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Bernard Cohen (Traducteur)
EAN : 9782221090725
267 pages
Robert Laffont (07/04/2000)
3.68/5   169 notes
Résumé :
Dans les années cinquante, Kemp, jeune journaliste globe-trotteur, buveur de rhum confirmé et
alter ego de l’auteur, quitte Greenwich Village pour Porto Rico où il a décroché un boulot de
reporter au San Juan Daily News. Toutes sortes d’individus y travaillent : misanthropes désabusés,
ratés, ambitieux prêts à refaire le monde, tous parias en quête d’une existence meilleure sous les
tropiques.

Mais la paradisiaque triade ru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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« - Exactement ! On est venus ici pour se bourrer, pour prendre du bon temps et pour… se laisser aller ! »

EXACTEMENT ! Belle entrée en matière. Il y a des livres où je me sens bien. Parce que parfois, il faut savoir se laisser aller, se lâcher. Il est temps de se servir un verre de rhum et d'ouvrir ce bouquin de Hunter S. Thompson. En plus, c'est facile, une chemise froissée, un bermuda et des claquettes, direction l'aéroport pour atterrir quelques heures plus tard à San Juan, Porto Rico. Là-bas, Paul Kemp m'attend avec sa bouteille de rhum. Lui est un grand journaliste, officieusement New-York Times, officiellement San Juan Daily News, un journal minable et sans envergure pour les amerloques un peu paumés de l'île. « Rhum Express », Porto Rico le paradis.

Que dire de plus de ce livre. A boire sans modération. J'ai oublié combien de verres de rhum j'ai pu boire avec Paul Kemp et ses acolytes. Combien de hamburgers bien gras pour accompagner ces verres de rhum ? Une île paradisiaque, des plages de sable blanc mais surtout des verres de rhum presqu'à volonté tout au long de la journée et de la nuit. Que dire de plus d'un pays où les glaçons sont plus chers que le verre de rhum qui les accompagnent.

Du rhum, des femmes et des verres de rhum. En prime, le carnaval, un rythme endiablé où les gens dansent, et boivent, et se laissent aller. Je suis tout proche du bonheur et de la béatitude. Une lecture loin d'être saine qui dresse le portrait de quelques paumés expatriés sur une terre paradisiaque. Tu penses boire du rhum à chaque page ? Et tu auras raison ! Sauf que ce n'est pas tout, je ne peux pas résumer ce livre à ce simple fait. Il y a bien plus : la recherche des glaçons. Tout aussi important, bien plus chers et bien plus rares, les glaçons sont les Saint Graal de ces journalistes. Mais à travers ces personnages, peu enviables, l'auteur y distille ses notes de cynisme, ce parfum de supériorité américaine, ces effluves d'impérialisme.

Mais je comprends parfaitement Paul Kemp. Je me mets à sa place, presque à l'envier. Je débarque sur une île, sans rien qu'une chemise froissée, l'envie de faire du pognon et de prendre du bon temps. Bon, pour le pognon, c'est raté. Mais question bon temps, entre les chaudes nanas, et les bars miteux, il y a de quoi faire. Quoique au rayon nana, il n'y a en qu'une qui vaille le coup, la belle Chenault que j'ai croisé à l'aéroport avec Kemp.

Tu aimes ou pas. Après tout, tu n'es pas forcément alcoolique et tu n'apprécies peut-être pas autant le rhum. Dans ce cas-là, tu ne comprendras pas ce roman, aux consonances fortement autobiographiques, Paul Kemp étant l'alter-ego de Hunter S. Thompson, fondées sur des souvenirs de l'auteur lors de son passage sur l'île.

« - Euh, ça te dérange, si je me soûle tout nu ? »
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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The Rum Diary
Traduction : Bernard Cohen


Merci aux Editions Gallimard qui, en partenariat avec Babélio, nous ont gracieusement permis de découvrir "Rhum Express." ;o)

Ce livre, je l'ai dévoré en un après-midi. Pourtant - oserai-je l'avouer ? - dans la liste que j'avais choisie parmi les exemplaires proposés, il me tentait bien moins par exemple que "Kornwolf" de Tristan Egolf. Pauvre sotte que j'étais ! Sans la bienveillance du grand dieu des Scribes, je serais passée à côté d'un texte dont, s'il appartenait à notre espèce, on dirait qu'il possède une incroyable présence.

