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Critique de Krout


Voilà ce que c'est d'avoir pour frère un professeur de philosophie à l'école normale. "Tiens lis-le, tu me diras ce que tu en penses, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris !" Etonnement de ma part, naturellement. Et, quelque inquiétude aussi, car Heidegger c'est un nom qui me dit vaguement quelque chose, mais sans plus. Je dois dire que quand je lis des choses comme « L'ETANT est » je ne peux m'empêcher de penser : « pour peu que cet étang soit profond, je me noie! » Pour autant j'ai lu, jadis, Kant et l'ornithorynque de Umberto Eco, je l'avais trouvé compliqué aussi et je doute que cela me soit d'un grand secours.

Je plonge donc dans le bouquin et si je ne me noie pas dans la première moitié, c'est de justesse. Il me semble perdre pied plusieurs fois tant le décor me parait irréel. Avec Elie, tel un ange, qui vient sauver tout le monde. Je ne peut m'empêcher de penser Eli, Eli lama sabachthani ? (Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné?). Attention, ce n'est pas d'avoir une bande de déportés traducteurs, multilingues, pour répondre au courrier des morts afin d'enfumer la population sur la solution finale, afin d'espérer des arrivées spontanées pour remplir les camps de concentration, voire afin de calmer les fantômes suite à des croyances occultes qui m'interpelle. Tout cela me semble encore répondre à une certaine rationalité dans une guerre par essence absurde.

Non, et c'est curieux, sans doute, mon questionnement se porte sur cette rue reconstituée, en sous-sol, à l'intérieur d'une mine, rue que je n'aurais par ailleurs jamais remarquée si ce n'était ces circonstances très extraordinaires. Pourquoi dépenser autant de ressources à aménager un décor féerique en pleine guerre, pour des prisonniers ? A ce point du roman, tout me paraît flou et je me perds sur ce qui est réel. Ce décor en viendrait à supplanter le monde extérieur, et les scribes, prisonniers de ce monde souterrain, mieux vivre que les Allemands exposés à l'extérieur.

Là, j'interroge wikipédia et je grappille pêle-mêle L'Etre et le Temps, l'effacement de l'espace. Oui mais encore ? Je décide de continuer le roman et bien m'en prend car avec l'arrivée d'Asher Englehardt l'optométriste (du coup j'imagine qu'il est du matin mais pas joyeux, ah la puissance des mots!) de Martin Heidegger, j'y vois de suite plus clair. Et les scribes aussi car ils reçoivent des informations sur le monde extérieur et des lunettes.

Mais qui est donc Elie ? Est-elle cette petite Polonaise qui s'endort à la messe ou taquine les bonnes-sœurs ? Est-elle cette jeune étudiante à Fribourg pleine de confiance en la vie ? Est-elle cette résistante pleine de ressources ? Et que deviendra-t-elle ? Ou plutôt : Qui deviendra-t-elle après la guerre ? That is the question !

Il est temps que je me fasse la malle, même si je n'ose pas en parler de celle-là sinon cette chronique va devenir un vrai fourre-tout. Au final, ce voyage dans le temps en vaut bien la peine. Il est bien écrit et les personnages principaux prennent de l'épaisseur dans la seconde partie du récit, j'ai fini par m'y attacher. Le premier tiers est cependant très désarçonnant et reproche plus conséquent : l'absurdité de la guerre, très bien mise en valeur du reste, ne devrait pas en arriver à amoindrir le rendu de son atrocité.

Pour ma critique peut-être me suis-je trop centré sur le titre ? Peut-être celui-ci n'est-il qu'un clin d’œil malicieux, sans plus ? Comment le savoir si ce n'est en le lisant ?
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