La Fille de la garrigue

La construction se dressait à une centaine de pas de la cabane. au milieu des genévriers, elle avait une solennité mégalithique. Des druides ou des Ligures auraient pu l'élever. Joseph en était fier. Tout son savoir-faire, son art étaient contenus dans ces pierres sèches étroitement imbriquées autour de la cheminée de briques. L'ensemble mesurait trois mètres sur quatre et s'élevait à deux mètres cinquante. Il lui avait fallu une semaine pour le monter, il lui suffisait d'une demi-heure pour tout détruire. On reconnaissait le four du Bonifay à la forme trapézoïdale de l'ouverture d'écoulement de l'huile.

Valentine devenait agressive. Oubliées les politesses. Oubliées les briques. Ces nobles renouaient trop facilement avec les anciens privilèges. Elle avait une vague idée de la révolution, mais sur le moment elle en souhaita une qui balaierai les vieilles castes royales et les nouvelles familles anoblies par l'Empire.

Les narines de Valentine palpitèrent, son ventre gargouilla. Elle pouvait suivre le fumet d'une soupe au lard à la trace, de la porte basse encadrée de jambons jusqu'à l'âtre d'une cheminée où pendait un chaudron léché par de paresseuses flammes.

Il en aurait versé toutes les larmes de son pauvre corps fourbu à force de penser aux espérances flétries. Mais ç'aurait été se donner en spectacle à cette racaille de feignasses qui vivaient sur le dos des travailleurs.

Il avait perdu tant de compagnons d'armes en Alsace, puis dans les Vosges, qu'il ne se souciait pas du bien et du mal, les bonnes étoiles n'avaient pas d'odeur.