Non par le style, plus littéraire certes qu'on pouvait s'y attendre mais sans plus puisque Thompson ne se démarque pas encore ici par la férocité de sa griffe. Encore moins par l'histoire, surtout envisagée de loin, dans un résumé de quatrième de couverture. Grosso modo, il y est question d'un journaliste free-lance qui, sur un coup de tête et parce qu'il a envie de voir du pays, accepte un poste à Porto Rico, au sein d'un journal américain qui commence à être mangé aux mites. de récit de beuveries au rhum blanc en rapports de magouilles minables, il raconte l'année qu'il a passée dans la chaleur des Caraïbes et les expériences - limitées compte tenu de la situation - qu'il y a vécues.

Oui, tout cela est bien banal. Mais ...

Mais il y a Hunter S. Thompson.

Sous sa plume, Porto Rico prend des airs de gros fruit à demi pourri et très satisfait de l'être, les Etats-Unis affichent, avec une fatuité de dindon, leur volonté de colonisateurs sans complexes, Paul Kemp, le narrateur soit-disant paumé, se révèle intelligent et volontaire alors que son collègue déjà sur place, le solide Yeamon, ne va pas tarder à mettre sur la place sa nature d'authentique tête brûlée, la rédaction du "Daily News" se transforme en un exotique panier de crabes à l'agonie, les autochtones avancent comme des ombres indifférentes ou hautement malveillantes, le rhum trouble l'esprit ou le remet à flots, la chaleur moite des Caraïbes vous dégouline dans le dos et "Rhum Express" s'affirme comme un roman très, très prenant.

En le lisant, on songe à Malcolm Lowry et à "Au-dessous du volcan", l'un des plus grands romans qui aient jamais été écrits sur le mal de vivre, la solitude intérieure et leurs conséquences, l'angoisse et le ou les addictions censées la combattre. Mais si l'auteur britannique est plus flamboyant, plus lyrique - et moins cynique - l'Américain, lui, vit la dépendance à l'alcool comme un parcours initiatique et non comme une volonté autodestructrice. Thompson reste lucide et ne s'apitoie pas. le cynisme total qui est le sien et que maîtrisait si peu Lowry, lui sert de garde-fou. le vide l'attire, on n'en doute pas un seul instant et il n'en fait pas mystère, mais il parvient toujours à empêcher la face la plus sombre de lui-même d'y sombrer. On l'entend bien penser "A quoi bon, finalement ?" mais une curiosité qu'on peut qualifier d'extraordinaire, d'inhabituelle même, le pousse à dépasser ce raisonnement trop simple. Au-delà des cuites au rhum dont son alter ego ne conserve que bien peu de souvenirs, le romancier, lui, veut savoir ce qu'est le Vide avant d'accepter de s'y jeter.

... Question qui demeure sans réponse, bien sûr.

