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Critique de Cosaque


« Être philosophe ne consiste pas simplement à avoir de subtiles pensées, ni même à fonder une école, mais à chérir assez la sagesse pour mener une vie conforme à ses préceptes, une vie de simplicité, d'indépendance, de magnanimité et de confiance. »

Voilà une déclaration qui résonne comme un programme, une voie à suivre, ce que Thoreau a tenté durant son expérience de plus de deux années au fond des bois. Il s'agissait, pour lui, de tester ses capacités à la rupture d'avec la civilisation et de ses facilités matérielles. Cette espèce de compte rendu, est une ode à la liberté et à la singularité qui ne peuvent s'obtenir que par l'abandon de toutes les complexités matérielles et sociales. Pour Henry David Thoreau, les sociétés technologiques par l'obligation d'apprendre à se servir d'outils de plus en plus complexes engendrent une spécialisation croissante qui fragmente l'individu.

Ce constat d'un machinisme qui aliène l'humanité, Henry David Thoreau l'a fait au milieu du XIXe siècle, aujourd'hui en notre début de XXIe nous sommes immergés dans un bain technologique en toute insouciance, sans doute parce que la quantité et la diversité des objets techniques qui nous environnent atteint un niveau jusqu'alors inédit. Nous pouvons, cependant légitimement nous poser la question de notre liberté individuelle. Est-ce que nous Pouvons nous permettre de faire machine arrière ? Sommes-nous en train de devenir des mutants, des espèces de cyborgs ? Est-ce grave ? À souhaiter ? À craindre ?
Je ne sais pas, je n'ai pas d'idées précises, ou plutôt si, mais elles sont contradictoires et ont tendance à s'annuler. Je ressens néanmoins une sorte de malaise quand je vois mes contemporains incapables de percevoir que la pluie va tomber autrement qu'en consultant leur smartphone, alors qu'il est si simple de lever la tête et de regarder le ciel. C'est dans cet état d'esprit de trouble quant aux conséquences de notre vie indissociablement lié à un environnement technique toujours plus envahissant que j'ai abordé la lecture de Walden : ou la vie dans les bois.


Un élément que j'ai apprécié c'est sa volonté de ne s'adresser à son lecteur qu'en son nom propre et de son point de vue, sans chercher à bâtir un système universel qui répondrait à tout. Ceci se manifeste par l'usage de la première personne. Il s'agit donc d'une personne particulière qui s'adresse au lecteur avec toute sa subjectivité, et de ce fait avec toute sa sincérité. Il y a chez Thoreau un désir de cultiver la singularité alliée à une certaine colère de constater que le monde social exige l'inverse. Ainsi il voit dans les vêtements un élément qui sert à marquer le rang sur l'échelle hiérarchique de la société.
« Les rois et les reines qui ne portent leurs vêtements qu'une fois, bien qu'ils soient faits par un tailleur ou une couturière à la mesure de leurs majestés, […] ne sont que des porte-manteaux de bois sur lesquels on pend les vêtements propres. »
Cessons de réduire notre être à celui d'un simple porte-manteaux, et ramenons le rôle du vêtement à sa fonction première de protection contre les intempéries. Ce qui vaut pour les vêtements le vaut également pour tous ces objets qui sont plus des marqueurs sociaux que devant répondre à une réelle utilité. C'est pourquoi il apparaît pour Thoreau que la solution pour éviter de tomber dans ce piège est de s'éloigner des villes et de se rapprocher de la nature.

Dans son récit l'auteur exprime un amour profond et sincère de la vie animale et végétale des bois rythmées par le balancement des saisons. La maison qu'il s'est fabriquée est telle qu'elle reste en contacte avec la vie extérieure du bois : il n'y a pas de rupture. Il y a de très belles pages sur ses rencontres avec divers animaux, lièvre qui s'enfuit ou chouette qui s'éveille. L'observation des poissons à travers la glace de l'étang en hiver est un joli moment de poésie. D'ailleurs cet aspect poétique se retrouve dans des parties qui se veulent comme des exposés objectifs et scientifiques, par exemple sa description de la formation de la glace. le caractère de poétique de Thoreau l'amène à proposer des explications « scientifiques » tout à fait naïves voire enfantines. Il en va ainsi de l'analogie cosmique des formes qu'il tire de la contemplation des divers métamorphoses que subit du sable sur un talus lors du dégel ; ou de l'organisation topographique des océans dont il croit tenir la clé par le sondage qu'il opère dans son étang de Walden.
Walden : ou la vie dans les bois, malgré l'obscurité poétique de certains passages, respire un dynamisme et un optimisme très agréable, en ces temps de pessimisme voire de désespoir. Thoreau espérait et cherchait un chemin vers une forme de sérénité heureuse, et il nous a livré là un récit de l'une de ses tentatives. Libre à nous de nous en saisir et de les adapter à notre vie.

NOTE : Si vous voulez un compte rendu de lecture plus précis et objectif, je vous conseille la lecture de celle de « loreleirocks » (très bien faite) dans la page des critiques sur Walden.
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