bois." Comme le souvenir de Mary Lou, assise par terre, en tailleur, les yeux baissés sur son livre.
Tristesse. Tristesse. Mais je vais m'emparer de cette tristesse et l'intégrer à cette existence que je suis en train de mémoriser.
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— J’ai repassé le film. Un nombre incalculable de fois. Et j’ai commencé lentement à comprendre, comme si je l’avais toujours su mais sans savoir que je le savais, que l’institutrice et sa classe étaient en train de regarder les marques et de prononcer les mots qu’elles représentaient. Ces marques étaient comme des images. Les images des mots. On pouvait les regarder et dire le mot correspondant à voix haute. Plus tard, j’apprendrais même qu’on pouvait aussi regarder les marques et entendre les mots en silence au lieu de les dire. Il y avait les mêmes mots et des mots comparables dans les livres que j’avais trouvés
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Dans l'un des livres que j'ai trouvé au sous-sol du Centre Commercial, j'ai appris que la saison qui suit l'été était appelée, dans l’ancien monde, "automne", ou parfois "déclin des jours". C'est une belle expression, qui me plaît profondément.
Les arbres devant ma maison du bord de mer ne sont plus aussi verts ; leurs feuillages, au fil des jours, prennent des teintes jaunes, rouges et orange. Le bleu du ciel est plus pâle et les cris des mouettes se font plus lointains. Il y a une pointe de fraîcheur dans l'air, le matin surtout, quand je pars pour ma longue promenade sur la plage déserte.
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Vidéo de Walter Tevis
| LES LIVRES PAR LEURS TRADUCTEURS |#2 Rencontre avec Jacques Mailhos Pour sa traduction de
LE JEU DE LA DAME de Walter Tevis
/// RÉSUMÉ
Kentucky, 1957. Apres la mort de sa mere, Beth Harmon, neuf ans, est placee dans un orphelinat ou l'on donne aux enfants de mysterieuses ”vitamines” censees les apaiser. Elle y fait la connaissance d'un vieux gardien passionne d'echecs qui lui en apprend les regles. Beth commence alors a gagner, trop vite, trop facilement. Dans son lit, la nuit, la jeune fille rejoue les parties en regardant le plafond ou les pieces se bousculent a un rythme effrene. Plus rien n'arretera l'enfant prodige pour conquerir le monde des echecs et devenir une championne. Mais, si Beth predit sans faute les mouvements sur l'echiquier, son obsession et son addiction la feront trebucher plus d'une fois dans la vie reelle.
11/03/2021 |Les éditions Gallmeister
/////// Cette série d'entretiens est réalisée par les étudiants en Master 2 de création littéraire de l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines dans le cadre de leur stage au festival vo-vf.
:::: LE PROGRAMME COMPLET de la série : https://www.festivalvo-vf.com/les-livres-par-les-traducteurs/
© FESTIVAL VOVF 2021 www.festivalvo-vf.com
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