Quoi qu'il en soit, l'acharnement de Thompson à "voir plus loin" donne déjà à ce premier roman une puissance qui fascine et réveille en soi tout un flot de rêves (et de cauchemars) qu'on est étonné et ému de redécouvrir si jeunes, si pleins d'allant, si vigoureux. C'est l'éternel et incompréhensible miracle du conteur-né : le Temps n'est plus, les mots demeurent et le lecteur renaît à lui-même. ;o)
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Pourquoi ce livre ? Mayotte : ses deux îles, son lagon, ses noix de coco, ses makis, son rhum ! Sans commentaire…
Paul Kemp, journaliste sans attache, quitte New York pour Porto Rico. Il intègre le San Juan Daily News et fait vite corps avec l'équipe d'alcooliques qui remplissent les pauvres colonnes d'un journal en décrépitude. « le journal faisait office de chambre de compensation pour le moindre écrivain, photographe ou intrigant à ambition littéraire et qui échouait à Porto Rico. » (p. 17) le San Juan Daily News regroupe ce que Kemp appelle des journalistes vagabonds, groupe auquel il ne tarde pas à s'identifier, noyant le besoin de partir et l'impossibilité d'aller nulle part dans des doses massives de rhum bon marché. « Comme presque tous mes semblables, j'étais un fouineur, un éternel insatisfait, et parfois un fauteur de troubles inconscient. Je ne m'arrêtais pas assez longtemps pour avoir le temps d'y réfléchir, mais mon instinct me semblait juste. Je partageais l'optimisme fantasque qui nous faisait croire que certains d'entre nous allaient de l'avant, que nous avions choisi la bonne voie et que les meilleurs finiraient inévitablement par percer. Mais comme tant d'autres, j'avais aussi le sombre pressentiment que la vie que nous menions était une cause perdue, que nous étions des acteurs qui nous abusions nous-mêmes tout au long d'une absurde odyssée. Et c'était la tension entre ces deux extrêmes, idéalisme tapageur d'une part, hantise de l'échec imminent de l'autre, qui continuait à me pousser en avant. » (p. 19)
À mesure que les semaines passent, la bienheureuse hébétude se change en prise de conscience. « On ne pouvait pas vivre indéfiniment en ne comptant que sur ses couilles et en jouant au plus malin. Moi, je fonctionnais comme cela depuis dix ans et j'avais maintenant la nette impression que mes réserves s'épuisaient. » (p. 82 & 83) Mais rien de tragique ou de douloureux. La désillusion est désabusée. Paul Kemp se regarde partir à vau-l'eau. Un vain et éphémère sursaut s'énergie trompe les apparences, mais le naturel revient au galop. Kemp reste un incapable.
Dans ce récit à la première personne, le lecteur fait l'expérience d'une subjectivité poussée à son paroxysme. Tout tourne autour du nombril alcoolisé de Paul Kemp. le titre original, The Rum Diary, rend d'ailleurs bien mieux l'idée d'une lecture impudique et d'un récit sans pudeur. le regard résigné qu'il porte a posteriori sur cette période de sa vie est noyé dans de vieilles vapeurs éthyliques. « Puis midi arrivait et le matin miroitait comme un rêve déçu. La sueur devenait une torture et le reste de la journée était jonchée des cadavres de toutes les belles occasions qui auraient pu se présenter mais qui n'avaient pas réussi à survivre à la fournaise. En continuant à monter, le soleil carbonisait les dernières illusions et me donnaient à voir tout ce qui m'entourait sous son vrai jour, étriqué, maussade, vulgaire et je me disais que non, rien de bon pourrait m'arriver ici. » (p. 310 & 311) À l'en croire, il y aura toujours du rhum ou un autre alcool pour étancher sa soif de disparaître et hâter le passage du temps.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le journalisme, les relations entre l'équipe de presse, l'infâme relation amoureuse avec Chenault, etc. Mais j'ai préféré me contenter de présenter le personnage principal, autocentré au possible. Je vous laisse le plaisir de découvrir ce roman malsain, bouffon et désenchanté. Il me reste à voir le film éponyme de Bruce Robinson, avec Johnny Depp, et à lire Las Vegas Parano, du même auteur.
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L'avantage avec un livre de poche c'est que l'on peut le trimbaler par tout. Et cela tombe plutôt bien tant lorsque l'on commence rhum express on a qu'une envie : aller à tout prix jusqu'à la dernière goûte. Commencé au petit dej. et posé sur l'étagère du devoir accompli tard dans la soirée. Entre temps la lecture se fait à l'arrêt de bus, dans le bus, puis dans la rue jusqu'au bureau en évitant soigneusement les réverbères et autres panneaux indicateurs, véritables écueils pour les lecteurs inassouvi, la tête penchée dans la barrique. Une main étant occupée à tenir la livre, la pose du midi se résume à un casse-croute/café dans une salle de bar pleine de bruit à l'heure du coup de feu.
Apéro du soir oblige, devant la cheminée, on hume les mots d'Hunter S. Thompson, on déguste en rythme, on sirote à la santé du désespoir.
Bon, l'histoire est assez simple : " Dans les années cinquante, Paul Kemp, jeune journaliste globe-trotteur, buveur de rhum confirmé et alter ego de l'auteur, quitte Greenwich Village pour Porto Rico où il a décroché un boulot de reporter au San Juan Daily News".
Son monde tourne autour du journal. Un fortin peuplé de ratés, d'ambitieux, de parias, que seul le rhum réuni.
C'est une cuite de 300 pages qui attend le lecteur avec au final une mémorable gueule de bois : "j'ai surpris mon visage dans une glace : j'avais l'air sale et miteux. Un vagabond hâve aux yeux rouges." (p. 26)
Tous les protagonistes, du chauffeur de taxi au bisenèsemane, du flic au pilote d'avion, du tenancier d'estaminet au patron d'hôtel, sont dépeints sans complaisance. Personne ne trouve grâce aux yeux de l'auteur. Pas même les touristes en goguette : "Pas une jeune dans le lot. Toutes étaient vêtues de robes cocktail sans manches qui les collaient comme des sacs poubelles."(p. 30)
Entre Yeamon, viré du journal, qui chasse le poulet au harpon, Sala persécute par les enfants : "Ces petits cons trouvent que ma bagnole ressemble à un cafard [...]. Je devrais en écraser quelques-uns." (p. 75) et l'énigmatique Sanderson, affairiste sans scrupules, Kemp n'est pas loin du désespoir : "C'était peut-être qu'au cours de l'embuscade que le temps m'avait tendue, cette idée d'être un champion, fidèle monture sur laquelle je cavalais, avait reçu une balle perdue."(p. 49)
Dans une île asservie, laboratoire du capitalisme (aujourd'hui, on dirait libéralisme) américain et de sa croisade anti-communiste, Kemp évolue entre bitures mémorables et baises pathétiques.
Kemp a cependant le rhum lucide : " Voilà, j'étais payé 25 dollars par jour pour bousiller le seul lieu au monde où j'avais éprouvé une certaine pais intérieure en l'espace de 10 ans. [...] Et si j'étais là, c'était uniquement parce que je m'étais soûlé, fait arrêter et que j'étais devenu ainsi un pion dans une partie débile qui me dépassait." (p. 217)
La paradisiaque triade rhum, sex & sun vire aux cuites permanentes, aux fêtes délirantes à la sexualité brutale : "On arrête pas de se bourrer et on enchaîne catastrophe sur catastrophe, de pire en pire.(p. 271). Une perdition, véritable fuite en avant tel que celle que l'on retrouve dans le roman Cinq matins de trop où l'australien Kenneth Cook nous fait vivre le cauchemar éveillé d'un jeune instituteur, qui devient peu à peu accro à l'alcool, au jeu, au sexe, à la violence, jusqu'à l'autodestruction.
Rhum express aurait pu être un livre culte, le roman d'une jeunesse désabusée, s'il avait trouvé un éditeur (courageux) dans les années 50. Au delà des personnages il montre une société qui se cherche dans un monde en évolution accélérée, des protagonistes avides de sensations fortes. Dix en plus tard Hunter S. Thompson aurait situé l'action sur l'île de White, Ten Years After ou Janis Joplin aurait remplacé les rythmes caribéens, le cannabis le rhum ; mais Chenault se serait aussi débarrassée de sa culotte de soie.
Chenault.
C'est par elle que commence le livre et qu'il se fini.
Elle traverse le roman, entre pulsions et mauvais trips, et le coeur de Kemp.
Du "joli petit corps, tendu par une impatience qui trahissait une masse d'énergie refoulée" (p.22) jusqu'à son départ : " On est deux âmes soeurs. On boira encore du rhum ensemble, on dansera tout nus. Viens me voir à New York. J'aurais deux ou trois surprises pour toi." (p. 313).
Une fois le livre terminé il reste encore quelques rasades au fond du bouteillon : chose rare on se prend à replonger avec délice et gourmandise dans des passages hallucinés ! Comme cela, juste pour prolonger le plaisir et ... l'ivresse.
Lien : http://opoto.org/blog/wordpr..
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J'avais beaucoup entendu parler de Hunter S Thompson, à cause de son livre le plus connu, Las Vegas Parano. Mais je n'avais jamais eu l'occasion de livre un livre de ce journaliste américain. C'est pourquoi Rhum Express, son premier roman, m'intéressait grandement.
Je m'attendais à ce que l'intrigue se passe aux Etats-Unis, et là, première surprise, puisque c'est à Porto Rico. Dès les premières pages, on est happé par l'écriture rapide, nerveuse et en même temps entrainante, typiquement journalistique de Thompson. Ses descriptions retracent avec une grande justesse les lieux, au point que l'on s'imagine soi-même au bord de la plage en train de boire du rhum avec les personnages. Ces personnages, justement, m'ont plutôt déroutée. C'est difficile à décrire et expliquer, mais leurs réactions m'échappaient. Je me demandais ce qu'ils faisaient à Porto Rico, pourquoi ils se considéraient tous comme des minables- sans pour autant faire quelque chose pour changer ça. L'omniprésence de termes comme « pochtrons » ou « sacs à vin » semblait vouloir montrer qu'ils ne faisaient que picoler toute la journée (et vu le nombre de fois où Thompson dit « je me servis un verre de rhum » et autres dérivés, mon impression était sans doute juste). J'ai donc ressenti un immense fossé entre eux et moi.
C'est en lisant ce genre de livres que l'on se rend compte que le monde a bien changé : difficile d'imaginer des gens aller dormir sur une plage parce qu'il n'y a plus de chambres libres à l'hôtel, ou s'acheter une voiture pour une bouchée de pain comme ils s'achèteraient un vélo. Leur liberté était extrême, comparée aux vies que l'on mène aujourd'hui. Cela n'est pas forcément une bonne chose, mais les faits sont là, et même si j'ai beaucoup aimé ce livre, je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir une distance entre les personnages et moi, qui générait de l'incompréhension de ma part.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Soudain, elle m’a attrapé et m’a attiré sur elle tout en s’allongeant sur le dos.
- Fais-moi l’amour, a-t-elle commandé d’un ton catégorique.
Avec un petit rire, je me suis penché pour lui mordre un sein. Elle s’est mise à geindre et à m’empoigner par les cheveux. […] L’odeur de son corps m’excitait énormément. Je l’ai attrapée sauvagement par les fesses et je l’ai manœuvrée d’avant en arrière. Brusquement, elle s’est mise à hurler. J’ai d’abord cru que je lui faisais mal avant de me rendre compte qu’elle était en train d’éprouver un orgasme intense. Elle en a eu plusieurs, chacun dans une tempête de cris, et puis j’ai senti que j’explosais lentement en elle, moi aussi.
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[...] ... Il n'y avait pas de filles dans ce bar. Seulement des femmes mûres et des hommes chauves en tenue de soirée. Je tremblais, maintenant. Et si j'allais avoir une crise de delirum tremens ? J'ai continué à boire, de plus en plus vite. J'essayais de me soûler à fond. J'avais l'impression que les gens me regardaient avec toujours plus d'insistance, mais j'étais incapable de protester, de prononcer un seul mot, je me sentais isolé, épié, démasqué. J'ai glissé tant bien que mal de mon tabouret et je suis sorti héler un taxi. Trop mal en point pour prendre une chambre à l'hôtel, je n'avais nulle part où aller sinon un appartement puant infesté de cafards. Le seul toit qui puisse m'abriter.

J'ai allumé toutes les lumières, ouvert toutes les fenêtres avant de me servir un grand verre et de m'allonger sur le lit pliant pour feuilleter une revue. Il y avait un peu d'air, seulement le vacarme dans la rue était tellement insupportable que j'ai renoncé à lire. J'ai éteint. Les gens n'arrêtaient pas de passer sur le trottoir et de regarder chez moi. Maintenant qu'ils ne pouvaient plus me distinguer dans l'obscurité, je m'attendais à voir des pillards se glisser par la fenêtre à tout moment. Allongé avec une bouteille de rhum en équilibre sur mon nombril, je méditais la manière dont je me défendrais.

Je me suis dit que si j'avais eu un Luger, j'aurais pu les cribler de balles, ces salauds. Relevé sur un coude, j'ai visé la fenêtre avec un doigt pour voir quel angle de tir j'avais de ma place. Parfait. Et il y avait juste assez de lumière dehors pour qu'une silhouette se découpe nettement. Je savais que tout se passerait très vite : une pression sur la gâchette, une détonation à crever les tympans, puis des cris frénétiques suivis par le bruit effrayant d'un corps s'effondrant sur le trottoir. Il y aurait un attroupement, évidemment, je serais sans doute obligé de tirer encore, en légitime défense. Ensuite, les flics surgiraient et ce serait la fin. Ils me reconnaîtraient sur le champ [le narrateur a déjà eu maille à partir avec la police de la ville] et ils me tueraient probablement tout de suite, dans l'appartement.

Seigneur, je suis condamné. Je ne sortirai jamais d'ici vivant.

J'ai cru voir des ombres bouger sur le plafond, entendre des voix qui criaient mon nom dans la rue. Je tremblais, je suais, et puis j'ai basculé dans une sorte de délire. ... [...]
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Comme presque tous mes semblables, j'étais un fouineur, un éternel insatisfait et parfois un fauteur de troubles inconscient. Je ne m'arrêtais jamais assez longtemps pour avoir le temps d'y réfléchir, mais mon instinct me semblait juste. Je partageais l'optimisme fantasque qui nous faisait croire que certains d'entre nous allaient de l'avant, que nous avions choisi la bonne voie et que les meilleurs du lot finiraient inévitablement par percer. Mais comme d'autres j'avais aussi le sombre pressentiment que la vie que nous menions était une cause perdue, que nous étions tous des acteurs qui nous abusions nous-même tous au long d'une absurde odyssée. Et c'était la tension entre ces deux extrêmes, idéalisme tapageur d'une part, hantise de l'échec imminent de l'autre, qui continuait à me pousser en avant.
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Moberg n'était à San Juan que depuis quelques mois, mais Lotterman paraissait lui vouer une haine intense, une haine que le commun des mortels aurait mis des années à forger. C'était un dégénéré, à vrai dire. Petit, de rares cheveux blondasses, un visage livide et flasque. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un aussi enclin à l'autodestruction, ou plutôt à la destruction en général, la destruction de tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Un type répugnant de bout en bout. Il détestait le rhum et pourtant il liquidait une bouteille en dix minutes avant de se mettre à vomir partout et de s'écrouler. Il se nourrissait exclusivement de brioches et de spaghetti, qu'il rendait dès qu'il prenait une cuite. Il dépensait tout son argent en prostituées et corsait de temps à autre cette routine avec un travesti, juste pour la bizarrerie du truc.
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[...] ... A première vue, c'était assez déprimant. La plupart [des Portoricains qui s'exprimaient] avaient l'air aussi naïfs qu'ignorants. Ils n'avaient pas lu les brochures de l'Office du Tourisme portoricain, ils ne connaissaient pas les publicités financées par les producteurs de rhum, ils n'avaient pas la moindre idée du Boom : tout ce qu'ils voulaient, c'était New-York. Un document accablant, qui m'a entièrement éclairé sur leurs raisons de s'expatrier. Je ne dis pas qu'elles se tenaient, mais c'étaient leurs raisons : simples constats tirés par des êtres que je ne pourrais jamais comprendre puisque j'avais grandi à Saint-Louis, moi, dans une maison avec deux cabinets de toilette, que j'avais fréquenté le terrain de football, les soirées d'étudiants, l'école de danse, que j'avais vu et fait plein de choses, mais que je n'avais jamais été portoricain.

Il m'est soudain venu à l'esprit que ces gens-là quittaient leur île à peu près pour les mêmes raisons qui m'avaient poussé à fuir Saint-Louis, à abandonner mes études et à envoyer au diable tout ce que j'étais censé désirer dans la vie, ou plutôt tout ce qu'on m'avait conditionné à désirer. Et je me suis demandé ce que j'aurais bien pu raconter si un journaliste était venu m'interviewer à Lambert Airport le jour où je m'étais envolé pour New-York avec deux valises, trois-cents dollars en poche et une enveloppe bourrée d'articles que j'avais publiés dans un canard de l'armée ... [...]
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À l'occasion de l'annonce du Grand prix de littérature américaine et des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, le Book Club s'intéresse aux livres qui nous aident à comprendre l'Amérique d'aujourd'hui. Pour en parler, nous recevons Francis Geffard, éditeur chez Albin Michel et créateur du Grand prix de littérature américaine ainsi que Nicolas Richard, auteur et traducteur. Il a notamment traduit Hunter S. Thompson, Thomas Pynchon, Woody Allen, James Crumley, Stephen Dixon ou encore Quentin Tarantino.
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